Selon une enquête menée auprès de plus de 1000 vétérinaires, près de 50% montraient des signes d'anxiété et 2 sur 10 envisagaient de quitter la profession.
Le 11 novembre dernier l'Association des vétérinaires espagnols spécialistes des petits animaux (AVEPA) a présenté lors de son congrès le projet Qualité de vie professionnelle. Dans ce cadre, une enquête a mis en lumière le « burn-out » et la « fatigue de compassion » dont souffrent de nombreux vétérinaires cliniciens dans le pays, et montre qu'il existe des raisons de s'inquiéter. Les conclusions de cette enquête avaient déjà été dévoilées la semaine précédente au sein du Ilustre Colegio Oficial de Veterinarios de Valencia (ICOVV), l’ordre des vétérinaires de Valence et elles le seront bientôt dans les autres organismes. Cette étude, promue dans le cadre du projet Vetbonds*, est l'une des plus ambitieuses réalisées sur la situation émotionnelle de la profession en Espagne. 1.261 professionnels répartis dans la majeure partie du pays et quelques ASV ont ainsi répondu à un questionnaire anonyme mais plus de 2.000 personnes ont en tout participé au projet. Il apparaît que deux personnes interrogées sur dix penseraient quitter la profession au cours des 12 mois suivants. Les auteurs ont aussi conclus que jusqu'à 49% des vétérinaires questionnés présenteraient des symptômes évocateurs d'anxiété et jusqu'à 20% de dépression. De même, 38% ont directement évalué que leur état de santé (physique) était « mauvais ou passable » et jusqu'à 47% ont donné la même réponse concernant leur état mental.
La secrétaire de l'ICOVV, María Vitoria, a qualifié ses résultats de « dévastateurs ». Jaume Fatjó, vétérinaire comportementaliste et co-directeur de ce projet a déclaré : « le lien avec les animaux n’a jamais été aussi intense qu’aujourd’hui. Et, même si c'est quelque chose de très positif, il est vrai que cela augmente aussi le niveau d'exigence et expose le vétérinaire à de plus grands conflits moraux ». Il ajoute : « en effet ces professionnels souffrent également, comme les médecins ou les infirmiers de « burn-out » ou de stress, ce qui affecte leur productivité et leur capacité de travail. Mais les animaux ne bénéficient pas de soins de santé universels (qui s'adressent uniquement aux personnes) et cela, ajouté à d'autres facteurs de travail spécifiques aux vétérinaires, génère des situations de tension supplémentaire et d'épuisement très particulières dans notre profession ».
Vers des « réseaux de soins » d’appui aux praticiensSelon cette étude, l'exposition fréquente à la souffrance, à la mort et au deuil, mais aussi à la cruauté et au traitement irresponsable des animaux, ajoutée aux difficultés financières qui surviennent souvent pour assumer le coût des traitements exposent constamment le vétérinaire à des dilemmes éthiques. Ces éléments, ainsi que la culture du dévouement et du sacrifice professionnel encouragée par la profession elle-même, « sont des facteurs de risque qui alimentent le concept de fatigue de compassion qui affecte tant les vétérinaires », rajoute le Dr Fatjó. Pour toutes ces raisons, il a appelé les écoles vétérinaires à inclure dans leurs programmes des modules sur la manière de gérer ces situations émotionnelles et a exhorté les associations et les collèges officiels vétérinaires à agir de manière préventive en faveur des professionnels.
En ce sens, l’ICOVV rappelle qu'il maintient depuis des années un programme qui offre aux membres qui en font la demande une première consultation gratuite dans un cabinet de psychologie spécialisé. Cependant il souhaite élargir ce plan et prévoit de créer des « réseaux de soins » composés de membres expérimentés dans ce domaine afin de détecter et prévenir les problèmes qui peuvent survenir et mieux orienter les personnes. C'est aussi l'un des objectifs de la certification AVEPA-Vetbonds, qui consacre un de ses modules à la prévention de la « fatigue de compassion ». Les professionnels titulaires de cette certification constitueraient une première ligne d'intervention pour rendre visible le problème, mettre en œuvre des stratégies préventives et faciliter l'accès des personnes concernées aux professionnels de la santé mentale.
Une enquête chez les étudiantsLe Conseil National des Étudiants Vétérinaires (Conevet) a lui aussi pris le pouls des étudiants espagnols, en les interrogeant notamment sur leur projet d'études, la vision générale de leur carrière et leur optimisme pour l'avenir.
Les écoles vétérinaires de León, Cordoue, Lugo, Saragosse et Palmas de Gran Canaria ont participé à cette enquête qui a recueilli les réponses de près de 600 étudiants. Conevet a annoncé que les autres écoles répondront également au questionnaire et souhaite que ce type de sondage se fasse à l’avenir semestriellement ou annuellement. D'après cette enquête qu’a pu se procurer le média Animal Health, les étudiants des premières années ont une vision beaucoup plus optimiste de leur carrière et de leur profession que les étudiants qui finissent leur cursus. « Au fil des années, le pessimisme augmente » souligne Conevet. Selon lui les étudiants semblent de façon générale « pleins d’espoir » dans leurs études et leur profession. « Ils ne pensent pas qu'il est plus facile de trouver un emploi en dehors du secteur vétérinaire. Cependant, le sentiment d'un manque de reconnaissance et de réputation de la profession persiste, et l'on considère que dans d'autres pays, les vétérinaires bénéficient d'une meilleure appréciation générale », a souligné le Conseil.
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* Vetbonds https://vetbonds.com/mision.php est une initiative promue conjointement par l'AVEPA et la Chaire Fondation Affinity Animaux et Santé de l'Université Autonome de Barcelone, avec le soutien d'Elanco et de Vets&Clinics by Advance. La Chaire Fondation Affinity Animaux et Santé https://www.uab.cat/es/psiquiatria/catedra-affinity est un centre dédié à la recherche, à la formation et à la diffusion des bienfaits de la vie avec les animaux pour la santé et le bien-être des personnes. L'objectif global de ce projet est d'améliorer la valeur sociale du vétérinaire, à travers la promotion du lien qui se crée entre les animaux de compagnie, leurs propriétaires et les vétérinaires.