Le Conseil des ministres espagnol a approuvé un décret royal instaurant des mesures de contrôle du bien-être des animaux dans les abattoirs le 23 août 2022. Les quelque 700 installations du pays devront bientôt s’équiper de systèmes de vidéosurveillance.
En Espagne, lorsque le décret royal instaurant des mesures de contrôle du bien-être des animaux dans les abattoirs sera publié au Journal officiel de l’État (BOE), les grandes structures d’abattages auront un an pour s’adapter à la nouvelle réglementation et les petites, deux. Comme l’a déclaré sur twitter le ministre de la Consommation Alberto Garzón, « l’Espagne deviendra ainsi le premier pays de l’Union européenne à avoir un système de vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs ». Elle rejoindra ainsi des pays comme l’Angleterre, Israël ou un État de l’Inde du Nord, l’Uttar Pradesh, qui ont déjà imposé cette mesure permettant d’effectuer des contrôles supplémentaires à ceux déjà effectués.
« Un premier pas, nécessaire et important »Alberto Garzón a reconnu que les récentes enquêtes chocs, en caméras cachées, d’associations de protection animale ont grandement influencé la décision du gouvernement : « Cela a secoué les consciences, celles des organisations animalistes, mais aussi des citoyens ordinaires de ce pays, sans oublier le coût en termes de réputation pour la majorité du secteur, pour tous ceux qui font bien leur travail ». Guillermo Moreno, directeur exécutif d’Equalia, une ONG ayant milité en faveur de la réforme, a déclaré à l’AFP être satisfait de cette mesure, qu’il a décrite comme « un premier pas, nécessaire et important, pour élever les standards du bien-être animal dans les abattoirs ». La porte-parole de l’exécutif, Isabel Rodríguez a précisé en conférence de presse que ce décret « a fait l’objet d’un accord avec le secteur », qui a participé à sa préparation. Ignasi Pons, directeur adjoint de l’organisation de la Fédération entrepreneuriale des viandes et des industries de la Viande, qualifie cette obligation d’« initiative positive » et a déclaré à France Info : « On ne souhaite qu’une chose, c’est qu’avec cette nouvelle règlementation, on n’ait plus à voir ce genre d’images… Si on obtient cela, alors ce sera un succès. Les abattoirs qui ne font pas bien leur travail sont une toute petite minorité. Mais ils portent atteinte à notre image. Nous sommes le premier exportateur de l’Union européenne, alors c’est à nous de prendre cette mesure en premier ».
Une initiative applaudie par Organisation collégiale vétérinaireL’Organisation collégiale vétérinaire a applaudi cette initiative et qualifié cette réglementation d‘« outil très utile » pour le travail des vétérinaires dans le journal El periódico de España. Elle souligne cependant qu’il existe déjà de nombreuses entreprises qui disposent de ce type de systèmes d’enregistrement d’images, surtout pour les bovins et les porcs. Pour le ministère de la Consommation, le caractère fondamental de ce décret se justifie par la nécessité d’établir des conditions générales homogènes sur l’ensemble du territoire espagnol. Et en plus d’améliorer le bien-être animal en abattoir, il renforcera la sécurité alimentaire pour les consommateurs et la qualité du produit.
Selon le contenu de la réglementation auquel El periódico de España a eu accès, les caméras devront couvrir les endroits dans lesquels se trouvent les animaux vivants comme les zones de déchargement, les couloirs de conduite et les zones où se déroulent les activités d’étourdissement et de saignée des animaux. Les systèmes de vidéosurveillance ne seront pas obligatoires dans les zones d’attente où se trouvent les camions avec animaux avant le début du déchargement, mais les entreprises devront suivre le temps passé dans les véhicules. Dans le cas des volailles et des porcs, l’installation des caméras doit permettre l’enregistrement de l’étape de l’échaudage afin de pouvoir vérifier que les animaux montrant encore des signes de vie ne subissent pas cette opération. Le texte établit que les caméras devront être placées de manière à ce que leur fonctionnement respecte la vie privée des professionnels dans les abattoirs et qu’elles ne soient situées que dans des lieux de travail justifiés. L’Agence espagnole de protection des données (AEPD) a participé à l’élaboration de ce règlement qui « respecte les droits des travailleurs en termes de confidentialité et de protection des données ». Les responsables des abattoirs doivent conserver les images relatives au déchargement, à l’hébergement dans les enclos, à la conduite vers la zone d’étourdissement, à la contention, à l’étourdissement et à la saignée à mort pour une éventuelle vérification ultérieure par les services de contrôle officiels des communautés autonomes. Ils devront également assurer la reproduction, la copie ou la transmission des images vers d’autres appareils avec la même qualité que l’enregistrement original.
Et en France ?Interrogé sur l’annonce de ce décret, notre confrère et Président de l’Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs, Manuel Mersch se réjouit bien évidemment que cette mesure devienne obligatoire en Espagne « alors qu’en France, tous les abattoirs ayant expérimenté ce dispositif dans le cadre de la loi EgAlim souhaitent le pérenniser ». Et d’ajouter : « une fois encore, il est toujours regrettable de constater qu’en France les avancées visant à améliorer la condition animale en abattoir soient si difficiles à obtenir alors que d’autres pays européens y arrivent au final, malgré les mêmes problématiques. Actuellement, l’OABA se bat également pour rendre obligatoire l’étiquetage du mode d’abattage. Nous n’avons pas pu malheureusement obtenir une telle décision de la part de la France, aussi nos espoirs se concentrent maintenant au niveau européen ».