Une étude scientifique de grande ampleur démontre que l'intensification de l'agriculture, allant de pair avec l'utilisation massive de pesticides et d'engrais, est la principale cause de déclin des populations d'oiseaux, en particulier pour les espèces insectivores.
Le suivi des populations d'oiseaux en Europe existe depuis longtemps, ce qui permet des analyses sur une longue période. L'étude parue en mai 2023 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences se distingue par son ampleur : 170 espèces communes d'oiseaux ont été suivies sur plus de 20 000 sites dans 28 pays européens durant les 37 dernières années. Au global, la population des oiseaux suivis a chuté de 25,4 % entre 1980 et 2016, mais est marquée par une disparité selon les écosystèmes. La baisse la plus sévère concerne les oiseaux des milieux agricoles (- 56,8 %) devant les oiseaux des milieux urbains (-27,8 %) et les oiseaux des forêts (-17,7 %).
Un « changement transformateur » indispensableL'étude, réalisée par 51 scientifiques, visait à établir des relations de cause à effet entre les baisses de population de l'avifaune et quatre pressions anthropiques majeures : l'urbanisation, l'évolution du couvert forestier, le changement climatique (dans sa composante hausse de température) et l'intensification agricole.
Sans surprise, la hausse de l'urbanisation est associée à une baisse des populations pour la plupart des espèces.
L'augmentation du couvert forestier (+ 2,1 % entre 1996 et 2016) est globalement associée à une augmentation des populations d'oiseaux, mais pas celle des espèces forestières, ce qui peut s'expliquer par un reboisement de moindre qualité, comparativement aux forêts anciennes.
La troisième pression étudiée, l'impact de la hausse de la température, est fortement dépendante des préférences thermiques de l'espèce, et de sa capacité à suivre le changement de température, à la fois dans l'espace et dans le temps. Pour certaines espèces, on pourra observer une augmentation de l'aire de distribution et de la population, pour d'autres, et notamment celles des régions plus au Nord, l'impact sera négatif. Selon les résultats de l'étude, les oiseaux migrateurs au long court sont plus fortement affectés par la hausse de la température que les oiseaux migrateurs petit-courrier et les sédentaires. Ils doivent en effet jongler avec la disponibilité des sites de nidification et les périodes d'apparition et d'optimum de leurs proies.
Enfin, l'intensification de l'agriculture, allant de pair avec l'utilisation massive de pesticides et d'engrais, est pointée par les auteurs comme la principale cause de déclin des populations d'oiseaux, en particulier pour les espèces insectivores. En plus de la contamination directe par la consommation de semences enrobées (avec un effet sublétal), la baisse des insectes et autres invertébrés provoque des effets de cascade trophique sur les oiseaux. Des effets catastrophiques, pourrait-on dire. En effet, 143 espèces parmi les 170 de l'étude ont un besoin crucial de cette source de nourriture pendant la période de reproduction.
L'analyse des auteurs est univoque : les oiseaux souffrent de plusieurs pressions humaines, avec aux premières loges l'utilisation intensive d'engrais et de pesticides. "Notre étude fournit de solides preuves d'un effet direct et prédominant des pratiques agricoles à grande échelle continentale". Ils concluent sur la nécessité d'un "changement transformateur" de ces pratiques.