Dans un objectif de préservation des paysages et de la biodiversité, la mise au paturage des ruminants dans certaines zones non valorisables devrait se développer à l'avenir. C'est pourquoi, dans un communiqué publié le 2 septembre 2022, des chercheurs de l'Inrae ont fait le point sur l'état des connaissances sur les qualités organoleptiques et nutritionnelles des aliments (laitier et carné) issus des animaux élevés au pâturage ainsi que sur les méthodes analytiques d'authentification des aliments existantes.
"Comment les consommateurs peuvent-ils savoir si les produits qu’ils choisissent sont issus d’animaux ayant consommé de l’herbe ?" C'est pour tenter de répondre à cette question que divers travaux conduits à l'Institut National de la recherche agronomique et de l'environnement (INRAE) se sont attachés à caractériser les qualités spécifiques des produits issus d’animaux nourris à l’herbe et à développer des méthodologies permettant de garantir l’origine herbagère. Ainsi, comme l'indique le communiqué, dans les zones où les cultures ne sont pas possibles, les élevages de ruminants qui valorisent de l’herbe fournissent de nombreux services écosystémiques tel que la préservation des paysages et de la biodiversité, ou la production de viandes et de laits typés. Or, hormis les signes de qualité,, comme certaines AOP (appelation d'origine protégée) par exemple, qui garantissent à des degrés divers que les animaux consomment de l’herbe, pour la majorité des produits, les consommateurs n’ont aucun moyen de savoir s’ils sont issus d’animaux ayant consommé de l’herbe ou non.
Des effets de l’alimentation au pâturage sur les dimensions sensoriellesCes aliments ont pourtant des caractéristiques organoleptiques et nutritionnelles spécifiques. En effet, des travaux menés sur les produits laitiers, ont permis de mettre en évidence des effets significatifs d’une alimentation au pâturage : les fromages ont une pâte très jaune et fondante, leurs goûts et arômes sont prononcés et ils sont globalement très appréciés des consommateurs. Plus particulièrement, des chercheurs du Centre Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes ont pu montrer que lors de mise au pâturage sur des prairies naturelles de montagne riches en biodiversité (diversité botanique), de nombreux composés aromatiques des plantes sont transférés aux laits et aux fromages, ce qui constitue une signature aromatique des prairies. En ce qui concerne les viandes d'agneaux finis au pâturage, leurs flaveurs sont plus fortes, notamment avec certaines légumineuses (trèfle blanc ou luzerne). Pour les bovins, l’effet du pâturage sur la flaveur de la viande est moins marqué car il existe un effet conjoint de la nature de l’alimentation et de l’itinéraire de production (âge à l’abattage, déplacements…).
Qu’en est-il de la qualité nutritionnelle ?Par ailleurs, les recherches ont montré des effets nutritionnels bénéfiques pour le lait et la viande. Avec une alimentation des animaux au pâturage, les chercheurs notent une forte diminution de la teneur en acides gras saturés, une augmentation de la teneur en acides gras polyinsaturés, une amélioration du rapport oméga6 / oméga3, une augmentation des teneurs en antioxydants et en certaines vitamines. De plus, ces effets du pâturage augmentent proportionnellement avec la proportion d’herbe dans la ration et avec la durée de finition des animaux à l’herbe (pour la viande). Enfin, lorsque les animaux sont nourris avec des rations à base d’herbe conservée (foin ou ensilage d’herbe), une diminution de ces qualités, malgré tout supérieures à celles des produits des animaux nourris avec des rations à base de concentrés ou d’ensilage de maïs, est observée.
Vers une authentification des produits issus d’une alimentation à base d’herbeAfin d'estimer la proportion d’herbe pâturée dans la ration de la vache, d'authentifier la consommation d’ensilage, de constater la diversité botanique de l’herbe pâturée, et de différencier l’origine plaine-montagne, des méthodes analytiques fines (chromatographie couplée à la spectrométrie, spectrométrie de masse des rapports isotopiques) peuvent être mises en place sur les produits laitiers. De même, les travaux sur la viande montrent que l’on peut authentifier la viande d’agneaux finis à l’herbe et savoir si l’agneau a été fini en bergerie après pâturage, mais ces analyses sont longues et coûteuses et difficiles à utiliser en routine par les filières. C'est pourquoi, "actuellement, d’autres méthodes plus rapides, utilisables en routine, et qui reposent sur l’analyse des propriétés optiques des produits (analyses spectrales) sont à l’étude pour les produits laitiers ou carnés" indiquent les chercheurs. D’autres études sont également en cours pour tester leur capacité à prédire les paramètres en lien avec les qualités sensorielles et nutritionnelles des produits. Selon les chercheurs, pour ce qui est des viandes, des travaux complémentaires devraient permettre de tester ces méthodes à grande échelle (viandes bovines et ovines notamment) avant qu’elles puissent être opérationnelles, et, pour le lait de vache, ces méthodes peuvent maintenant être utilisées par les filières qui souhaitent savoir et faire savoir ce que mangent les animaux.