Gérer la douleur de la castration des porcelets : le point sur la recherche en cours - Le Point Vétérinaire.fr

Gérer la douleur de la castration des porcelets : le point sur la recherche en cours

Tanit Halfon | 10.08.2021 à 10:00:00 |
© iStock-mamarama

Un récent colloque organisé par l’Institut supérieur des productions animales et industries agroalimentaires a mis en avant les modalités possibles de gestion de la douleur lors de la castration des porcelets. Et les solutions techniques ne coulent pas de source.

L’approche de la date d’interdiction de la castration à vif des porcelets – 1er janvier 2022 – pose la question des solutions possibles. Dans ce contexte, une journée de conférences a été consacrée à la gestion des pratiques douloureuses chez les porcs le 17 juin dernier (journée technique « les 3R » en pratique organisée par l’Institut supérieur des productions animales et industries agroalimentaires - ISPAIA). A cette occasion, Valérie Courboulay, ingénieure d’étude à l’Ifip-institut du porc, a présenté le bilan de 10 années d’études menées à l’Ifip, en collaboration avec l’Inrae. Ces études ont évalué différents protocoles de gestion de la douleur (différentes molécules, différentes posologies, différents temps d’administration par rapport à l’acte de castration), avec comme indicateurs de sensation douloureuse les cris et le comportement du porcelet (mouvements d’échappement) au moment de la castration, et la concentration en cortisol plasmatique 30 minutes après la castration. Il ressort que les protocoles incluant une anesthésie locale (avec ou sans analgésique) sont ceux qui sont les moins associés avec des mouvements des porcelets, par rapport à un protocole avec uniquement un analgésique, et une castration à vif. Le taux de cortisol plasmatique est le plus bas avec les protocoles incluant un analgésique (avec ou sans anesthésique local) par rapport à ceux avec uniquement un anesthésique local ou la castration seule. Ainsi, il faut bien comprendre que l’anesthésique locale gère la douleur pendant la castration, quand l’analgésique est adapté pour la gestion de la douleur post-opératoire.

La lidocaïne surpasse la procaïne

L’anesthésique local le plus efficace est la lidocaïne, par rapport à la procaïne. Ce dernier ne montre aucun effet sur les cris et les mouvements, quelle que soit la dose employée. Par contre, à dose croissante, la lidocaïne est associée à une réduction de l’intensité des cris et des mouvements porcelets. Cet effet dose-dépendant est toutefois à nuancer car à partir de 20mg par porcelet (1ml de lidocaïne à 2%), il y a un risque de convulsions*. A noter aussi que de manière générale, les anesthésiques locaux provoquent des saignements en local.

Face à ce constat, l’Ifip recommande donc d’utiliser la dose de 0,5mL de lidocaïne à 2% par testicule. En pratique, l’anesthésique local s’emploie 4 à 15 minutes avant la castration, à raison d’une injection dans chaque testicule. Deux bémols toutefois à ce sujet. Sur le graphique présenté par la conférencière, si la dose de 0,5mL par testicule a plus d’effet sur les indicateurs comportements et cris que la procaïne, ces paramètres restent toutefois très élevés. Ainsi, à cette dose, environ 70% des porcelets présentent encore des mouvements d’échappement. Pour les cris, l’intensité est d’environ 110dB, ce qui est pratiquement équivalent à la procaïne. Deuxième problématique : actuellement, si les éleveurs ont été autorisés par arrêté à utiliser des anesthésiques locaux, seule la procaïne dispose d’une autorisation de mise sur le marché pour un usage chez le porc. A ce sujet, le ministre de l’agriculture a indiqué lors de l’assemblée générale de l’interprofession porcine le 6 juillet, qu’il visait au moins 3 protocoles d’anesthésie locale avec 3 anesthésiques différents.

