Le ministre de l’agriculture Julien Denormandie, a annoncé un projet de décret, qui rendra obligatoire l’installation de machines de sexage in-ovo dans tous les couvoirs de France en 2022.
En janvier 202, le précédent ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, avait annoncé un partenariat avec l’Allemagne pour développer des méthodes alternatives au broyage des poussins mâles. L’objectif : mettre fin à cette pratique d’ici fin 2021. Son successeur, Julien Denormandie, a confirmé cet objectif dans un communiqué de presse publié le 19 juillet 2021. « L’année 2022 sera l’année de la fin du broyage et du gazage des poussins mâles », a-t-il ainsi affirmé. Dans cette optique, un projet de décret sera soumis au Conseil d’Etat d’ici la fin de l’été, rendant obligatoire au 1er janvier 2022 l’installation ou la commande de machines de sexage in-ovo. Le communiqué précise aussi que « toutes les machines devront être installées et fonctionner dans tous les couvoirs en 2022 ».
Pour rappel, en France chaque année, ce sont environ 50 millions de poussins mâles qui sont tués, faute de débouchés économiques. La méthode de sexage vise à différencier in-ovo, le sexe de l’oiseau, pour que naissent seulement des poussins femelles, c’est-à-dire les futures poules pondeuses de la filière œufs.
A noter que les poussins mâles ne sont pas les seuls volatils broyés : dans le secteur palmipèdes à foie gras, chaque année, environ 30 millions de canetons femelles sont tués, seuls les mâles étant utilisés pour la production de foie gras et de magret. Ceci dit, dans le secteur, plusieurs entreprises de sélection-accouvage ont pris les devants et annoncé la mise en oeuvre prochaine de sexage in ovo.
Qui va payer ?
Cette annonce pose la question du coût : qui va payer le surcoût lié au sexage, incluant les frais pour l’achat des machines au niveau des couvoirs et les frais de fonctionnement ? Selon l’interprofession des œufs (CNPO), il faut compter, en effet, 15 millions d’euros d’investissements pour l’équipement des couvoirs en machines à sexage, auxquels s’ajoutent 64 millions d’euros par an de frais de fonctionnement soit 4% du chiffre d’affaire annuel de la filière avicole. Très concrètement, « pour un élevage de 20 000 poules pondeuses en plein air, le surcoût annuel se situe entre 20 000 et 80 000 euros selon les méthodes choisies », a aussi indiqué la Confédération française de l’aviculture (CFA). En fin de chaîne, un œuf coûterait un minimum de 3 centimes d’euros de plus, pour une boîte de 6 œufs, a complété le CNPO. Les deux organisations professionnelles estiment que les éleveurs ne pourront pas supporter un surcoût de production, alors qu’ils ont déjà investi dans la transformation de leur élevage pour aller vers des systèmes alternatifs (plein air, bio, sol). Dans ce cadre, ils demandent que l’ensemble du surcoût soit répercuté au niveau des consommateurs, que ce soit pour les œufs vendus en distribution, ou sous forme d’ovoproduits au niveau de l’industrie et de la restauration hors domicile.
Côté ministère, on annonce plusieurs modalités d’aides pour la filière :
- 10 millions d’euros du Plan de relance pour les machines ;
- un travail, dans le cadre de la loi Egalim 2 pour développer des alternatives durables pour le devenir des poussins mâles ;
- un lobbying au niveau de l’Europe pour que la fin du broyage des poussins soit généralisée au niveau de l’Union européenne.
Aucune mention n’est faite d’une éventuelle répercussion du surcoût au niveau du consommateur.
Une technologie assez mature ?
Au-delà de la question du coût, se pose aussi celle de l’efficacité de la technologie. En effet, en France, ce sont environ 50 millions de poussins mâles qui sont tués chaque année. De plus, selon les données de l'institut technique Itavi, en 2019 sont nées 47 millions de poulettes d’un jour. Les technologies développées devront donc être assez rapides pour permettre un sexage de plus de 90 millions d’œufs par an…et garantir au final les 15 milliards d’œufs produits pour la consommation par les poulettes issues du sexage. Selon un document récent de l’Itavi faisant le point sur les méthodes de sexage, la méthode allemande Seleggt, déjà déployée sur le terrain, présente « une cadence faible » en ne permettant un sexage que de 3000 œufs par heure. Cette méthode a été développée par l’université de Leipzig, en partenariat, avec le groupe germano-néerlandais Respeggt. Ce dernier commercialise déjà en Allemagne, aux Pays-Bas, en France et en Suisse, des œufs issus de poules pondeuses sexées in ovo : selon le groupe, fin 2020, ce sont un demi-milliard d’œufs qui ont été commercialisés. De plus, en juin 2021, le groupe a annoncé les premières éclosions de poussins femelles issus du sexage sur le territoire français dans le couvoir Novoponte (Pays de la Loire). Dans son communiqué de presse, est indiquée une capacité de production de plus de 100 000 poussins femelles sexés par semaine (centre aux Pays-Bas), soit plus de 20 millions par an. C’est donc loin des 47 millions de poulettes d’un jour annoncés par l'Itavi. A voir donc si cette capacité pourra être augmentée et sous quel délai.