Une étude néerlandaise a mis en évidence que l’exposition des chats errants au virus aviaire H5 hautement pathogène était courante, alors qu’elle s’avérait rare pour les chats domestiques.
S’il était connu que les chats pouvaient être contaminés par les virus influenza aviaire hautement pathogènes (IAHP), une récente étude menée aux Pays-Bas montre que ce risque s’avère assez élevé lorsqu’un chat évolue dans des conditions propices à une exposition virale.
Dans cette étude, l’objectif était d’évaluer à postériori, l’exposition de chats aux virus H5Nx HP mais aussi au H1N1pdm2009 qui circule chez l’humain. Comme l'ont souligné les auteurs, « les chats sont sensibles pour les virus influenza aviaire et humain ». Aussi, en cas d’infection simultanée, un phénomène de reassortiment virale pourrait être possible, avec le risque d’émergence d’un mutant « au potentiel zoonotique accru ». De plus, la simple réplication du virus aviaires H5Nx dans un hôte mammifère « peut induire des adaptations virales qui facilitent la réplication et la propagation des hôtes mammifères, y compris l’homme ».
Une séropositivité significative chez les chats errantsAu total, 1572 chats, à raison de 701 chats errants, et 871 chats domestiques ont été échantillonnés à différents endroits du pays entre octobre 2020 et juin 2023. Les chats errants étaient surtout des chats de zones rurales, tandis que les chats domestiques habitaient principalement dans des zones plus urbanisées. Tous ont été soumis à des prélèvements sanguins. A cela se sont ajoutés des écouvillons pharyngés +/- des échantillons de tissus pulmonaires pour une petite vingtaine de chats errants malades (signes respiratoires) ou morts (signes respiratoires et/ou neurologiques graves) suspects d’infection à un virus influenza ; mais aussi pour un peu plus de 200 chats domestiques autopsiés mais pas sur la base d'une suspicion d’infection virale influenza (malgré tout, 41 des 208 rapports d'autopsie indiquaient des anomalies respiratoires et/ou neurologiques graves).
Résultats : 83 chats sains errants sur 701, soit 11,8%, étaient séropositifs au test ELISA pour le H5 HP ; avec 65 qui ont été confirmés positifs au test d’inhibition de l’hémagglutination (IHA). 35 chats errants sains étaient séropositifs au H1 au test ELISA, mais seulement 3 ont été confirmés au test IAH dont deux chats positifs à la fois à l’IAHP H5 et H1. Cette positivité H1 à ELISA pourrait être liée à une réactivité croisée des anticorps H5 HP à la protéine HA du H1, mais sans qu’on ne puisse exclure une exposition aux virus H1. Les chats errants sains positifs au H5 HP pourraient être des chats ayant survécu à une infection, ou des chats n’ayant pas présenté de signes cliniques ; dans les deux cas, potentiellement en lien avec « une exposition à une faible dose virale ».
Côté chats domestiques, 4 chats sur 871 étaient séropositifs pour le H5 HP (soit 0,45%) à l’ELISA, mais aucun n’est ressorti positif au test IAH. 40 chats (soit 4,6%) étaient séropositifs pour le H1 à l’ELISA, et 26 ont été confirmés à l’IAH.
Aucun virus HP H5 n’a été détecté par RT-PCR dans les écouvillons pharyngés et tissus pulmonaires des chats domestiques et errants. Cela peut être en partie lié à un trop grand délai entre l’infection et le prélèvement.
Surveiller les chats ayant accès à l’extérieurLa séropositivité était significativement plus élevée pour les chats errants vivant dans des réserves naturelles mais aussi dans des fermes laitières, sachant bien qu’aucun cas de contamination bovine n’a été détecté aux Pays-Bas. Pour les auteurs, cela s’explique par le fait que les chats des réserves peuvent chasser et avoir accès plus facilement à des oiseaux malades ou morts. La séroprévalence est plus élevée chez les chats FIV positifs, en lien possible à une sensibilité accrue aux pathogènes ; et chez les chats les plus âgés qui pourraient être de meilleurs chasseurs.
Selon les auteurs, ces résultats montrent que « l’exposition à l’IAHP H5 est courante chez les chat errants, et rare chez les chats domestiques ». Ils appellent à une surveillance des chats ayant accès à l’extérieur, notamment dans les zones où des cas d’influenza aviaire ont été confirmés dans l’avifaune sauvage. En cas de signes cliniques évocateurs, les mesures de biosécurité classiques s’imposent. Mais « d’autres études devraient se concentrer sur l'excrétion du virus afin de déterminer si ces chats peuvent transmettre des virus à d'autres mammifères ou à l'homme. En outre, nos résultats justifient d'autres recherches sur le rôle potentiel des chats en tant que vecteurs de mélange de virus influenza ».
Pour rappel, c’est loin d’être la première fois que des chats sont rapportés comme ayant été contaminés par les virus H5 HP du clade 2.3.4.4b* circulant actuellement dans le monde. Les auteurs de cette étude rappellent ainsi qu’il y a eu des cas sporadiques dans plusieurs pays (dont la France avec un chat positif en décembre 2022 dans les Deux-Sèvres), mais aussi des épisodes plus majeurs en 2023 en Pologne (46 chats), en Corée du Sud (40 chats), et plus récemment aux Etats-Unis (12 chats). Notons par ailleurs que plusieurs cas de contaminations félines avaient déjà été rapportées dans les années 2000 : en 2003-2004, sur des félidés sauvages dans un zoo en Thaïlande et des chats, et en 2006 en Europe, Allemagne et Autriche, sur des chats.
Aucun cas de transmission du virus d’un félidé à l’humain n’a été décrit jusqu’à présent. Le chat n’est pas considéré comme un réservoir.
* Lignée virale asiatique d’IAHP A/goose/Guandong/1/1996 H5N1, qui est apparue en 1996 en Chine. Le clade 2.3.4.4 a été détecté pour la première fois en Chine en 2008.
Alerter la rédaction sur une réaction
Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris votre question...Mais ce que je peux dire en matière de diagnostic est, qu'en cas de signes cliniques, un chat pourra présenter des signes généraux, respiratoires, neurologiques.
Sur ce point, je vous invite à consulter le guideline de l'ABCD sur le chat et les virus influenza, dont la dernière mise à jour date de juin dernier. Y sont évoqués comme signes : de la fièvre dès le premier jour suivant l’infection suivie d’une léthargie, conjonctivite, et dyspnée. Des chats pourraient présenter des écoulements nasaux séro-sanguins et des signes d’ictère, en cas de lésions hémorragiques diffuses. Enfin, peuvent être également observés des signes neurologiques, type convulsions, ataxie, mais aussi des signes gastro-intestinaux.
Au vue de l’étude néerlandaise, ce sont les chats les plus exposés qui sont à risque d’être contaminés, ce qui est assez logique càd les chats ayant accès l’extérieur (et donc contact possible avec des oiseaux contaminés ou environnement contaminé). Les chats peuvent être asymptomatiques.
A ce stade, il n’y a pas de recommandations officielles sur la surveillance du chat de compagnie ou chats errants vis-à-vis du risque IAHP. Fin 2022, suite au cas d’un chat positif dans les Deux-Sèvres, l’Anses avait recommandé de « maintenir éloignés les chats des élevages infectés et des opérations d’euthanasie des foyers ».
Un article sur l’IAHP et les chats, est prévu dans le prochain numéro.
N’hésitez pas si vous avez d’autres questions, ou si un point mérite davantage de précisions.
Tanit Halfon
Alerter la rédaction sur une réaction