Le think tank vient de rendre publique un rapport sur l’avenir du secteur agricole face au changement climatique. Au-delà des différents scénarios proposés, le rapport souligne l’importance de faire un choix de société dès maintenant pour l’agriculture de 2050.
Après les propositions de l’IDDRi, Solagro, ou encore l’Ademe, sur les voies possibles d’avenir pour l’agriculture face au changement climatique, c’est désormais le think tank The Shift Project qui s’y met. Présidé par l’ingénieur maintenant bien connu Jean-Marc Jancovici, l’association vient de rendre publique un rapport sur « l’agriculture bas carbone, résiliente et prospère ». Un webinaire y est associé, et sera accessible sur la chaîne Youtube de l’association.
Fruit d’un travail d’analyse de 18 mois, ce rapport présente la particularité d’avoir été mené de manière très collaborative. Ainsi, il est expliqué que l’équipe s’est appuyée sur un conseil scientifique, et un collège d’agriculteurs. Plus de 150 organisations ont participé à la concertation (syndicats, laboratoires, interprofessions, associations de consommateurs, lycées agricoles, etc), aboutissant à un total de 300 personnes ayant participé de près ou de loin au rapport. A cela s’est ajoutée une phase de 6 mois de consultation des agriculteurs, qui a permis de récoler plus de 7700 réponses ; un webinaire est prévu le 12 décembre afin de présenter les résultats de cette concertation.
Une approche globaleLes constats du think tank sont rudes. Selon eux, « l’agriculture est à bout de souffle, aussi bien d’un point de vue physique (aléas climatiques à répétition, détérioration des sols…) qu’économique et social (agriculteurs usés par les difficultés croissantes). » En parallèle, le système agricole est « fortement émetteur de gaz à effet de serre (GES) », correspondant à 18,7 % des émissions nationales. Ces émissions sont liées à 59,3% à l’élevage, 26,5% aux cultures, et 14,2% aux engins ; moteurs et chaudières. Mais elle « est aussi un des rares secteurs à pouvoir stocker naturellement du carbone ». Dans ce contexte, la transformation du système agricole passera forcément « par des évolutions conséquences des systèmes » et pas seulement des leviers d’optimisation des systèmes. D’autant plus qu’il ne s’agit pas seulement d’atténuer les émissions de GES, mais aussi d’aller vers des systèmes plus durables (biodiversité, eau, santé des sols) et qui résilients face aux aléas climatiques. De plus, le think tank vise aussi à réduire les émissions indirectes (fabrication des fertilisants azotés et autres intrants, fabrication des aliments pour animaux importés, transport des marchandises…), qui ne sont pas prises en compte à ce stade dans les objectifs chiffrés de la stratégie nationale bas carbone de la France (SNBC).
Dans cette optique, le think tank signale que les stratégies réfléchies par les filières d’élevage « ne portent que sur l’atténuation des émissions directes et n’intègrent pas d’objectifs spécifiques sur l’adaptation des systèmes d’élevage, leur résilience ou encore la préservation de la biodiversité ».
Des réductions de cheptel à accompagnerAu final, ce sont quatre scénarios qui ont été proposés par le think tank, avec l’objectif commun de respecter l’objectif d’atténuation des émissions directes de GES de la SNBC, et sans intégrer à ce stade de régime alimentaire optimal, ni de l’allocation optimale de la biomasse agricole :
- un premier scénario avec pour priorité une meilleure autonomie agricole et alimentaire nationale. Il est associé à une forte diminution des cheptels ruminants, à hauteur de 35%, et à un maintien des cheptels des petits ruminants et monogastriques ;
- un deuxième avec pour priorité une meilleure indépendance énergétique nationale. Il est également associé à une réduction de 35% des cheptels ruminants, et de 30% des cheptels monogastriques et petits ruminants ;
- un troisième avec pour priorité la contribution de l’agriculture française à la sécurité alimentaire mondiale. Là aussi, il y a une réduction de tous les cheptels dans le même ordre de grandeur que le scénario 2, mais avec « pour idée de ne maintenir que des élevages à l’herbe sur prairies »
- un quatrième scénario dit de conciliation, qui se veut plus réaliste, et avec une priorité donnée à la résilience. Là aussi, il s’accompagne d’une baisse des cheptels, mais moins marquée, de l’ordre de 20% pour les monogastriques et les petits ruminants, de 25% pour les bovins viande et 30% pour les bovins laitiers.
Au-delà de ces scénarios, le think tank émet plusieurs recommandations pour accompagner l’évolution des systèmes. Parmi elles, on peut citer la garantie de prix rémunérateurs, le besoin de réfléchir à l’échelle des territoires, la nécessité de former à l'agro-écologie et surtout l’urgence « de faire un choix de société dès aujourd’hui pour 2050 ».
A noter qu’il y a deux rapports complémentaires : un sur les technologies agricoles, et un autre sur l’emploi et la formation agricoles.