Il était une fois en France … DES + VAE = DESV  - Le Point Vétérinaire.fr

Il était une fois en France … DES + VAE = DESV 

Nicole Govaerts

| 08.11.2024 à 08:30:00 |
© Nicole Govaerts

Notre consœur Nicole Govaerts a participé à la 21e ECVP/ESVP Summer School, qui s'est tenue à Cluj-Napoca, 2e ville de Roumanie, du 15 au 26 juillet 2024. Elle nous livre ses impressions dans cet article, le second d'une série de deux.

Au début des années 90, les regrettés professeurs Monique Wyers (ENVN) et André-Laurent Parodi (ENVA) avaient été les instigateurs d’une formation post-universitaire en pathologie vétérinaire, précurseur du résidanat. Ils contribueront aussi à la création, en 1995, de l'European College of Veterinary Pathologists (ECVP), lequel chapeaute la présente Summer School, conjointement avec l’ESTP (European Society of Toxicologic Pathology) dont il sera question plus loin.

Cette formation était déjà diplômante : elle menait à un DES (Diplôme d’Etudes spécialisées) en Anatomie Pathologique vétérinaire. « Étant moi-même titulaire du DES, j’ai vécu la procédure administrative de transformation de mon DES en DESV (Diplôme d’Études Spécialisées vétérinairesvia la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience) », se souvient le professeur Jérôme Abadie, enseignant-chercheur à Oniris Nantes. « C’est une spécificité du résidanat français d’être une formation diplômante », poursuit-il. La lettre V a toute son importance : le détenteur d’un DESV porte le titre de spécialiste - ce que ne permettait pas le DES - et est autorisé à exercer en France d’emblée. Si la certification ECVP est un atout sur le CV d’un pathologiste, on voit ici qu’elle n’est pas toujours indispensable….

L’examen du Board, une épreuve sportive

Les qualités à cultiver pour réussir la partie histopathologique de l’examen du Board, selon le professeur Giancarlo Avallone (Bologne), sont « la précision, le calme et l’endurance ». Paola Rocabianca (Milan) décrit cette épreuve comme un « marathon qui nécessite un entraînement progressif ». Le lent apprentissage du travail rédactionnel d’un rapport se fait pendant les années de résidanat. « Rédigez un protocole, mettez-le de côté, relisez-le et faites-le relire pour en juger le contenu et la forme », conseille-t-elle. « L’objectif est que votre diagnostic morphologique soit clair au point que n’importe quel pathologiste puisse l’interpréter de la même façon ». Après son résidanat, le jeune pathologiste devra s’adapter aux exigences du monde du travail. Rédiger, laisser mûrir une idée et y revenir encore n’est plus possible car dans la pratique, il faut aller vite : 40 à 60 diagnostics par jour sont attendus. C’est pourquoi l’examen impose des critères de rapidité drastiques : 12 minutes par cas en histopathologie et 2 minutes par photo pour l’épreuve macro.

Toxicologie versus diagnostic

Quel avenir choisir ? Rester dans la recherche universitaire, partir dans le diagnostic privé, ou encore se tourner vers l’industrie pharmaceutique ou agroalimentaire : tels sont, en gros, les débouchés pour le pathologiste fraîchement diplômé. Nous avons approché la « ToxPath » lors de deux interventions sur la pathologie spontanée des animaux de laboratoire et aussi lors d’une réunion informative en soirée, animée par deux représentants de l’ESTP. Leur discours permet de cerner les subtiles différences d’une carrière en toxicologie ou en diagnostic privé.

La vie rêvée du toxicologue

Le toxicologue italien Enrico Vezzali trouve bien des avantages à son métier. Une carrière dans l’industrie serait « moins ennuyeuse et plus relax », alors que les diagnostics destinés aux cliniciens doivent être faits « dans le stress de l’urgence ». Sur ce point, il n’a pas tort. Les laboratoires de diagnostic fondent leur réputation sur leur capacité à fournir des diagnostics ultrarapides parfois dans les heures qui suivent l’envoi du prélèvement. Cependant, il faut savoir que cette prouesse n’est réalisable que pour des biopsies de moins de 6 mm. Des imprévus peuvent survenir. Comme l’a souligné la professeure Cathy Carlson, parlant de sa spécialité, les biopsies osseuses, « face à de si petits fragments, on en est réduit à répondre qu’un prélèvement de plus grande taille serait nécessaire », ce qui allonge d’autant le délai de diagnostic.
Le travail du toxicologue, décrit par Enrico Vezzali, se déroule dans le calme, sur des projets de développement à long terme (jusqu’à 10 ans pour la mise au point d’un médicament), dans lesquels il est impliqué du début à la fin, jusqu’à la validation du produit. Enrico Vezzali a toutefois insisté sur l’importance de choisir un emploi dans une compagnie géographiquement proche d’autres entreprises ou disposant de plusieurs filiales, « comme par exemple Johnson & Johnson ». En cas de restructuration, on peut espérer être transféré d’une filiale à l’autre. « Quand ma petite entreprise italienne a fermé, j’ai dû quitter Rome et m’installer à Bâle », regrette Enrico Vezzali. Selon lui, le pathologiste en toxicologie doit faire preuve de « flexibilité et d’adaptabilité », et être un bon communicant capable de travailler en équipe, alors que le diagnostic en laboratoire serait plutôt une activité solitaire. Mais ses collègues du diagnostic ne pensent pas ainsi.

L’art du dialogue, une qualité essentielle du pathologiste

La pathologie d’élevage n’est ni statique ni renfermée. Le professeur Segales privilégie le dialogue avec ses confrères. La détection d’une nouvelle maladie dans un groupe de porcs peut mener à la planification d’un protocole de vaccination spécifique par le vétérinaire de l’exploitation, lequel réalise autopsies et prélèvements sur place. Pour la professeure Carlson, la visite d’un élevage où sévissait l’ostéochondrose s’est révélée éclairante. « J’ai été sidérée de voir des porcs descendre un escalier très haut pour accéder à la nourriture, ce qui était la cause de leurs lésions osseuses », raconte-t-elle. De même, pour la professeure Chiara Giudice (Milan), spécialiste en pathologie de l’oeil, c’est par le dialogue que s’établit la corrélation entre les lésions qu’elle décrit dans son rapport et les résultats de l’examen ophtalmologique du praticien. « Une énucléation ne doit pas finir à la poubelle, mais sous un microscope », conclut-elle.

Nicole Govaerts

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