Ces scénarios s’inscrivent dans une approche de vaccination préventive, avec une logique de priorisation des populations à vacciner. Quel que soit le choix fait, la biosécurité reste la mesure « la plus efficace pour prévenir l’introduction et la diffusion de l’IAHP dans et entre les élevages », préviennent les experts.
Alors que les essais vaccinaux contre l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) sont en cours, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de rendre publique son second avis sur l’élaboration d’une stratégie nationale de vaccination contre l’IAHP. Le premier avait été publié en décembre 2022, et s’était penché sur la vaccination des galliformes. Le deuxième devait faire un focus sur celle des palmipèdes. Toutefois, le second avis a évolué vers une évaluation plus globale des stratégies vaccinales, incluant la vaccination des palmipèdes et des galliformes, en vue d’une mise en œuvre dès l’automne 2023.
Pour les experts, la vaccination ne doit s’envisager qu’à visée préventive, et pas d’urgence, étant donné le temps long de mise en place de l’immunité, mais aussi le risque d’introduction virale dans les élevages si une vaccination en temps de crise était la norme. Dans ce cadre, trois scénarios sont proposés, sur la base uniquement des données scientifiques et donc sans tenir compte des paramètres réglementaires, logistiques et commerciaux. Ils visent les contextes d’élevage les plus à risque (risque d’introduction et de diffusion), et sont construits dans une logique stratégique par palier : la priorité est au premier scénario, puis au deuxième et enfin au troisième « si les moyens disponibles le permettent ». Ils permettent de répondre aux objectifs suivants : « anticiper les flambées épizootiques afin d’éviter une diffusion massive d’IAHP à partir de foyers contaminés ; et protéger les filières avicoles en préservant le patrimoine génétique présent sur le territoire et, donc la capacité de redémarrage de la production après une éventuelle épizootie. »
Protéger en priorité la génétiqueDans le premier scénario, la vaccination concerne uniquement les filières de sélection et de multiplication, afin de protéger « le potentiel génétique mais aussi la capacité à remettre en place des animaux en élevage de production post-épizootie ». Dans ce premier palier, la priorité étant à donner à la vaccination des reproducteurs des espèces palmipèdes et dindes. Dans le deuxième scénario, la vaccination vise les palmipèdes prêt à gaver, les dindes plein air, les palmipèdes à rôtir plein air et poulette futures pondeuses destinées au plein air. L’objectif, ici, est de « limiter l’importance des épizooties ». Enfin, dans le troisième scénario, seraient vaccinés les palmipèdes à rôtir et dindes élevées en claustration, les autres galliformes de chair élevés en plein air et les Gallus de ponte plein air. Pour les experts, on ne peut pas compter sur les seuls scénarios 2 et 3 pour protéger la génétique : leur mise en oeuvre nécessite de toujours maintenir en parallèle le scénario 1.
A noter que « compte tenu de l’hypothèse fortement probable d’endémisation, le scénario 2 s’applique à l’ensemble du territoire », indiquent les experts.
Penser à l'après 2023Ces différents scénarios souffrent d’incertitude. Ils reposent, en effet, sur des hypothèses fortes « qu’il faudra valider », à savoir :
« - le contexte épidémiologique sera le même qu’actuellement à l’automne 2023 ;
- une diversité de vaccins est disponible pour permettre une vaccination de chacune des espèces, induire une immunité collective et permettre une stratégie DIVA ;
- la stratégie vaccinale est cohérente avec les délais d’acquisition de l’immunité et la durée de la protection vaccinale ;
- la stratégie vaccinale est acceptable et réalisable par les professionnels (contraintes logistiques, économiques et commerciales, y compris pour la surveillance des troupeaux vaccinés). »
Par ailleurs, il s’agit de scénarios pour une mise en œuvre pour l’automne 2023. Pour la suite, les experts soulignent que d’autres contraintes se rajouteront, impliquant d’adapter les programmes de vaccination. « Par exemple, il n’est pas exclu que la présence d’anticorps d’origine maternelle puisse interférer avec la réponse immunitaire des jeunes animaux issus de parents vaccinés », est-il indiqué. Dans cette optique, pour les poules pondeuses élevées en claustration, l’épisode des Côtes d’Armor qui s’est déroulé en février-mars 2023 a montré que la biosécurité « n’est pas toujours suffisante » ; de fait, il faudra prendre en compte ces élevages dans les futurs programmes de vaccination après ceux de 2023, avec une vaccination plutôt au stade poulette.
Une mesure complémentaire de lutteTout ceci dit, pour les experts, étant le forte probabilité d’endémisation des virus sur le territoire, il apparaît opportun d’avoir une « stratégie de vaccination la plus large possible, dès lors que les moyens disponibles le permettent ».
La vaccination n’est bien-entendu qu’une mesure de lutte complémentaire, soulignent les experts, la biosécurité restent « la pierre angulaire de la lutte contre les épizooties ». De plus, « la vaccination doit absolument être accompagnée d’une stratégie de surveillance renforcée » afin de pouvoir différencier les animaux vaccinés des animaux infectés par une souche virale sauvage. La vaccination aura aussi l’avantage de pouvoir réduire le risque d’exposition humaine au virus et donc le risque d’émergence de souches virales adaptées à l’humain.
Au-delà de la stratégie vaccinale, les experts estiment nécessaires d’actualiser les communes en zone à risque de diffusion (ZRD) en tant compte du risque de diffusion depuis des élevages d’espèces différentes des palmipèdes (filières dindes et Gallus).