IAHP : des franchissements de la barrière d’espèces à surveiller - Le Point Vétérinaire.fr

IAHP : des franchissements de la barrière d’espèces à surveiller

Tanit Halfon

| 01.02.2023 à 14:13:00 |
© iStock-MLArduengo

Les récents cas d’infections d’un chat de compagnie en France, et de visons d’élevage en Espagne, remettent en exergue le risque pour la santé publique. D’après les analyses, les souches virales isolées dans ces deux cas, étaient associées à des marqueurs génétiques d’adaptation aux mammifères.

Avec le clade des virus influenza aviaire hautement pathogène actuellement circulant 2.3.4.4b*, plusieurs franchissements de la barrière d’espèces ont déjà été décrits, chez des mammifères, dont l’humain. En novembre 2021, avait été rapporté pour la première fois, un foyer d’infection à H5N1 dans un élevage de plus de 50 000 visons élevés pour leur fourrure, dans le nord-ouest de l’Espagne, en province de La Corgone (Galice). Plus tard, en décembre, a été rapporté en France le premier cas d’infection à H5N1 d’un chat domestique dans les Deux-Sèvres.

Ces deux cas ont fait l’objet de récentes publications, illustrant le risque sanitaire pour l’humain, pour les élevages de visons, comme cela avait été d’ailleurs mis en évidence pour le Sars-CoV2 lors de la pandémie de Covid-19.

Des signes cliniques neurologiques

Pour l’élevage de visons, une publication d’Eurosurveillance précise que le foyer avait été détecté en octobre, suite à une augmentation marquée du taux de mortalité (0,77 % vs 0,2-0,3 % en temps normal). La cause virale H5 HP a été confirmée par analyse RT-PCR sur écouvillons oropharyngés de deux animaux malades. Un test de Sars-CoV2 avait aussi été demandé, et est revenu négatif. A l’autopsie, les lésions les plus notables étaient une pneumonie hémorragique et une hépatisation rouge des poumons. Le taux de mortalité a continué d’augmenter ; les signes cliniques observés étaient de l’anorexie, hypersalivation, dépression, museau avec sang et des signes neurologiques type ataxie et tremblements. De nouvelles analyses ont confirmé le virus H5N1. Tous les animaux ont été abattus une quinzaine de jours après les premiers signes cliniques. Aucun employé n’a été détecté contaminé.

Côté chat, c'est l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui nous apprend que l’animal avait présenté des signes cliniques type neurologiques, graves, ce qui avait motivé une décision d’euthanasie.

Des mutations d’adaptation aux mammifères

Au niveau génomique, les souches virales testées dans l’élevage de visons étaient hautement apparentées, appartenant au clade circulant 2.3.4.b, génotype A/gull/France/22P015977/2022-like. Ce génotype avait été identifié chez des oiseaux sauvages (notamment goélands) aux Pays-bas, en Belgique et en France, et dans un élevage de poulet et chez un renard en Belgique. Des analyses plus poussées ont montré que les souches virales présentaient des modifications d’acides aminés par rapport au génotype aviaire, en particulier « une mutation peu commune (T271A) dans le gène PB2 », correspondant à « une alanine qui augmente l’activité de la polymérase des virus influenza A dans les cellules hôtes mammifères et chez la souris ». Cette mutation avait déjà été identifiée chez un putois aux Pays-Bas en mars 2022. Les auteurs soulignent aussi que la même mutation est présente dans le gène PB2 de type aviaire du virus de la grippe pandémique A(H1N1) d’origine porcine de 2009. En clair, cette mutation est associée à un risque potentiel en matière de santé publique. Elle pourrait être apparue de novo, sans que l’on puisse exclure la possibilité d’une circulation non observée dans la population aviaire.

Le constat est similaire chez le chat puisque l’Anses explique que le virus « présente des caractéristiques génétiques d’adaptation aux mammifères » (pas de précisions sur les marqueurs génétiques).

Surveillance, biosécurité et vigilance

A ce stade, pour les visons, d’autres études sont en cours pour mieux évaluer la virulence et la transmissibilité de ces virus, des éléments suggérant qu’une transmission entre visons ait pu avoir lieu. De plus, on ne connaît pas la source de l’épizootie. Une hypothèse est une introduction via la faune sauvage, étant donné la vague concomitante d’infection chez des oiseaux marins de Galice, et le fait que le bâtiment d’élevage était partiellement ouvert. De plus, au moment de l’infection, aucun foyer en élevage de volailles fournissant des sous-produits de volailles comme aliments, n’avait été détecté.

Côté chat, « les investigations génétiques menées par l’Anses ont permis de vérifier que seul le chat était porteur de ce virus mutant et que cette mutation n’était pas présente, à ce stade, chez les canards de l’élevage à l’origine de la contamination. »

Le foyer en élevage de visons montre une nouvelle fois l’importance de renforcer la biosécurité dans ces systèmes d’élevage, est-il souligné dans l'article d'Eurosurveillance. En plus de mettre en place des programmes de surveillance des virus influenza A et autres agents pathogènes zoonotiques, le vison étant une espèce qui « pourrait servir de réservoir potentiel pour la transmission inter-espèces entres les oiseaux, les mammifères et l’humain ».

Côté Anses, s'il est rappelé que « le virus de l’influenza aviaire peut sporadiquement contaminer des mammifères suite à des mutations du génome », il faut toutefois s'assurer « que ces phénomènes restent sporadiques et que les virus qui ont acquis ces capacités de passage aux mammifères ne sont pas détectés dans les élevages de volailles ». « La contamination d’animaux de compagnie comme le chat pourrait faciliter le passage du virus à l’être humain. Il est donc essentiel de les maintenir éloignés des élevages infectés et des opérations d’euthanasie des foyers de canards contaminés », est-il indiqué par l’Agence. Dans ce contexte, l’Anses rappelle qu’une vaccination contre la grippe saisonnière est fortement recommandée pour les professionnels exposés aux virus influenza porcin et aviaire, pour éviter tout phénomène de recombinaison virale pouvant aboutir à l’émergence d’un virus adapté à l’humain et contagieux.

* Ce sous-clade appartient à la lignée asiatique A/goose/Guangdong/1/1996, apparue en 1996 en Chine. S’en est suivie une propagation dans le monde et une diversification génétique (apparition de plusieurs sous-types issus de réassortiments entre différentes souches virales aviaires).

Tanit Halfon

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