Lancement d’un nouveau « plan abattoirs » - Le Point Vétérinaire.fr

Lancement d’un nouveau « plan abattoirs »

Tanit Halfon | 07.07.2021 à 10:00:00 |
© iStock-dageldog

Après l’octroi de financements annoncé en 2020 pour la modernisation des abattoirs, le ministre de l’Agriculture remet le sujet sur la table en annonçant la mise en œuvre de nouvelles mesures pour accompagner l’amélioration des établissements d’abattage.

La question des abattoirs revient sur le devant de la scène en ce début d’été, avec l’annonce faite par le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, sur le lancement d’un nouveau « plan abattoirs ». Comme indiqué dans le communiqué de presse en date du 5 juillet, ce plan est composé de trois axes :

- investir pour moderniser les outils d’abattage et améliorer les conditions de travail du personnel et la protection animale ;

- renforcer les contrôles via d’une part l’organisation de nouveaux contrôles « généralisés et coordonnés dans l’ensemble des abattoirs d’animaux de boucherie », et surtout réalisés « de manière inopinée » sur un point critique particulier comme l’acheminement des animaux. D’autre part, via la création d’une force d’inspection nationale en abattoirs (FINA) composée de 6 agents avec pour mission d’intervenir n’importe où sur le territoire sur demande des préfets et de la DGAL ;

- renforcer les sanctions en cas de non conformités avec l’envoi d’un courrier aux préfets pour rappeler les principes de protection animale et leur demander d’agir avec fermeté.

En réalité, ces différents points ne sont pas une nouveauté.

Pour le premier, il s’agit d’investissements du plan de Relance qui avaient été décidés il y a déjà presque un an. A l’époque, le ministre avait ainsi annoncé l’octroi d’une enveloppe de 130 millions d’euros pour la modernisation des abattoirs. Dans le nouveau communiqué de presse, ce n’est plus 130 millions d’euros mais 115 millions qui sont annoncés pour l’axe « investir ». Une partie de cet argent a déjà été attribuée à 123 abattoirs (sur 283 demandes), à hauteur de 75 millions d’euros, dont le projet d’abattoir mobile « Le Bœuf Ethique ».

Un réseau supplémentaire d’experts

Pour le deuxième par contre, les nouveaux outils et modalités de contrôle annoncés sont de prime abord une nouveauté, mais ils s’ajoutent en réalité à des dispositifs de contrôle existants qui s’y rapprochent fortement. En effet, concernant la FINA, il existe déjà un réseau de référents nationaux en abattoirs (RNA) qui a été créé en 2008 pour les abattoirs d’animaux de boucherie. Au nombre de 6, leur mission est notamment de fournir un appui technique aux services de contrôle, mais aussi aux opérateurs d’abattage, et de participer à des audits. A partir de 2016, leurs missions ont été réorientées vers la supervision des équipes d’inspection pour le domaine des suites à donner à l’inspection, et vers l’accompagnement technique des inspecteurs dans le domaine de la protection animale. Avec la FINA, il y aurait donc deux réseaux nationaux pour les inspections en abattoir, la différence essentielle étant que les inspecteurs de la FINA n’interviendraient théoriquement que sur demande, quand les RNA, eux, ont un programme prévu à l’année. Avec ce nouveau réseau, certains pourraient tout de même y voir une augmentation des effectifs – quoique très relative - dédiés à l’amélioration générale des établissements d’abattage.

Pour les contrôles inopinés et simultanés, la question des modalités pratiques de mise en œuvre se pose, étant donné que sont répertoriés environ 260 abattoirs de boucherie sur le territoire. De plus, entre 2016 et 2018, le réseau des RNA avait pour mission d'effectuer des audits de tous les abattoirs de boucherie centrés sur la gestion de la protection animale. Le bilan n'est pas publié.

Enfin, pour le troisième point, la question est de savoir si la volonté politique affichée suffira à renforcer effectivement les sanctions, sachant que l’arsenal répressif est assez complet en France. Notamment, avec la loi Egalim, le délit de maltraitance avait été étendu aux abattoirs, avec un doublement des peines.

Des critiques

A peine annoncé, ce plan fait déjà l’objet de critique. Ainsi, l’OABA souligne l’insuffisance du ce plan, qui apparaît plus comme de la communication que de l’action. L'organisation dénonce notamment le fait que la FINA aura vocation à remplacer les RNA, et que le nombre de 6 agents est insuffisant pour couvrir tous les abattoirs. Toutefois, sur ce point, la fiche de poste publiée dans bo agri net pour consituer la FINA stipule bien que « l'inspecteur de la FINA réalise ses missions en étroite coopération avec le réseau des référents nationaux abattoir », donc à ce stade, il ne semble pas y avoir une fusion des deux réseaux de prévue. L’OABA souligne aussi que l’application des sanctions est difficile : « la loi Egalim d’octobre 2018 a créé le délit de mauvais traitements en abattoirs. Mais les services d’inspection, lors de non conformités en abattoirs, ne visent jamais ce délit, préférant retenir de simples contraventions qui ne sont nullement dissuasives pour les abattoirs en infraction et qui ne permettent pas aux ONG de protection animale de se constituer partie civile. » En France, le premier procès concernant un abattoir est très récent, 2017 avec l’affaire de l’abattoir du Vigan dans laquelle ont été condamnés le responsable protection animale, et la communauté des communes.

De manière générale, ce plan abattoirs, ne reprend finalement pas vraiment les recommandations faites par le comité national éthique des abattoirs, ou encore le Conseil économique, social et environnemental (CESE), excepté pour l’axe « investir », qui semblent toutefois insuffisant pour plusieurs organisations de protection animale, et qui ne va pas dans le sens de l'amélioration du maillage territorial, avec la créatin d'abattoirs, comme préconisé par le CESE.

Tanit Halfon
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