EQT rachète Dechra : de nouveaux remous au sein de la profession à prévoir ? - Le Point Vétérinaire.fr

EQT rachète Dechra : de nouveaux remous au sein de la profession à prévoir ?

Irène Lopez

| 25.07.2023 à 10:40:00 |
© Zolak-iStock

En rachetant Dechra pharmaceuticals pour près de 6 milliards d’euros, la société d’investissement suédoise EQT, actionnaire d’IVC Evidensia, relance les débats.

Interrogé sur les conséquences que pourrait engendrer le rachat d’un laboratoire pharmaceutique par un fonds d’investissement actionnaire du groupe d’IVC Evidensia, Éric Lemarignier, président du syndicat représentatif des groupes vétérinaires (Syngev) s’agace : « Aujourd’hui, l’actionnaire du groupe français de vétérinaires libéraux Fovea est actionnaire du laboratoire biopharmaceutique vétérinaire français Ceva, mais personne n’en parle ! » Pour lui, la problématique est ailleurs. Il argumente : « La pénurie des vétérinaires devrait être la préoccupation majeure de tous les vétérinaires et de ceux qui sont à la tête des institutions. 40% des vétérinaires arrêtent après 5 années d’exercice. Or, la pression est mise sur ceux qui sont en poste. »

"Un non sujet" pour les uns, un sujet d'inquiétude pour les autres

Patrick Govart, président des cliniques IVC Evidensia, n’a pas souhaité s’étendre : « C’est un non sujet. S’il y a une communauté d’intérêts, il n’y a, en revanche, pas de liens d’intérêt directs. » Au contraire, pour Caroline Dabas, présidente du Syndicat des Structures et Établissements Vétérinaires Indépendants de France (SSEVIF), la transaction entre Dechra pharmaceuticals et le fonds EQT, actionnaire d’IVC Evidensia, est préoccupante : « La logique de concentration des activités de toute la filière, en amont et en aval, nous inquiète. Nous souhaitons être vigilants sur de possibles conflits d’intérêts pour les vétérinaires. » Selon elle, « il ne faudrait pas que ce rachat soit la porte ouverte à d’autres montages et que les cliniques vétérinaires deviennent des filiales de l’industrie pharmaceutique ». Ses craintes reposent sur les pressions qui pourraient être faites pour que les établissements de soins vétérinaires détenus par le fonds prescrivent certains produits plutôt que d’autres. En outre, elle met en garde contre de possibles distorsions de concurrence : « On pourrait suspecter que les établissements qui appartiennent à ce même fonds bénéficient de tarifs préférentiels ; les autres établissements qui n’auraient pas droit aux mêmes conditions seraient lésés ».

Jacques Guérin, président de l’Ordre national des vétérinaires, se montre peu disert : « Notre rôle n’est pas de juger. Nous ne sommes pas là pour émettre un jugement de valeur ni un avis. Est-ce que ce sont des capitaux indésirables ? Si oui, l’article L241-17 du Code rural et de la pêche maritime s’appliquera. S’il n’y a pas de lien, le législateur ,voire le gouvernement, en tirera les conséquences. »

Un dialogue de sourds

Au sein du Syngev, la volonté est de se mettre autour de la table. Éric Lemarignier déclare : « Nous invitons l’ensemble de la profession à dépasser les divergences qui nous animent et à développer des réseaux qui favorisent une médecine animale de pointe et garantissent des soins sur l’ensemble du territoire. »

Caroline Dabas ne comprend pas cet appel à négocier : « Les syndicats ne sont pas là pour négocier les lois et leur application. Au SSEVIF, il nous paraît important de rester dans le cadre réglementaire et de l’État de droit républicain : les parlementaires font la loi ; les instances administratives, dont l’Ordre, les appliquent ; la justice administrative, dont le Conseil d’État est la plus haute juridiction, tranche en cas de litige. Les vétérinaires de France sont au service de la santé publique et animale. Nous avons des responsabilités. C’est pour cela que nous sommes une profession réglementée. Nous ne pouvons pas décider chacun dans notre coin et appliquer la politique du fait accompli. »

Un dialogue est loin de naître.

Irène Lopez

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