Après deux ans d’enquête, un juge de Fuenlabrada a ordonné la mise en accusation de Luis Miguel V.F. pour des faits de maltraitance animale et d’exercice illégal de la médecine vétérinaire. Accusé d'avoir prélevé illégalement le sang de centaines de chiens et de chats pour alimenter un commerce lucratif, il opérait sans autorisation ni diplôme vétérinaire.
Un juge du Tribunal d'Instruction de Fuenlabrada a décidé fin octobre 2024, à l’issue de deux années d’enquête, de poursuivre Luis Miguel V.F. pour les délits présumés de maltraitance animale et d'intrusion professionnelle*. En 2022, le Parquet de la région de Móstoles-Fuenlabrada a porté plainte contre celui que l’on surnomme le « Vampire d’Humanes », pour avoir tué cruellement des dizaines de chiens et de chats afin de faire le commerce de leur sang. Cet homme d’affaires était administrateur du Centre de Transfusions Veterinaires S.L., une entité opérationnelle depuis 2013, dont le but était la production de concentrés de globules rouges et de plasmas qu’il commercialisait dans toute l’Espagne et dans d’autres pays européens comme l’Italie, la Belgique, la France et le Portugal. Il vendait directement aux cliniques vétérinaires ou proposait de la vente en ligne via son site Internet. Il aurait ainsi obtenu des bénéfices importants, affirmant qu'il facturait 80 euros une poche de 400 millilitres de sang de chien et qu'il pouvait obtenir entre 3 et 5 litres de sang par chien. Pour une poche de sang de chat de 60 ml, il empochait 85 euros. Selon l’enquête, il aurait mené de telles activités dans le secret le plus absolu, sans disposer des autorisations, permis ou licences nécessaires pour fonctionner comme un centre d'hémothérapie. De plus, pour atteindre ses objectifs, il aurait accompli des actes vétérinaires « sans posséder le titre académique correspondant, s’attribuant également publiquement la qualité de vétérinaire ».
Des cadavres régulièrement envoyés dans un créatoriumLe 13 juin 2022 une opération a été menée dans un entrepôt de la commune d’Humanes par la Guardia civil en coordination avec le Parquet Environnemental de Móstoles-Fuenlabrada et avec la collaboration de la Direction Générale de l'Agriculture, de l'Élevage et de l'Alimentation de la Communauté de Madrid. 258 chiens, pour la plupart des lévriers âgés de moins de 3 ans (choisis pour leur particularité d’être donneurs universels), 59 chats et 26 lapins ont été découverts ainsi que 5 animaux morts à l'intérieur d'un sac. Le tribunal d'instruction de Fuenlabrada a décrété la fermeture temporaire des locaux et les animaux ont été libérés. Ils se trouvaient dans des espaces exigus et insalubres et ne recevaient apparemment aucun soins d’hygiène. Ils étaient dans un état de malnutrition et de déshydratation, et en présence de parasites et de nuisibles. Compte tenu de leur état de santé dégradé, certains animaux secourus sont morts peu de temps après le sauvetage. Les autorités judiciaires ont révélé que l'homme d'affaires expédiait des cadavres d’animaux dans un crématorium de Yuncos (Tolède). Rien qu’entre les mois d'avril et mai 2022, les autorités ont dénombré 60 animaux, soit 27 cadavres de chiens, 29 de chats, 3 de lapins et même d'un furet.
Des prèlèvements sans des conditions cruellesSelon le Parquet, le suspect aurait soumis les animaux à des prélèvements de sang continus sans respecter les temps de repos et de récupération. Il utilisait des pratiques interdites, douloureuses et cruelles. Les autopsies réalisées par le Centre de Surveillance Sanitaire Vétérinaire (Visavet) sur les cadavres retrouvés ont déterminé que les animaux ne sont pas morts de causes naturelles. Ils présentaient des signes d'exsanguination provoquant une mort dans des conditions d'extrême souffrance. Les rapports vétérinaires indiquent que les animaux sont morts d'hémothorax et/ou d'hémopéricarde, dus à des incisions dans la paroi costale gauche et dans le cœur, le mécanisme du décès étant un choc hypovolémique. Visavet a également noté que, selon le référentiel d’évaluation nutritionnelle de l'Association mondiale vétérinaire des petits animaux (WSAVA), les animaux avaient une mauvaise condition physique de 4 sur 9, due à une privation de nourriture et d'eau et un manque de soins vétérinaires.
Un inflitré dans la profession vétérinaireOutre les faits de maltraitance, le juge souhaite aussi poursuivre le suspect pour intrusion professionnelle* car il ne semblerait pas qu’il soit en possession d'un diplôme de médecine vétérinaire. En juillet 2022, une enquête du média vétérinaire Animal’s Health, a révélé que le « Vampire d’Humanes » a réussi à infiltrer la profession vétérinaire sans éveiller de soupçons et sans que les institutions aient connaissance de ses méthodes. Les professionnels qui l’ont côtoyé ne pouvaient imaginer, du fait de ses connaissances, qu’il n’était pas vétérinaire et encore moins qu’il pouvait être impliqué dans un trafic de ce type. Il est même intervenu comme conférencier dans des cours de formation et des congrès organisées par les écoles vétérinaires, et son nom est crédité comme auteur d'études scientifiques, ce dont il se vantait sur le site Internet du centre de transfusion.
Ainsi, comme Animal’s Health a pu le vérifier, le suspect est intervenu au programme de la 1ère Conférence sur l'Hémothérapie et la Transfusion Sanguine en Médecine Vétérinaire, organisée par le Collège des Vétérinaires de Ciudad Real en 2013. En 2014, il a participé au premier congrès sur les « Nouvelles Technologies dans les Cliniques pour Animaux de compagnie » du Collège des Vétérinaires de Murcia où il a donné des conférences sur « les étapes à suivre pour réaliser une transfusion sanguine ». De même, il a été choisi pour donner une conférence sur « l'hématologie de base dans une clinique vétérinaire », lors des Journées sur les Animaux de compagnie organisée par le Collège des Vétérinaires de Zamora les 12 et 19 juin 2015. Il a également infiltré le monde universitaire vétérinaire, en intervenant dans le deuxième cours d'hématologie et de transfusion sanguine de l'Université de León (ULE). Un cours qui, comme le précise l'ULE, avait pour objectif de « former les étudiants en médecine vétérinaire en ce qui concerne la science, la technique et l'utilité de l'hématologie et de la transfusion sanguine chez les animaux de compagnie ». Enfin, il a même participé, en tant que conseiller, au travail de fin d'études d'un étudiant de la Faculté des Sciences Animales de l'Université Nationale Agraire du Nicaragua. Dans cet ouvrage, auquel le média a pu avoir accès, l'étudiant le remerciait pour « avoir été si généreux et bienveillant ». «Je n'ai pas assez de mots pour vous remercier», écrivait alors l'étudiant.
*Le délit d'intrusion professionnelle est réglementé à l'article 403 du Code pénal espagnol, et consiste à accomplir des actes propres à une profession sans disposer des qualifications nécessaires pour le faire.