Jeudi 14 mars au matin, six cliniques du Pays basque se sont retrouvées avec des cadavres de brebis déposés à leurs portes. Une macabre découverte, sur fond de conflit concernant l’indemnisation totale des frais sanitaires liés aux foyers de maladie hémorragique épizootique.
« Face au mépris des vétérinaires, les paysan.nes agissent ! Dans le contexte de crise sanitaire, l’État a activé un fonds d’urgence, les frais vétérinaires étant indemnisés à 90 % pour les foyers de maladie hémorragique épizootique (MHE). Notre syndicat agricole ELB demande un geste de soutien de la part des vétérinaires, en leur demandant de payer les 10 % restants sous forme d’avoir. Quinze jours après l’envoi d’un courrier adressé dans ce sens aux cabinets vétérinaires du Pays Basque, les éleveur.ses sans réponse agissent ! » Ce premier message émanant du syndicat agricole basque ELB (aujourd’hui rattaché à la Confédération Paysanne du Pays Basque), était censé justifier pourquoi, dans la nuit du mercredi 13 au jeudi 14 mars, des cadavres de brebis ont été déposés devant six cliniques vétérinaires. Plus précisément dans les communes de Saint-Palais, Saint-Jean-Pied-de-Port, Hasparren, Irissary, Espelette et Urt.
Non au « racket » des vétérinaires…Florent Collignon, praticien rural qui travaille dans un cabinet victime de cette exaction, dit en éprouver un sentiment de sidération et même d’écœurement. « Franchement, je vais dans les élevages la boule au ventre. En me demandant qui parmi mes clients cautionne cette action et que pensent-ils de moi ? » D’autant plus qu’il ne fait pas du tout les mêmes comptes que le syndicat ELB. « Compte-tenu des remboursements d’État pour la MHE, les élevages ont un reste à charge modeste à payer ». Quant au geste de solidarité envers les paysans, il estime qu’il a déjà eu lieu car explique-t-il « durant la crise de la MHE, de nombreux actes vétérinaires n’ont pas été facturés aux éleveurs : visites, déplacements, drenchage et perfusions ont par exemple été offerts à maintes reprises ». Voilà pourquoi lui et d’autres confrères refusent énergiquement aujourd’hui de céder à ce qu’ils considèrent être du « racket ».
Des protestations nationalesDès le jeudi 14 mars, un courrier de Jacques Guérin, Président du Conseil National de l’Ordre des Vétérinaires (CNOV) et d’Eric Bernard (Président du CRO de Nouvelle-aquitaine) avertissait le Ministère de l’agriculture ainsi que des représentants agricoles nationaux sur l’importance d’une « ligne rouge intangible » à ne pas franchir, à savoir sur l’impérieuse nécessité d’ « assurer tant la sécurité physique des praticiens que leur parfaite indépendance professionnelle ». Et de préciser : « Il ne faut jamais jamais laisser s’instaurer entre éleveurs et vétérinaires un tel climat, qui ne pourrait qu’aboutir à ce que la profession vétérinaire se détourne progressivement - sinon définitivement - des soins aux animaux de la ferme ».
Un communiqué du syndicat ELBPour sa part, le jeudi 21 mars, le syndicat agricole ELB a confirmé dans un communiqué de presse que les paysans « souffrent d’une crise durable, pimentée de crises sanitaires diverses : grippe aviaire, MHE, FCO…, qui fragilisent les élevages (…) Suite à notre courrier, certains cabinets vétérinaires nous ont informés de ce qu’ils faisaient déjà pour les paysans, de ce qu’ils ne pouvaient pas faire ou qu’ils étaient prêts à faire. D’autres ont préféré ignorer notre demande et face à la détresse, ont répondu par le silence ». Et de dénoncer ensuite certains vétérinaires qui continueraient de « s’acharner », en faisant « intervenir le Ministère de l’agriculture afin de nous intimider (…) Des praticiens menacent même certains adhérents de notre syndicat de ne plus suivre leurs élevages ». Le communiqué se termine toutefois par cet appel : « Dans ce contexte de tensions disproportionnées, nous réitérons notre demande de dialogue et demandons une rencontre avec des professionnel.les ouverts au dialogue ».
Vers des dépôts de plainte ?Pour l’heure, la gendarmerie a mené des enquêtes auprès des cabinets vétérinaires déjà visés par l’action d’ELB. Et le CNOV a d’ores et déjà prévenu les praticiens qu’il « se portera partie civile en appui des plaintes pénales déposées par les vétérinaires victimes de ces exactions ». Si plainte (individuelle ou collective) il devait y avoir. Il reste à espérer qu’un éventuel (futur?) dialogue puisse encore avoir lieu et n’aboutisse pas à un seul dialogue de sourds, forcément préjudiciable à toutes les parties directement impliquées...