Création d’un centre d’étude et de recherche dédié aux guépards en Afrique du Sud  - Le Point Vétérinaire.fr

Création d’un centre d’étude et de recherche dédié aux guépards en Afrique du Sud 

Caroline Driot                                         

| 03.01.2023 à 14:56:00 |
© Cresam

Face à la disparition annoncée des guépards à court terme, le Cresam se mobilise. Rompant avec son approche traditionnelle, l’association s’engage dans la création d’un centre de recherche et d’étude de la faune sauvage en Afrique du Sud. L’objectif : étudier et favoriser la reproduction des guépards dans un environnement naturel, mais protégé des prédateurs.

2033 : Acinonyx jubatus est officiellement éteinte à l’état sauvage. Seuls subsistent les spécimens vivant en captivité. Cette disparition annoncée, c’est celle du guépard, si rien n’est fait pour enrayer le déclin des populations en milieu naturel. Face à ce constat, Jean-Yves Routier (Liège 87), fondateur du Cresam (Conservation et Reproduction des Espèces Sauvages Animales Menacées), a décidé de mobiliser son association sur un nouveau projet : la création d’un centre de recherche et d’étude dédié aux guépards dans les environs de Léphalalé, en Afrique du Sud. Un changement de stratégie notable, par rapport aux actions menées depuis la création du Cresam en 2002.

Favoriser la reproduction in situ

« Notre objectif général est de contribuer à la sauvegarde de certaines espèces menacées, en accélérant leur évolution démographique, et en favorisant leur diversité génétique, explique Jean-Yves Routier. Nous avons développé une approche consistant à favoriser leur reproduction in situ, contrairement aux programmes de reproduction menés en captivité ». L’association est notamment connue pour des inséminations artificielles réalisées avec succès en milieu naturel, chez des espèces menacées et emblématiques, comme le tigre ou le guépard.

Coups d’épée dans l’eau

« Intervenir sur les guépards dans leur environnement constituait selon nous la meilleure option pour les animaux, malgré des conditions de travail difficiles », analyse Jean-Yves Routier. Nous avons connu quelques succès : des inséminations réussies, des publications scientifiques, de nombreuses conférences internationales. Mais, avec le recul né de 20 années d’expérience de terrain, on se rend compte aujourd’hui que ce n’étaient que des coups d’épée dans l’eau ». Car en dépit de l’argent et de l’énergie dépensés dans ces efforts de conservation, les chiffres sont accablants.

Des populations en chute libre

Dans toutes leurs aires de répartition, les populations de guépards sont en chute libre. Dans le parc Kruger en Afrique du Sud, les effectifs sont passés de 220 individus en l’an 2000, à 70 en 2020.  En Iran, les recensements faisaient état en 2017 de 57 guépards asiatiques (Acinonyx jubatus venaticus), répartis dans quatre poches géographiques isolées les unes des autres. Ils ne seraient plus que 22 aujourd’hui. Dans le Sud Algérien, la sous-espèce Acinonyx jubatus keihi comptait 140 représentants en 2016, contre 120 à l’heure actuelle.

Prédation, consanguinité et compétition

Les causes de cet effondrement varient selon les sites considérés. Dans le parc Kruger, il est en partie lié à l’augmentation des populations de lions, qui se reproduisent bien, et n’ont pas de prédateurs. « Les lions, mais aussi les hyènes, infligent un stress permanent aux guépards. Ils volent les produits de leur chasse, et tuent leur progéniture », expose Jean-Yves Routier. Dans ce contexte, seuls 10% des juvéniles parviennent à l’âge adulte, 80% étant décimés par les lions et 10% par les hyènes. En Iran, la consanguinité inhérente aux petites populations isolées précipite le déclin de l’espèce. En Algérie, les guépards sont victimes de la compétition avec les Touaregs, qui chassent les mêmes antilopes que les félins.  

Un biotope adapté mais sans prédateurs

« Ce constat nous a amené à repenser notre stratégie, affirme le fondateur du Cresam.  Nous avons abandonné l’idée d’agir uniquement en milieu sauvage, car dans ces écosystèmes devenus bancals, les guépards n’ont aucune chance. Nous devons agir dans des biotopes adaptés, mais sans prédateurs. Sinon, cela revient à faire de la conservation d’oiseaux rares, dans une volière peuplée de chats ! » L’association se lance donc dans la création d’un centre de recherche et d’étude de la faune sauvage à Léphalalé, en Afrique du Sud, à quelques kilomètres de la frontière avec le Botswana. Pourquoi là-bas ? Parce que deux Français y gèrent déjà un centre de sauvegarde des guépards, structure à laquelle vient s’adosser le projet du Cresam. Jean-Yves Routier espère y accueillir une cinquantaine de guépards dans un parc de 30 000 hectares. Un environnement naturel, mais protégé des prédateurs.

Recherches en reproduction, nutrition et éthologie

Les recherches menées sur les futurs pensionnaires viseront à élaborer des protocoles répétitifs et standardisés pour les inséminations artificielles, à trouver des dilueurs plus performants pour la congélation de semence, mais aussi à expérimenter des techniques nouvelles, comme la fécondation in vitro et la congélation d’embryons. Le projet comprend également un « volet nutrition » pour comprendre l’influence de l’alimentation sur la reproduction (qualité de la semence chez les mâles et fécondité chez les femelles), et un « volet éthologie », pour observer et quantifier la sexualité des guépards et réfléchir à leur réintroduction en milieu sauvage (apprentissage de la chasse, et stratégies d’évitement des prédateurs potentiels). « C’est un projet viable et solide, affirme Jean-Yves Routier, et nous aurons besoin de volontaires compétents pour nous accompagner dans cette aventure ».

Photo: Les membres du Cresam ont développé une véritable expertise en matière de contention et de reproduction des guépards.

Caroline Driot                                         

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