Publié par les experts de la plateforme ESA, ce bilan montre que des conséquences démographiques sur le long terme ne sont pas à exclure pour certaines espèces.
L’influenza aviaire hautement pathogène n’est pas un enjeu uniquement pour les filières avicoles, ou en matière de santé publique. La maladie a des conséquences néfastes aussi pour les populations d’oiseaux sauvages. Ce qui pose la question de son impact sur le conservation des espèces, montre une note récente d’experts de la plateforme ESA sur le bilan 2022 de l’IAHP dans le compartiment sauvage. Comme le rappellent les experts, l’année 2022 « aura été une année sans précédent vis-à-vis de l’IAHP dans les populations sauvages ». En effet, la dynamique virale s’est maintenue toute l’année, sans pause estivale, malgré une hausse des températures, et « sans que de nouvelles introductions en Europe de virus d’IAHP aient été mises en évidence au cours des migrations post-nuptiales (août-novembre 2022) ». Cela a été de pair avec la détection de nombreux clusters, caractérisés par des mortalités d' « un niveau exceptionnellement élevé », et aussi par des nouvelles espèces d'oiseaux touchées à enjeu de conservation.
Des mortalités massives et groupéesPremier constat fort pour le territoire métropolitain : ce sont plus de 3000 oiseaux morts qui ont été recensés pour la recherche de l’IA soit 3 fois plus que pour 2021. Il en est ressorti une prévalence de 24,5%, ce qui est 2,5 fois supérieur aux pourcentages des années précédentes.
Deuxième constat : alors que l’épizootie touchait à sa fin en élevage de volailles dans l’ouest de la France, des mortalités massives dans l’avifaune sauvage ont été observées « de manière totalement inhabituelle et presque simultanée », chez des vautours fauves dans les Pyrénées et les Cévennes, ainsi chez des laridés (notamment goélands) et des sulidés (notamment fous de Bassan) sur le littoral nord-ouest de la France (Manche, Atlantique). Tous ces virus étaient de sous-type H5N1 du clade 2.3.4.4b de la lignée A/goose/Guangdong/1/96, mais ils n’ont pas montré de liens génomiques avec les virus ayant circulé dans les élevages de volailles dans les mois précédents. A noter que des mortalités massives et groupées avaient aussi été observées en 2020-2021 (bécasseaux du Mont St-Michel, et autres cas ponctuels dans le monde) mais c’est dans l’année 2022 que ce phénomène s’est véritablement amplifié.
Plusieurs espèces touchéesDans le détail, les cas chez les vautours fauves sont une première mondiale de mortalités groupées dans cette espèce. Les séquences virales isolées étaient proche phylogénétiquement de cas d’influenza chez des oiseaux sauvages d’Espagne, dont des vautours. A été observée une forte mortalité des jeunes aux nids, aboutissant à une perte à l’envol bien plus importante que les années précédentes. Ces détections ont été faites courant mai. Pour les laridés, les premiers épisodes de mortalité ont été faits courant mai chez des goélands dans la Somme, et ont perduré jusqu’à l’automne 2022. La Bretagne a été particulièrement concernée avec près de 2000 laridés morts (entre juillet et novembre). Pour ce territoire, le génotype mis en cause, le H5N1-A/Herring gull/France/22P015977/2022-like, était un virus réassortant entre un H5N1 et un virus H13 (sous-type habituel des laridés), illustrant une adaptation virale à cette espèce. Mi-décembre, un épisode de mortalité a été observé chez d’autres laridés, des mouettes rieuses, en Ile-de-France, et les détections se sont poursuivis début 2023, avec des cas dans toute la France. Pour les fous de Bassan, des premiers constats de mortalité ont été faits dans la Somme début juin. Plus de 1200 individus morts ont été recensés entre juillet et septembre.
Des conséquences sur le long terme ?En parallèle de ces mortalités inhabituelles, des cas d'infection plus communes ont été bien-entendu enregistré dans l'avifaune sauvage, notamment sur des anatidés entre janvier et mai, et octobre et décembre. Neuf génotypes ont été mis en évidence.
En parallèle de cette dynamique dans l’avifaune sauvage, l’année 2022 aura aussi été celle d’une augmentation de cas chez de nombreux mammifères, avec des descriptions d’infections sur plusieurs continents.
Pour les experts, cette nouvelle dynamique virale « a fait émerger des problématiques majeures en termes de santé de la faune sauvage et de conservation d’espèce. Un suivi des espèces fortement touchées (fous de Bassan, vautours fauves, laridés) sera nécessaire dans les prochaines années pour déterminer l’impact démographique de cette crise sanitaire, qui risque de se répéter dans les années à venir. »