Les deux organisations ont lancé leur nouvelle stratégie mondiale pour la prévention et le contrôle de l’influenza aviaire hautement pathogène. Elle vise une prévention et un contrôle efficace de de la maladie, avec une approche « Une seule santé », et une transformation durable des systèmes agro-alimentaires.
L’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) et l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont présenté lundi 3 mars leur Stratégie mondiale 2024-2033 pour la prévention et le contrôle de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), au cours d’un webinaire technique regroupant plus de 600 personnes à travers le monde. Son objectif principal est d’« atteindre des systèmes de production avicole durables et résilients. »
La première stratégie mondiale IAHP avait été mise en œuvre en 2008. Elle a été révisée pour répondre aux défis mondiaux actuels, tout en adoptant une approche « Une seule santé », afin de transformer durablement le secteur avicole, prévenir les épidémies, protéger les moyens de subsistance, préserver la biodiversité et réduire les risques sur la santé publique.
« Une coordination mondiale est nécessaire pour réagir face à la maladie »En introduction, Thanawat Tiensin, sous-directeur général de la FAO, Division de la production et de la santé animales, et vétérinaire en chef, a alerté sur un changement de dynamique de l’IAHP avec de multiples sous-types de virus circulant simultanément dans différents pays : « Il y a un besoin urgent d’une prévention et d’un contrôle plus fort, à l’échelle mondiale, régionale et nationale, en appliquant une approche holistique "Une seule santé" ». Il a appelé à l’action « pour stopper la grippe aviaire à la source, (…) pour aboutir à un secteur de la volaille plus sûr et résilient, et assurer la sécurité alimentaire. »
Emmanuelle Soubeyran, directrice générale de l’OMSA, a rappelé que les virus de l’influenza aviaire « ont provoqué la mort de plus de 300 millions d’oiseaux dans le monde depuis octobre 2021 » et franchissent de plus en plus les barrières entre espèces. L’influenza aviaire représente des « défis mondiaux urgents, et en constante évolution », et « une coordination mondiale est nécessaire pour réagir face à la maladie ». Elle a ajouté que « sur la base des connaissances actuelles, un commerce international sûr des volailles est possible si les mesures d’atténuation des risques sont en place. Cela inclut le commerce des animaux vaccinés. »
Des évolutions virales changeant la biologie du virusDavid Swayne, expert pour l’OMSA, a détaillé le contexte épizootique et les raisons qui ont poussé à l’élaboration de cette nouvelle stratégie : « Depuis 2008, nous avons observé une expansion de l’IA, qui est passée de 28 à 51 lignées virales distinctes, et nous avons connu cinq vagues de propagation intercontinentales, dont une cinquième vague particulièrement dévastatrice, qui dure depuis quatre ans et demi. » Cette vague a connu une expansion mondiale, affectant « plus de 124 pays et régions », et s’est caractérisée par une mutation très importante de l’hémagglutinine H, générant de multiples clades et sous-clades, entraînant une résistance aux vaccins et nécessitant un processus continu de mise à jour des souches vaccinales pour rester efficace. En parallèle, un réassortiment important des sept autres segments génétiques s’est produit avec les souches circulantes de virus de l’influenza aviaire faiblement pathogène (IAFP), générant de multiples génotypes, et changeant la biologie du virus, avec notamment l’émergence du B13.13 qui provoque des infections chez les vaches laitières.
Le clade 2.3.4.4b n’a épargné que l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Propagé par les oiseaux sauvages migrateurs et résident, il a infecté plus de 528 espèces différentes, avec un débordement (spill-over) vers les mammifères domestiques et sauvages. Aux Etats-Unis, 976 troupeaux de vaches laitières ont été touchés. Une augmentation des cas humains est également observée, principalement liés à une exposition professionnelle directe.
« Si ce n’est pas une priorité au niveau national, ce sera difficile de contrôler l’IAHP »Cette nouvelle stratégie vise une prévention et un contrôle efficace de l’IAHP dans les chaînes de production avicole, et une protection des humains, des autres animaux domestiques, de la faune sauvage et de l’environnement, tout en permettant une transformation durable des systèmes agro-alimentaires, pour qu’ils soient plus résilients.
Elle prend en considération toutes les souches virales d’IAHP et les souches d’IAFP qui ont un potentiel zoonotique, en s’appuyant sur une approche « Une seule santé ». Elle s’adresse donc à de multiples acteurs : services vétérinaires nationaux, services en charge de la faune sauvage, de la santé publique, communautés économiques régionales, secteur privé, institutions de l’éducation et de la recherche, organisations de la société civile impliquées dans la santé animale, le bien-être animal, la production et les chaînes de valeur, et la prévention et le contrôle des zoonoses.
Ismaila Seck (FAO), a détaillé les objectifs à l’échelle mondiale, régionale et nationale. Il a notamment cité, « un plan de communication très clair à l’échelle mondiale », « des directives claires pour la mise en place des programmes de prévention et de contrôle, et notamment des programmes de vaccination » et « une collaboration transfrontalière à l’échelle régionale, pour partager les informations ».
« Le maillon le plus faible de la stratégie précédente, a-t-il ajouté, était la difficulté de connecter les laboratoires qui travaillaient sur les différentes souches virales. » Il a aussi souligné que le plaidoyer est important, pour chercher des soutiens politiques et financer la mise en œuvre de la stratégie : « Si ce n’est pas une priorité au niveau national, ce sera difficile de contrôler l’IAHP. »
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