Détecter les anomalies génétiques pour mieux les prévenir chez les bovins - Le Point Vétérinaire.fr

Détecter les anomalies génétiques pour mieux les prévenir chez les bovins

Clothilde Barde

| 17.07.2023 à 14:00:00 |
© alberto clemares expósito

Dans une publication du 7 juillet 2023, des généticiens de l'Institut National de la recherche agronomique et de l'environnement (INRAE), en collaboration avec la société ELIANCE (fédération des entreprises de conseil et service en élevage de ruminants), ont donné les résultats d'une évaluation génomique qu'ils ont réalisé sur des taureaux d’insémination et sur leurs descendants afin d'évaluer l'importance et les conséquences des réarrangements interchromosomiques chez les bovins.

1 taureau sur 450 serait porteur d’un réarrangement interchromosomique, avec des conséquences sur la santé et sur la fertilité des animaux touchés qui coûteraient à la filière plus d’1 million d’euros par taureau d’insémination porteur, selon les résultats d'une étude réalisée par des généticiens de l'Institut National de la recherche agronomique et de l'environnement (INRAE), en collaboration avec la société ELIANCE, publiée le 7 juillet 2023 dans le journal Genome Research. En effet, le réarrangement interchromosomique est un processus au cours duquel le matériel génétique d’un chromosome se déplace vers un autre n’appartenant pas à la même paire et qui peut se dérouler lors de la formation des gamètes. Puis, la fécondation avec un gamète contenant un ou plusieurs chromosomes réarrangés a pour conséquence un manque ou un surplus de gènes chez l’embryon, qui conduira, dans la plupart des cas, à sa mort ou à des pathologies graves. Tous les animaux sont susceptibles d’être touchés, sans distinction de sexe ou de race, qu’ils soient reproducteurs ou non. Néanmoins, le recours fréquent à l’insémination chez les bovins les exposent particulièrement aux aléas d’une diffusion massive de la semence de taureaux porteurs sains (non affectés eux-mêmes) de ces mutations.

Des analyses génétiques faites sur de très nombreux individus

C'est pourquoi, dans cette étude, les chercheurs ont réalisé une étude de population (sur 5 571 taureaux d’insémination de 15 races, pour un total de plus de 2 millions de descendants) pour quantifier l’occurrence de ces anomalies, leurs origines et leurs conséquences pour les animaux. Cette dernière repose sur les millions de données de génotypage générées en routine pour l’évaluation génomique des taureaux d’insémination et de leurs descendants. Pour leurs analyses, les généticiens ont exploité 50 000 marqueurs balisant le génome de chaque descendant et ils ont étudié les milliards de combinaisons possibles de couples de marqueurs de chromosomes différents afin de déterminer s’il existe des transmissions préférentielles démontrant l’existence d’un réarrangement interchromosomique. Ils ont également estimé les effets de ces anomalies sur les caractères de santé, de survie et de reproduction des descendants.

1 taureau sur 450 serait porteur de ces anomalies chromosomiques

Leurs travaux ont permis d’identifier 12 réarrangements interchromosomiques, dont certains n’avaient jamais été décrits chez les bovins. Ces anomalies toucheraient environ 1 taureau sur 450 et le suivi transgénérationnel des chromosomes réarrangés a révélé que ces derniers résultaient le plus souvent de réarrangements apparus spontanément pendant la formation des gamètes de leurs pères (10 fois sur 12). En ce qui concerne les performances de reproduction, 10 des taureaux porteurs de réarrangements interchromosomiques étaient classés dans les moins fertiles de leur race et la descendance de l’un d’entre eux affichait un taux de mortalité juvénile record avec 44 % de génisses n’ayant pas survécu au-delà d’1 an. Dans la majorité des cas, l’analyse des données zootechniques, des descendants ayant reçu l’anomalie, révèle des retards de croissance et une fertilité dégradée par rapport aux génisses issues du même taureau mais ayant des chromosomes normaux. Selon les résultats de cette étude, les chercheurs estiment donc qu’"1 ou 2 taureaux d’insémination seraient affectés par ces anomalies en moyenne chaque année en France et, dans chaque cas, la diffusion de leur semence coûterait plus d’1 million d’euros du fait de la surmortalité et des baisses de fertilité et de productivité de leurs descendants". Pour résoudre ce problème, les scientifiques recommandent la généralisation de l’utilisation de méthodes de prévention (réalisation d’un caryotype sur les taureaux, c’est-à-dire l’étude de la structure et du nombre de chromosomes), notamment de l'exploitation des données sur les marqueurs génétiques pour contribuer à un dépistage systématique et généralisé des réarrangements chromosomiques. 

Clothilde Barde

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