Une synthèse des résultats du projet de recherche sur les abeilles, PoshBee, a été publiée. Elle montre l’importance de tenir compte des interactions entre les différents facteurs de stress, tout comme des impacts potentiels sur différentes espèces de pollinisateurs. Les résultats de cette recherche appellent à des évolutions des politiques de protection en faveur des pollinisateurs.
En 2019 avait été lancé un projet de recherche européen sur les abeilles, PoshBee, réunissant une quarantaine de partenaires européens. Son objectif : quantifier l’impact des pesticides sur les abeilles mellifères (abeille domestique Apis mellifera, bourdon, osmie), et étudier aussi les effets de la nutrition et de l’exposition aux pathogènes, à la fois dans des conditions de laboratoire, tout comme en semi-champ (tunnel) et sur le terrain. Aujourd’hui, les principaux enseignements du projet ont été dévoilés dans un document de synthèse. Premier : il a été démontré que « les impacts des facteurs de stress combinés dépassaient parfois, mais pas toujours, la somme des impacts des facteurs de stress pris isolément ». Deuxième grand enseignement : « il existe souvent des différences dans la manière dont les espèces, sous-espèces, sexes, castes et stades de vie au sein d’une espèce, réagissent à un même ensemble de facteurs de stress ». Enfin, « les études de laboratoire et les expériences en milieu semi-terrain n’aboutissent pas toujours aux mêmes conclusions, pour une combinaison donnée de facteurs de stress et d’espèces cibles ».
Des effets complexesLe document liste l’ensemble des principaux résultats, dont des nouveautés qui sont les suivantes :
- les effets négatifs des pesticides sur les abeilles domestiques et les bourdons peuvent être réduits par la disponibilité de ressources florales diversifiées et de haute qualité, en conditions de laboratoire et sur le terrain. Ce n’est pas le cas pour les abeilles solitaires. Par contre, pour ces dernières, l’augmentation de la qualité nutritionnelle du fourrage a amélioré leur survie et leurs performances dans le semi-champ.
- il n’a pas été observé de synergie entre les pesticides type sulfoxaflor, glyphosate, azoxystrobine ou flupyradifurone, et le pathogène intestinal Crithidia, sur les bourdons et abeilles solitaires. C’est la même tendance pour les abeilles domestiques, sauf quelques exceptions : par exemple, l'azoxystrobine avec la bactérie Paenibacillus, et le sulfoxaflor en combinaison avec Nosema ceranae.
- Dans des conditions de laboratoire, l’exposition à certains pesticides de manière individuelle comme le sulfoxaflor, le boscalid, le glyphosate, réduit les performances de butinage et d’alimentation des bourdons, par contre il n’y a pas d’effet synergique de ces paires de pesticides. En expérimentation en semi-champ, il n’y a pas d’effet synergique du sulfoxaflor avec l'azoxystrobine sur les bourdons, les abeilles solitaires ou les abeilles mellifères. Enfin, dans une étude de terrain, plusieurs pesticides ont été associés à une réduction de la performance des colonies de bourdons.
Changer les approches d’évaluation des risquesPour les chercheurs, ces résultats doivent appeler à des évolutions dans les politiques de protection en faveur des pollinisateurs, avec :
- une nouvelle approche d’évaluation des risques qui serait basée sur les systèmes.
- la mise en place d’une surveillance des effets des pesticides en post-approbation.
- la prise en compte de plus d’espèces et profils physiologiques pour l’évaluation des risques.
- l’évaluation combinée de différents types de facteurs de stress.
- l’évaluation en champ et semi-champ, en plus des études de laboratoires, incluant plusieurs types de cultures fourragères.
- la prise en compte d’un plus large éventail d’effets sublétaux sur les abeilles, incluant des effets moléculaires, et effets sur les individus, les colonies et les populations.
Les changements doivent se faire au niveau des politiques européennes, mais aussi au niveau des politiques nationales. Outre les actions au niveau de l’évaluation des pesticides, un travail sur les ressources florales est recommandé, avec des créations/restaurations d’habitats pouvant amener à une diversité de ressources florales de haute qualité tout au long de la saison de vol des pollinisateurs.
A voir si ces recommandations modifieront le protocole de révision de l’évaluation de la toxicité des pesticides proposée par l’Efsa au printemps 2023, avant qu’il ne soit adopté par les Etats membres.