Les Chambres d’agriculture publient un panorama de l’élevage français - Le Point Vétérinaire.fr

Les Chambres d’agriculture publient un panorama de l’élevage français

Tanit Halfon

| 27.09.2023 à 13:04:00 |
© iStock-heebyj

Ce rapport montre, de manière chiffrée et synthétique, la décapitalisation des cheptels. Partant des dynamiques en cours dans le secteur, trois scénarii sont imaginés pour l’avenir de l’élevage.

Comment se porte l’élevage français ? C’est à cette question que se propose de répondre les Chambres d’agriculture France, dans un récent rapport daté de septembre 2023, et intitulé « Regards d’avenir sur l’élevage en France ». Ce travail vient en réponse aux difficultés du secteur, explique Sébastien Windsor, le président de Chambres d’agriculture France, en avant-propos : « le processus de décapitalisation des cheptels est porteur d’inquiétudes légitimes ». De fait, l’objectif était de proposer « un diagnostic sur la situation économique de l’élevage, dans tous ses compartiments, mais aussi se projeter dans l’avenir ».

Une baisse du nombre d'élevages

Quels constats ? « La France perd tous les dix ans de plus en plus d’exploitations. Le décrochage est particulièrement saillant en élevage laitier, où les exploitations sont passés de 175 000 en 1988 à 35 000 en 2020 », indiquent les auteurs du rapport.  Pour le secteur bovin viande, on dénombre 48 000 exploitations en 2020, contre 62 000 en 2010. Pour les élevages ovins-caprins, est notée une perte de 20 000 exploitations en 10 ans (35 000 en 2020). Pour les filières porcines et aviaires, une perte de 10 000 (19 000 en tout en 2020). S’agissant du secteur bovin, « ce repli n’est pas compensé par un poids plus important par animal, puisque les statistiques d’abattages en volume sont également orientées à la baisse, et ce dans toutes les catégories de bovin ». Les secteurs laitiers ovins-caprins, tout comme celui des poulets de chair et poules pondeuses, tirent tout de même leur épingle du jeu. Pour le premier, les collectes de lait de brebis et de chèvre sont en progression depuis quelques années. Pour les poulets de chair, après un déclin dans les années 1990 au début des années 2000, il y a eu une hausse des abattages permettant de revenir au niveau des années 1990. La production d’œufs est aussi sur une tendance en progression. Avec le bémol bien-entendu des dernières crises d'influenza aviaire.

En face de cette tendance baissière, d’autres pays, dont des Etats membres, présentent eux une dynamique inverse. Pour exemple, pour le secteur bovin, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie et la Pologne, voient leurs cheptels se stabiliser ou augmenter. En dehors de l’Union européenne, les Etats-Unis, l’Inde, la Chine, la Russie, présentent une hausse des volumes de lait collectés (entre 2019 et 2022).  Autre exemple : la filière porcine, avec l’Espagne qui voit son cheptel fortement progresser, dépassant, de loin, l’Allemagne.

Une dynamique commercial variable

A cette dynamique, s’ajoutent des taux d’auto-approvisionnement moyens, voire mauvais pour certains secteurs. Si la dépendance aux importations touche tous les secteurs, certains le sont beaucoup plus que d’autres : la couverture des besoins n’est que de 58% pour le poulet, de 47% pour les ovins…Les secteurs restants permettent de couvrir les besoins à 60% et plus, voire 90% pour les œufs coquilles, et 96% pour les yaourts. Si on regarde la balance commerciale, les échanges extérieurs apparaissent excédentaires en animaux vivants et produits laitiers, mais de plus en plus déficitaires pour les viandes transformées, notamment la volaille. Le rapport parle « d’effacement » des productions françaises de viande de volailles sur les marchés internationaux, tout comme sur le marché intérieur. A l’opposé, le secteur des produits laitiers est « le troisième excédent de la balance agroalimentaire française, derrière la viticulture et les céréales », mais avec un point de vigilance étant donné que « la dépendance aux importations des produits laitiers (beurre, crème) est bien plus élevée que celle distinguant les céréales (à l’exception du blé dur) ».

Une baisse de la consommation de viande par habitant

Toutes ces dynamiques sont à mettre en parallèle avec la consommation. « Entre 1980 et 2021, les Français ont réduit leur consommation de viande de 15 kg par an, principalement en diminuant la consommation de viande bovine d’un tiers (dont viande de veau), de viande ovine de moitié, ainsi que celle de porc, mais également en réduisant drastiquement la consommation d’autres types de viande (cheval, lapin) », indiquent les auteurs du rapport. La première viande consommée en France reste la viande porcine, devant la viande bovine. Toutefois, « les Français consomment donc moins de viande individuellement, mais la France prise dans son ensemble consomme plus de viande du fait de la croissance démographique. » Par contre, la consommation de certains produits laitiers augmente, fromage, yaourts aromatisés, crème fraîche, desserts (mais baisse du lait et yaourts nature), tout comme la consommation d’œufs. La filière bio est à part, et elle fait d’ailleurs l’objet d’un focus avec un constat implacable : les ventes déclinent. « En 2022, les ventes de viandes biologiques ont reculé de 13%, le chiffre d’affaires s’établissant à 1 milliard d’euros. Entre 2020 et 2022, les produits carnés ont perdu 181 millions d’euros, pour les produits laitiers cette perte s’élève à 151 millions d’euros. Seuls les œufs ont su se maintenir à un niveau stable en 2022 (après avoir diminué de 4 millions d’euros l’année précédente). »

Trois scénarii pour l'avenir

Au-delà des données chiffrées, les auteurs du rapport mettent aussi en lumière  point par point les critiques faites sur l’élevage : impacts sur l’environnement, bien-être animal, impacts sur la santé…

Toutes ces données leur permettent d’aller plus loin et de s’essayer à la prospective. Exercice difficile, le rappellent les auteurs : « Dans l’édition 2004 du Déméter, trois chercheurs de l’INRA(e) avaient tenté d’esquisser quelques perspectives d’avenir pour la filière bovine européenne. Ils se montraient relativement optimistes quant à l’avenir du secteur bovin (…) Vingt ans après, les choses ont bien changé et semblent ne plus correspondre aux schémas avancés par ces chercheurs. » Pour ce rapport, trois scénarii sont envisagés. Dans le scénario tendanciel, les experts imaginent un secteur de l’élevage qui serait devenu marginalisé ; dans le scénario dit de rupture, c’est tout l’inverse qui se passe avec une recapitalisation ; et enfin, le scénario intermédiaire mise sur un compromis entre la société civile, les ONG et les éleveurs avec à la clé une hausse des effectifs d’éleveurs, des filières territorialisées, et des nouvelles pratiques d’élevage.

Tanit Halfon

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