Ces données seront complétées par les résultats de nouvelles études qui sont actuellement en cours, dont des essais avec des sédatifs. L’objectif est d’aller plus loin dans le contrôle de la douleur d’une part lors de la castration, d’autre part en post castration. L’étude des pratiques d’autres pays apporte aussi son lot d’enseignements. Par exemple, en Suisse, l’anesthésie générale est pratiquée, et les retours terrain montrent que 86% des porcelets sont correctement anesthésiés, que 77% des éleveurs sont satisfaits de leur appareil (et 5% mécontents). Toutefois, 18 éleveurs sur 183 indiquent avoir des maux de tête avec l’usage de l’isoflurane. De plus, la révision des machines s’avère très fréquentes. Pour la conférencière, si la technique suit, il faudra aussi que les solutions choisies soient applicables sur le terrain. De plus, ces solutions doivent être envisagées comme transitoires, l’enjeu à terme étant d’arrêter la castration et d’élever une majorité de mâles entiers.

Une première étape vers un arrêt de la castration ?

Cet enjeu est partagé par les vétérinaires. En mars 2020, dans un communiqué commun de la SNGTV (société nationale des groupements techniques vétérinaires) et l’AVPO (association des vétérinaires exerçant en productions organisées), les vétérinaires de la filière avaient ainsi pris position pour un arrêt de la castration à vif, et une orientation vers l’élevage de mâles entiers (qui a fait ses preuves en France et à l’étranger) avec ou sans immunocastration (qui est une méthode efficace et sûre). A l’époque, le communiqué indiquait qu’aucune des méthodes de gestion de la douleur n’était satisfaisante, « tant pour des raisons techniques, de stress ou de douleur pour l’animal, que de difficultés de mise en œuvre par les éleveurs ». Lors de la journée technique, Xavier Sauzea, vétérinaire à la Selas du Gouessant et représentant AVPO, a nuancé quelque peu : en effet, il a souligné que des tests étaient en cours pour améliorer les protocoles de gestion de la douleur. Toutefois, il restait encore beaucoup de questions en suspens. De plus, choisir la voie de l’anesthésie impliquait forcément une méthode lourd avec la nécessité d’une maîtrise technique, un fort impact sur la main d’œuvre, sans oublier la question de l’observance. Pour le conférencier, les 3 solutions – anesthésie, immnocastration, élevage de mâles entiers – doivent pouvoir co-exister, et le choix de la méthode devra tenir compte des animaux, des éleveurs et des débouchés commerciaux. Ceci dit, eu égard des contraintes, il a conclu que la castration chirurgicale sous anesthésie devrait être réservée uniquement dans un cadre dérogatoire.

* Dans le RCP, il est bien indiqué qu’aux doses les plus élevées ou en cas d’injection intraveineuse accidentelle, « des effets plus sérieux dus à une intoxication par la lidocaïne peuvent survenir, comme une détresse respiratoire et des convulsions ».

Tanit Halfon
2 commentaires
avatar
michele le 10-08-2021 à 20:39:12
il serait temps que l 'utilisation de l' animal comme nourriture par l 'homme ne soit pas systematiquement synonyme de souffrance . Au 21 eme siecle , avec tous les moyens dont nous disposons , meme si cela engendre forcement un cout !, Il parait que nous sommes civilisés , pafois (voir souvent ) dans mon metier , j 'ai des doutes
avatar
roro1948 le 10-08-2021 à 21:27:29
Si ma mémoire n'est pas défaillante, c'était il y a plus de 50 ans lors de castration de porcelet, voire de porcelet qualifié de "coureur" soit un poids de 20 kg et plus on injecter un mélange de deux médicaments vétérinaires dont j'ai oublié les noms.
J'espère que mes confrères ont une meilleure mémoire que moi.

Robert Tellier
Réagir à cette actualité
Cet espace a vocation à débattre et partager vos avis sur nos contenus. En réagissant à cette actualité, vous vous engagez à respecter les conditions générales d’utilisation de Le Point Vétérinaire.fr. Tout commentaire calomnieux ou injurieux sera supprimé par la rédaction.