D’après les experts intervenus lors d’un webinaire de la FVE sur l’influenza aviaire hautement pathogène, une adaptation du virus à l’homme semble peu probable dans l’immédiat. Mais le virus a déjà « toutes les cartes en main » pour le faire.
Y-a-t-il un risque de pandémie humaine à H5N1 dans un avenir proche ? « Pas pour l’instant », ont expliqué deux experts sur le sujet, lors d’un webinaire sur l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) organisé par la Fédération vétérinaire européenne (FVE) pour le 27 février dernier.
Le constat actuel est que le virus d’influenza aviaire est très en forme, a indiqué le professeur Ian Brown (Pirbirght Institute, UK). « Il y a quelques années, on ne le voyait qu’en hiver, maintenant c’est toute l’année. Grâce à ses mutations et réassortiments il a également su s’adapter aux mammifères ». Le dernier exemple de l’adaptation formidable du virus en date est bien entendu l’épizootie actuelle aux États-Unis parmi les vaches laitières. « Une infection des glandes mammaires et non du système respiratoire », a-t-il rappelé. Et c’est une plutôt « bonne nouvelle » car pour une transmission réussie à l’homme, le virus doit envahir les voies respiratoires. Les chats sont également sensibles, et se contaminent, « en buvant du lait ou de la viande cru contaminé, ou en mangeant des oiseaux sauvages ».
Plusieurs étapes à franchir pour une adaptation à l’hommeMalgré ce contexte, « nos analyses rétrospectives suggèrent qu’une adaptation complète à l’homme est peu probable dans l’immédiat, a indiqué le Dr Alessandro Broglia, responsable de l’évaluation des risques et des maladies transfrontalières à l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (EFSA). Cela reste un virus aviaire, et l’hôte humain, avec un pH respiratoire plus faible et une température corporelle plus basse que les oiseaux, n’est pas un milieu idéal pour sa réplication virale ».
Pour que le virus devienne endémique chez l’homme, cinq traits phénotypes ont été identifiés qui doivent tous être alignés : une mutation au niveau de l’attachement virale à la cellule, de la fusion et la décapsidation du virus, de l’importation des RNP virales, de la réplication et finalement de la perturbation de la site de liaison avec l’acide sialique. « Très peu de virus d’influenza aviaire ont les cinq mutations en même temps, même si le plus ‘doué’ pour les mutations, c’est le H5N1 ». Si, pour l’instant, le virus n’a pas encore franchi toutes les étapes nécessaires pour une pandémie chez l’homme, « il a toutes les cartes en main et une vigilance accrue est de mise ».
Surveiller les virus HP en circulationLa surveillance des virus en circulation – avec un attention particulière à ceux avec un nombre élevé de traits phénotypiques d’adaptation aux mammifères – est donc primordial, a-t-il poursuivi, présentant une longue liste de recommandations de mesures clés récemment émie par l’EFSA. Sur le terrain, une bonne biosécurité est essentielle, et pour la santé publique, il convient d’avoir des plans d’urgence pour prévenir, détecter, isoler et répondre aux cas humains confirmés.
« Pour l’instant il n’y a pas de preuves que les souches européennes se propagent dans la glande mammaire bovine. Mais on reste évidemment vigilant », a précisé le Pr Brown. « Si jamais le virus hautement pathogène s’adapte aux vaches laitières, il faudrait des systèmes de surveillance permettant un dépistage facile, comme par le lait de tank. Ce qui n’est pas évident, puisque les vaches à mammites, virales ou non, n’y fourniront pas de lait ». Les vaches dans des zones endémiques, près des oiseaux sauvages infectés et dans des élevages mixtes avec de la volaille « sont à surveiller tout particulièrement ».
Les vétérinaires essentiels dans la préparation aux pandémiesCe webinaire était la première dans une série lancée par la FVE suite à l’adoption, fin novembre, d’une note de position sur le rôle du vétérinaire dans la préparation aux pandémies. « Nous avons identifié six domaines dans lesquels les vétérinaires sont essentiels, a précisé Jane Clark, vice-présidente de la FVE et modératrice du webinaire. La surveillance bien entendu, mais aussi la détection précoce des maladies émergentes, la prévention, la planification des mesures d’urgence, l’innovation biomédicale, la collaboration Une Seule Santé et la communication. Ce dernier point a d’ailleurs mené à l’organisation de ce webinaire ». Les membres de la FVE avaient identifié l’influenza aviaire hautement pathogène comme thème le plus urgent à traiter. Le prochain webinaire, en date du 10 avril, aura pour thème la fièvre catarrhale ovine.
Un replay du webinaire est disponible sur la page youtube de la FVE.