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Les adoptions en refuge autorisées

Anne-Claire Gagnon | 16.04.2020 à 10:08:01 |
adoption chien en refuge
© Kerkez - iStock

Après un embroglio médiatico-politique, les Français sont autorisés à se déplacer en vue d’adopter un animal en refuge. Non sans soulever des désaccords entre associations de protection animale, certaines estimant inadapté le protocole de choix de l’animal en amont, via Internet, exigé par le gouvernement.

Bien que peu de refuges soient actuellement en sur-capacité, un appel début avril de la Société protectrice des animaux (SPA), qui connait a contrario pour certaines structures une saturation, a été largement relayé dans les medias. L’association demande alors par voie de pétition un concept d’adoption solidaire, 95% digitalisé, pour que les animaux ne soient pas les victimes collatérales de la crise actuelle. Chronologie des faits.

Activité médiatique vibrionnante

Le 1er avril, une instruction de la DGAL permet aux bénévoles de poursuivre leur travail de nourrissage des chats libres, dans un périmètre restreint (1 km pendant 1 heure) autour de leur foyer. Le 7 avril, La Confédération nationale-Défense de l’Animal se mobilise pour qu’aucun animal n’ait à souffrir de cette situation extraordinaire. Avec 30.800 places et des capacités d’accueil 4 à 5 fois plus importantes que celles de la SPA, le réseau Défense de l’Animal tend la main à la SPA et propose à celle-ci, quand ses refuges seront saturés, d’accueillir les animaux à prendre en charge. Le 8 avril, un collectif de 36 personnalités avec 7 associations de protection animale (autres que la SPA et la Confédération nationale), interpelle le chef de l’État, pour demander le retour des adoptions sur le modèle belge (c’est-à-dire avec un protocole pour respecter les gestes barrière). Le 9 avril, notre confrère Loïc Dombreval réunit par vidéo-conférence l’ensemble des acteurs de la protection animale pour faire un état des lieux et adresse le 10 avril un courrier à Didier Guillaume, Ministre de l’Agriculture. Cette lettre mentionne le taux de remplissage des fourrières de 30 à 40%, leur engagement à pouvoir garder les animaux bien au-delà du délai légal de garde de huit jours ouvrés et ce jusqu’à plusieurs mois, sans procéder à des  euthanasies, ainsi que la réelle solidarité entre les acteurs de la protection animale, la grande disparité de situations des refuges, tous partageant la crainte du pic d’abandons à l’issue du confinement. Il demande au Ministre de l’Agriculture la mise en place d’une procédure dérogatoire d’adoption, l’instauration d’un signalement aux associations de protection animale de la présence d’animaux restés seuls au domicile de leurs maîtres lors d’hospitalisation en urgence, l’autorisation pour les bénévoles et salariés d’intervenir pour le nourrissage des chats libres et enfin le soutien des associations, par des exonérations ou baisses de charges sociales, pour permettre le maintien des emplois et la survie des structures. Le même jour, la SPA alerte le gouvernement sur « les risques liés à la saturation de ses refuges. Face à l’impossibilité pour les adoptants de venir chercher leurs animaux lors de la période de confinement, les refuges de la SPA pourraient être débordés et devoir refuser les animaux recueillis par les fourrières, avec pour conséquence de risquer leur euthanasie ».

Décision ministérielle du week-end pascal

Le 11 avril, le Ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, publie un communiqué de presse mentionnant son entretien personnel avec Jacques-Charles Fombonne, président de la SPA, et précise qu’à partir du 16 avril « une tolérance sera accordée concernant les déplacements pour l’adoption d’animaux en refuge » et qu’ « afin de limiter les risques, des règles strictes devront être respectées : l’animal devra être choisi en amont sur le site internet de la SPA ; un rendez-vous précis sera fixé et le refuge de la SPA concerné émettra une attestation dématérialisée comportant l’horaire du rendez-vous ; en se rendant au rendez-vous, le candidat à l’adoption devra se déplacer seul et être muni, en plus de l’attestation délivrée par la SPA, d’une attestation de déplacement dérogatoire pour « motif familial impérieux ».

L’animal peut-il exprimer son choix ?

Une déclaration qui crée un émoi dans les associations de protection animale et soulève les questions des journalistes auprès du service de presse du Ministre de l’Intérieur, incapable de préciser si le terme « la SPA » utilisé dans le communiqué de presse est limitatif à cette seule structure ou bien utilisé ici par Christophe Castaner de façon générique, rendant la dérogation pour adoption applicable à l’ensemble des refuges en France. Dès ce week-end, les médias reprenaient l’information « pour désengorger les refuges » alors que beaucoup des refuges appartenant au réseau de la Confédération nationale-Défense de l’Animal indiquaient refuser les adoptions tant que le confinement durerait, malgré la dérogation annoncée, estimant qu’une rencontre préalable est nécessaire pour vérifier que l’animal ait le coup de cœur pour son adoptant et permettre une adoption durable. En effet, le point fondamental que ne respecte pas le choix sur écran exigé par le Ministère, l’entretien préalable, fut-il par visio-conférence, c’est le ressenti de l’animal sur qui l’humain flashe. Ce sont les agents animaliers, au moment de la visite, qui perçoivent cette réciprocité du lien, la valident et dans certains cas qui ré-orientent l’enthousiasme d’un futur adoptant vers un animal plus adapté et surtout dont ils voient que le coup de cœur avec l’adoptant est réciproque. Enfin, l’adoption est une affaire de famille - raison pour laquelle la rencontre en présence des enfants et du conjoint est essentielle - et tous les refuges ont constaté que le chien de la famille décide aussi qui sera le second chien adopté.

Vers un animal pour tous ?

Suite du buzz médiatique. Le 14 avril, Didier Guillaume et Jacques-Charles Fombonne s’exprimaient dans Allo Baba sur C8, pour remercier Cyril Hanouna de son soutien. Didier Guillaume a indiqué qu’il y avait « une capacité de 200.000 places en refuges dont 7000 pour la SPA, et d’autres, peu importe ». Le président de la SPA a précisé que la dérogation d’adoption valait pour « l’ensemble des refuges qui voudront se plier à la procédure que nous avons écrite ». A ce jour, peu de refuges sont pleins, aucun ne manque d’alimentation pour ses pensionnaires mais la situation financière des petits refuges indépendants est une préoccupation majeure, en l’absence de dons et d’adoptions. Les appels de futurs adoptants réclamant leur dû ont déjà commencé, avec une violence parfois surprenante (« On s'en fout du Covid, on veut sauver un chien !! ...Vous préférez les euthanasier plutôt que les donner !! On va vous dénoncer !! », « Vous n'avez pas compris, ils l'ont dit à la TV !! Vous êtes obligés de faire des adoptions !! », « Je m'ennuie... après je le donnerai à mes parents... », « J'habite dans les Landes et les refuges sont fermés, j'essaie dans le 64... car je veux un chaton maintenant ! » « J'ai choisi mon chien sur votre site et je viens le chercher jeudi à l'ouverture... » comme florilège de verbatim recueillis auprès de refuges de la Confédération nationale-Défense de l’Animal). Espérons que les adoptions puissent se réaliser en toute sérénité dans les refuges qui en auront fait le choix.

Anne-Claire Gagnon
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