Suite à des rumeurs d'effets indésirables des alpha2-agonistes chez le spitz nain, le groupe d’étude en anesthésie et en analgésie (GEAA) de l’Afvac rappelle le bon usage de ces molécules.
Dans son concept actuel et moderne, une anesthésie générale doit idéalement permettre d’obtenir conjointement chez l’animal trois valences : inconscience (ou narcose), myorelaxation et analgésie. Actuellement, en médecine humaine comme vétérinaire, il n’existe pas de médicament unique permettant de remplir ces trois qualités essentielles. Le praticien se trouve donc dans l’obligation de combiner plusieurs médicaments afin d’atteindre cet objectif. C’est cette combinaison de produits à visée narcotique, myorelaxante et analgésique, leurs doses, moments et voies d’administration respectives que l’on désigne sous le qualificatif de protocole anesthésique.
Les alpha2-agonistes en anesthésie
Dans ce contexte, les alpha2-agonistes gardent un intérêt majeur dans les protocoles anesthésiques du chien et du chat, notamment lors de la prémédication. Plusieurs molécules sont actuellement disponibles chez les carnivores domestiques : la xylazine, la médétomidine et la dexmédétomidine.
Les alpha2-agonistes permettent ainsi d’obtenir conjointement une sédation, une myorelaxation et une analgésie dont la durée et l’intensité des effets sont dose-dépendants, ainsi qu’une excellente potentialisation des autres médicaments de l’anesthésie. Cependant, la multitude et l'intensité de leurs effets indésirables cardiovasculaires (hypertension puis hypotension, bradyarythmies type BAV2) comme respiratoires (bradypnée, œdème aigu du poumon) limitent leur utilisation aux doses usuelles aux animaux dont le risque ASA est ≤ 2. Des vomissements sont aussi régulièrement observés peu de temps après administration.
Des doses diminuées grâce aux nouvelles molécules et à l’anesthésie volatile
Théoriquement, la dose à administrer varie donc selon l’intensité et la durée des effets (sédatifs, analgésiques et myorelaxants) recherchés. Cependant, il convient de noter qu’avec le développement récent de spécialités morphiniques vétérinaires d’une part, et de l’anesthésie volatile d’autre part, les doses d’alpha2-agonistes aujourd’hui préconisées sont généralement drastiquement diminuées par rapport aux recommandations initiales issues des AMM. Par exemple, en prémédication, la médétomidine est aujourd’hui recommandée à des doses variant entre 3 et 5 µg/kg par voie intraveineuse chez le chien, lorsqu’elle est combinée avec un morphinique comme la méthadone ou le butorphanol, soit des doses 5 à 7 fois moindres que celles indiquées dans les RCP des médicaments concernés. Dans le même ordre d’idée, en co-analgésie, médétomidine et dexmédétomidine peuvent être utilisées en microdose, en bolus (de 0,5 à 2 µg/kg, IV) +/- perfusion continue (de 0,5 à 2 µg/kg/h, IV), ce qui limite mais n’annule pas complètement leurs effets sédatifs comme cardio-vasculaires.
Antagoniser de manière raisonnée
Par ailleurs, de manière intéressante, les alpha2-agonistes peuvent être antagonisés. Généralement utilisé pour contrecarrer les effets sédatifs et les effets indésirables lorsqu’ils existent, il faut cependant tenir compte du fait que l’alpha2-antagoniste annule également l’analgésie et les effets myorelaxants, pouvant alors révéler des effets indésirables inhérents à d’autres médicaments utilisés conjointement (comme la kétamine). En pratique, l’utilisation d’alpha2-antagonistes ne devrait jamais être systématique mais réservée seulement au traitement d’effets indésirables morbides. En effet, les alpha2-antagonistes engendrent aussi des effets hémodynamiques propres (vasodilatation, brève et légère diminution de la pression artérielle, tachycardie), non négligeables chez certains patients à risque (hypovolémiques…).
Une utilisation dans le cadre d’un ensemble de bonnes pratiques anesthésiques
Enfin, le fait d’anesthésier un animal même sain doit toujours être considéré comme un acte à risque. En effet, des complications, pouvant aller jusqu’au décès, peuvent survenir chez tout type de patient, quel que soit son état de santé initial et le type de procédure qu’il subit. Il convient donc de garder à l’esprit qu’anesthésier un animal ne se limite pas simplement à l’utilisation de médicaments même judicieusement choisis dans le cadre d’un protocole équilibré et adapté à l’état de santé de l’animal, mais implique aussi le respect et la mise en œuvre systématique de bonnes pratiques anesthésiques, et ce de la prémédication au réveil, afin de réduire au maximum le risque inhérent à cet acte :
-Un examen clinique pré-anesthésique, suivi d’une réanimation adaptée si l’animal le nécessite,
-Une surveillance clinique continue des grandes fonctions vitales (cardiovasculaire, respiratoire et métabolique),
-Des moyens de prévention des principaux risques anesthésiques tels que l’hypotension (voie veineuse permanente et sécurisée, fluidothérapie), l’hypoventilation (assurer la perméabilité des voies aériennes supérieures, oxygénothérapie), l’hypothermie et la nociception/douleur,
-Des moyens instrumentaux de diagnostic et de traitement des principales complications per-anesthésiques.
Au-delà des médicaments, ce n’est donc qu’au prix d’efforts humains et matériels qu’il est possible d’envisager toute anesthésie, y compris celles « à risque » non plus comme une épreuve subie à l’issue incertaine et souvent aléatoire mais comme un défi du quotidien à relever avec succès.
Géraldine Jourdan (maître de conférence en anesthésie – analgésie à l’ENVT) et Anthony Barthélemy (responsable du service d’urgences à la clinique vétérinaire HOPia, Guyancourt), pour le Groupe d’Etude en Anesthésie et en Analgésie (GEAA) de l’Afvac
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Merci pour votre remarque. Une erreur s'est en effet malencontreusement glissée dans les unités lors de la mise en ligne de l'article, erreur corrigée.
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ça n'a pas été corrigé partout: "doses variant entre 3 et 5 mg/kg par voie intraveineuse "
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