Entre télétravail et réduction des effectifs, les services vétérinaires départementaux ont dû réorganiser leurs activités, et prioriser leurs missions. Le point avec Déborah Infante-Lavergne, secrétaire générale du syndicat national des inspecteurs de santé publique vétérinaire.
Avec les mesures gouvernementales de gestion de crise Covid-19, les directions départementales de la protection des populations (DDPP) ont arrêté la mise en œuvre des plans de surveillance et de contrôle. Ce qui risque de compliquer le travail après-crise, explique Déborah Infante-Lavergne, secrétaire générale du syndicat national des inspecteurs de santé publique vétérinaire.
Quel est l’impact de la crise sur le fonctionnement des DDPP ?
Chacune des directions a activé un plan de continuité d’activité centré sur les missions essentielles, à savoir les inspections en abattoir, les contrôles à l’importation, la certification aux échanges et la gestion des alertes et des crises sanitaires.
En pratique, chaque direction s’organise comme elle peut, suivant ses contraintes et les moyens dont elle dispose. Presque tout le personnel est en télétravail, avec des sorties limitées aux urgences. Cette organisation complique le management et la cohésion d’équipe, mais aussi rallonge le temps de gestion des dossiers en cours. S’ajoute aussi le fait que certains agents disposent d’autorisations spéciales d’absence pour s’occuper de leurs enfants, ce qui complique certaines missions nécessitant des compétences bien spécifiques. Les agents ne sont pas interchangeables, ce qui fait qu’il y a une répartition de travail inégale entre les agents. Ce problème est particulièrement flagrant pour les missions en abattoir, et pour certains départements avec des abattoirs de grande taille, trouver les compétences et organiser un planning est un casse-tête. En outre, l’abattoir est un endroit dans lequel il est très difficile de respecter les mesures barrières. Le milieu étant humide, les masques ont une efficacité très limitée, et puis nous ne disposons pas de suffisamment de masques de type FFP. Nous avons d’ailleurs signalé ce risque accru de transmission du virus au Ministère, mais nous n’avons pas de réponse pour l’instant.
A quelles autres difficultés faites-vous face ?
Nous rencontrons aussi des difficultés liées aux dysfonctionnements dans les laboratoires qui tournent au ralenti, ou encore du fait de l’absence de certains transporteurs. Par exemple, la réalisation de prélèvement sur un ancien foyer de salmonelles en élevage avicole - mission prioritaire - peut s’avérer difficile à mettre en œuvre. Au final, même les missions fondamentales sont difficiles à assurer.
En parallèle de ces missions, il faut bien continuer le reste, par exemple la gestion des cas de maltraitance animale. Et là encore, difficile dans ce contexte de trouver une association de protection animale, des transporteurs, et plus simplement que tout le monde aille sur place.
Actuellement, nous gérons au mieux dans des conditions compliquées.
Quelles sont vos craintes pour la sortie de crise ?
Il faudra bien reprendre les dossiers laissés de côté, sans oublier qu’il faudra aussi gérer les congés de nos agents cet été. A mon sens, pour y arriver, il faudra forcément redéfinir la programmation des contrôles, très concrètement revoir leur nombre à la baisse. Ce n’est pas simple car ce nombre pour certains d’entre eux comme les contrôles conditionnalité ou les prélèvements pour les plans de contrôle et surveillance, sont définis au niveau européen. De manière générale, je crains aussi que le service public en prenne un coup, il sera nécessaire de payer le coût de cette crise et de financer le plan annoncé pour les hôpitaux. Il faudra bien que quelqu’un paye ! Est ce que les services vétérinaires feront partie des services publics prioritaires ? Ceci étant-dit, cette crise aura j’espère mis en lumière le fait que les services vétérinaires n’assurent pas que des missions de contrôle. Ces dernières ne représentent en réalité que 30 à 40% de notre activité. Pour le reste, il faut des effectifs suffisants et chaque crise montre à quel point ce n’est pas le cas. Jusqu’à présent, nous nous sommes adaptés à la baisse régulière de nos effectifs en réduisant le nombre de contrôles. On fait comme si tout allait bien. Mais il faut bien comprendre que des effectifs réduits signifient aussi un risque accru de crise : c’est un cercle vicieux. Il faut absolument assurer un seuil minimal de contrôles et rester en capacité d’animer les réseaux d’acteurs sur le terrain, notamment les vétérinaires praticiens.
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Une certification possible par voie électronique
Plusieurs notes de service de la Direction générale de l’alimentation encadrent les modalités de fonctionnement des services déconcentrés dans ce contexte de crise. Il est notamment autorisé que les certificats sanitaires et les carnets de route soient échangés par voie électronique entre services vétérinaires et Etat-membre. « Les exportateurs ne sont pas obligés de se déplacer pour venir chercher les certificats à la direction départementale, explique Déborah Infante-Lavergne. Certaines facilités sont aussi données aux vétérinaires praticiens qui font les visites sanitaires avant expédition. Par exemple, pour faire partir un lot de volailles dans un abattoir de l’Union européenne hors France, par dérogation COVID, le vétérinaire peut réaliser la visite au téléphone et au vu des résultats techniques du lot sans se déplacer. »
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