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Canada : les animaux des personnes sans-abri sont bien soignés

Bénédicte Iturria

| 27.01.2022 à 13:30:00 |
© juefraphoto/iStockphoto

Une étude éclaire sur les soins prodigués aux animaux des personnes sans-abri et met un terme à certaines idées reçues. 

Community Veterinary Outreach (CVO)1, un organisme de bienfaisance vétérinaire, l’association de protection animale ASPCA (American Society for the Prevention for Cruelty to Animals) et l'Université de Guelph, qui dispense un enseignement vétérinaire en Ontario ont réalisé une étude sur les soins prodigués aux animaux des personnes sans-abri. Au Canada, environ 35 000 personnes sont sans toit chaque nuit et entre 8 et 19 % d’entre elles sont propriétaires d'animaux. Cette recherche est la première du genre dans ce pays. L'étude a été publiée récemment dans Preventive Veterinary Medicine. Avec cette initiative, la vétérinaire Michelle Lem, fondatrice de CVO et co-autrice de l’étude, espère mettre un terme aux idées reçues selon lesquelles les animaux de SDF (sans domicile fixe) ont des maladies particulières et ne sont pas bien soignés par leur propriétaire. Notre consœur a déclaré à CBC News : « Je pense qu'il y a longtemps eu un discours disant : si vous ne pouvez pas prendre soin de vous-même, comment pouvez-vous prendre soin d'un animal de compagnie ? Au cours de mes 18 dernières années de carrière, cela ne correspond pas vraiment à la réalité. La plupart de ces animaux sont bien soignés et aussi bien pris en charge que d'autres allant dans des cliniques privées. Nous espérons que cette étude contribuera à susciter l'empathie, la compassion et le soutien pour cette population parmi les professionnels de la santé et du bien-être animal ainsi que le public ».

Méthodologie et résultats de l'étude

Pour réaliser cette étude, menée par le Dr David Pearl du département de médecine de  population de l’Université de Guelph, les chercheurs ont examiné les données associées à 636 propriétaires et 946 animaux, recueillies lors de visites (1124 au total) dans des cliniques de proximité CVO. Les dossiers médicaux comprenaient des informations sur les antécédents de l’animal, les résultats des examens physiques, les notes d'état corporel (NEC) et les recommandations de diagnostic et de traitement. L'équipe a analysé le NEC de chaque animal et a observé que la majorité des quadrupèdes était en bonne santé. « Nous avons constaté que la note principale était de 5,4 sur 9. De fait, le score idéal est de 5 pour les chats et de 4 à 5 pour les chiens », a signalé le Dr Lem. Le Dr Pearl a rajouté à propos de ces animaux : « Généralement, ils ressemblaient beaucoup aux autres animaux de compagnie vus en pratique privée. Le NEC était majoritairement bon, l'émaciation extrêmement rare, l'obésité était soit la même que celle des animaux vus en cabinet privé, soit, dans le cas des chiens, un peu plus faible ». Les chercheurs ont découvert que 39 % des chiens étaient en surpoids, ce qui est inférieur à la prévalence de l'obésité dans la plupart des autres études sur les chiens de compagnie, qui peut atteindre 60 %.

L'étude portait aussi sur l’examen des différents organes (cavité buccale, peau et muscles, système digestif, cardiovasculaire…). Elle a montré que les anomalies signalées chez les animaux de compagnie des sans-abri, comme les affections bucco-dentaires ou digestives, étaient les mêmes que chez les animaux ayant accès aux cliniques privées. Selon la vétérinaire « les affections de la cavité buccale, de la peau et de la sphère gastro-intestinale étaient les anomalies les plus fréquemment signalées et encore une fois ce sont celles que nous rencontrons le plus souvent en pratique privée ».

L'animal en priorité

L’association Humane Society travaille avec le CVO et coordonne des cliniques de proximité à Kitchener Waterloo et Stratford Perth. Une de ses techniciennes vétérinaires Stacy Murphy, responsable de la clinique de Perth, confirme que les animaux de sans-abri qu'elle a pris en charge sont bien soignés. Selon elle : « si leurs animaux sont malades, ils les font passer avant leurs propres besoins et en prennent bien soin car ils sont avec eux 24h/24 et 7j/7 ». Pour Stacy, les animaux de compagnie sont également une bouée de sauvetage pour les sans-abri, un ami et une raison pour ces derniers de ne pas se laisser aller. « Ce lien est si fort qu'ils feront tout pour se maintenir en bonne santé afin de protéger leur animal » a-t-elle affirmé. Comme Michelle Lem, Stacy Murphy espère que l'étude conduira à une meilleure prise de conscience et stoppera la stigmatisation dont font l’objet ces personnes.

1Community Veterinary Outreach (CVO) a été fondé en 2003 par la vétérinaire Michelle Lem qui, lorsqu’elle faisait du bénévolat dans des refuges et des cliniques pour sans-abri, a remarqué l’engagement profond de ces propriétaires à prendre soin de leurs animaux, même en temps de crise. Elle a constaté que les populations vulnérables donnaient souvent la priorité à la recherche de nourriture, d’un abri et de soins médicaux pour leurs animaux avant leurs propres besoins. Elle a ainsi commencé à fournir des soins de santé préventifs gratuits aux animaux de sans-abri à Ottawa. En 2012, CVO a ajouté des cliniques vétérinaires mobiles pour permettre au programme de s’implanter dans les communautés. Il compte environ 35 partenaires répartis dans neuf communautés au Canada. L’organisation s’est aussi étendue aux États-Unis.

Pour cette consœur, les vétérinaires sont des agents de santé communautaires précieux qui ont un moyen unique d’atteindre les gens par le biais de leurs animaux de compagnie. Au sein de CVO, lorsque que les animaux sont examinés et vaccinés par des vétérinaires bénévoles, les travailleurs sociaux et de santé publique offrent en même temps à leurs propriétaires des informations et un soutien en matière de logement, de santé (soins dentaires, vaccins, sevrage tabagique...) et de services sociaux. Cela permet d’améliorer également leur propre santé et leur bien-être.

Bénédicte Iturria

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