La CGAAER livre un retour d’expérience des crises d’influenza aviaire - Le Point Vétérinaire.fr

La CGAAER livre un retour d’expérience des crises d’influenza aviaire

Tanit Halfon

| 29.11.2023 à 12:39:00 |
© iStock-aerogondo

Il se focalise sur les leviers d’amélioration de la gestion de crise conduite par l'administration. Tous visent à renforcer la préparation à la gestion de crise, et la mise à disposition d’appuis organisationnels et humains. 

Les crises successives d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), qui touchent la France continentale depuis l’hiver 2015, auront mis à rude épreuve l’ensemble des parties prenantes, dont l’Etat, tout particulièrement au travers des équipes rattachées au ministère de l’Agriculture. Jusqu’au point d’orgue de 2021-2022, avec près de 1400 foyers en élevage. Suite à ce 4e épisode épizootique, le ministère de l’Agriculture avait demandé en avril 2022 un retour d’expérience au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), sur la gestion de crise par les autorités sanitaires. Il vient d’être rendu publique. L’objectif était d’identifier les axes d’amélioration pour la gestion de crise, en termes d’organisation et de ressources humaines et matériels. Les recommandations devant être « adaptables à d’autres crises sanitaires en santé animale nécessitant des mesures de gestion de même nature ».

Des limites organisationnelles et structurelles

Les constats font écho à l’ampleur des crises, en particulier la quatrième : l’organisation n’était pas adaptée, avec des évolutions « au coup par coup sans vision globale » ; l’impact physique et psychologique de la surcharge de travail et des aléas des crises sur le personnel a été massif, malgré l’embauche de dizaines et dizaines de contractuels ; la préparation de crise était « inégale » suivant les départements. Pour exemples : il a été constaté « l’absence quasi générale de mobilisation du dispositif d’organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC) ». Selon une estimation faite par 7 DD(ETS)PP, il y a eu en moyenne de plus de 2000 heures supplémentaires, jusqu’à plus de 6000 heures pour un département. Cela correspond « au travail de 8 personnes à temps plein sur une période de deux mois, qui est l’ordre de grandeur de la gestion de crise au niveau départemental ». A été notée une confusion dans les rôles et responsabilités de chacun, notamment de l’échelon régional.

Dans ce contexte, plusieurs niveaux de recommandations sont listés.

La planification et la préparation de crise en santé animale doit être une priorité

Sur la préparation à la gestion de crise, elle devrait être clairement identifiée comme une priorité opérationnelle dans la démarche qualité de la Direction générale de l’alimentation (DGAL). En effet, à ce jour, il n’y a pas encore de procédure nationale écrite pour évaluer le bon fonctionnement interne de gestion de crise (audits internes), alors même que la préparation à la gestion des crises de grande ampleur en santés animale et végétale a été identifiée comme une priorité stratégique pour la DGAL. Les auteurs du rapport ont d’ailleurs écrit que les « plusieurs des interlocuteurs de la mission en DRAAF et en DD(ETS)PP indiquent que la planification de la gestion de crise n’est qu’une priorité parmi d’autres, ce qui conduit à retarder la mise à jour des plans départementaux spécifiques épizootie. » A cela s’ajoute de faibles moyens consacrés aux missions relatives aux plans d’urgence.

Les auteurs recommandent aussi d’intégrer la gestion des crises sanitaires en santé animale dans le dispositif interministériel de gestion de crise dit « planification de défense et de sécurité nationale », qui est actuellement en cours de refonte, étant donné « que les  conséquences des épizooties majeures, comme celle d’IAHP, de fièvre aphteuse ou de pestes porcines, peuvent être graves non seulement pour la santé animale, mais également pour l’économie, la souveraineté alimentaire, la société au travers des débats éthiques et l’environnement » ; sans oublier les risques potentiels en santé publique. Dans ce cadre, un lien devra être fait avec les plans relatifs à la santé humaine.

Une meilleure définition de l’application concrète au niveau local du plan national d’intervention sanitaire d’urgence (PNISU) est aussi à prévoir, en identifiant bien les rôles et responsabilités de chacun des acteurs pour mieux coordonner la gestion de crise dans les territoires concernés.

Capitaliser sur les ressources humaines

Une meilleure intégration des personnels des fonctions support est à prévoir pour réfléchir sur les moyens nécessaires à la gestion de crise. Dans ces moyens, les outils informatiques apparaissent comme un point bloquant majeur : « la mission estime nécessaire de construire dans les règles de l’art un outil de gestion de crise sanitaire prenant en compte toutes les espèces animales, dont la sécurité, l’interopérabilité avec les systèmes d’information de la DGAL et de la gestion interministérielle de crise, la pérennité et les capacités d’évolution sont garanties. » Au vu de la contribution centrale de la chaire de biosécurité et santé aviaires de l’ENVT, les auteurs estiment qu’il faudrait généraliser ce principe aux autres espèces animales, pour avoir un appui scientifique complet, et complémentaire à celui de l’Anses. Enfin, un « renforcement des relations avec les LDA et une analyse du maillage des laboratoires agréés seraient utiles. »

Un renforcement des moyens humains est recommandé, avec l’idée d’avoir « un réseau d’appui à la gestion de crise, constitué d’agents des services opérationnels » d’environ 100 personnes, en plus des appels à volontaires qui sont habituellement faits pendant une crise. Ce réseau « devrait être animé de façon pérenne pour garantir dans la durée sa réactivité et la compétence de ses membres ». Il pourrait aussi y avoir une réserve vétérinaire et une réserve managériale.

Il y aurait aussi un travail à envisager pour garantir la bonne maîtrise de gestion de crises des services concernés : pour ce faire, les auteurs estiment qu’il faudrait envisager de créer des parcours qualifiants aux agents en poste, avec un parcours de formation de base associé à des formations régulières pour l’entretien des compétences. Cela serait assujetti à des indemnités compensatrices. Ceci dit, « les blocs d’apport de connaissances pourraient être ouverts à tous les volontaires, ce qui permettrait de renforcer la compétence des personnels désireux d’apporter un appui en gestion de crise, sans leur ouvrir le droit à une majoration de l’IFSE. Les formations d’entretien pourraient dans le même esprit rester ouvertes aux agents ayant validé la formation « prise de poste » même après une mutation. »

Le dernier niveau de recommandation concerne la reconnaissance du travail des personnels et leur résilience. Cela passe par le paiement des heures supplémentaires, ce qui est compliqué aujourd’hui et passe par des moyens détournés (complémentaire indemnitaire annuel, et paiement d’interventions en astreinte de sécurité en DD(ETS)PP). Mais aussi par tout autres moyens symboliques. La reconnaissance des compétences acquises est aussi à réfléchir dans la gestion de carrières des agents concernés.

Tanit Halfon

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