Les oiseaux marins sont atteints de « plasticose » - Le Point Vétérinaire.fr

Les oiseaux marins sont atteints de « plasticose »

Fabrice Jaffré

| 14.03.2023 à 11:08:00 |
© Robert Pleško-iStock

Des chercheurs ont prouvé la relation entre la formation généralisée de tissu cicatriciel au niveau du proventricule et les morceaux de plastique ingérés.

Une nouvelle affection liée à la pollution plastique vient d'être décrite fin février 2023 dans le Journal of Hazardous Materials. L'observation a été faite sur des oiseaux marins, les puffins à pieds pâles (Ardenna carneipes), vivant sur l'île de Lord Howe (Australie). Des scientifiques de l'Institute for Marine and Antarctic Studies de l'Université de Tasmanie avaient bien mesuré, dès 2019, outre le déclin de la population, des valeurs sanguines perturbées (hypercholestérolémie, hyperuricémie, hypocalcémie) chez les puffins. Mais leur lien avec le plastique ingéré restait flou. L’une des hypothèses de la hausse de mortalité envisageait même la présence de bactéries ou de toxiques dans les particules de plastique.

Une moyenne de 32 déchets plastiques par oiseau

Cette fois, les auteurs de l'étude ont pu prouver la relation entre la formation généralisée de tissu cicatriciel au niveau du proventricule et les morceaux de plastique ingérés. Le nombre moyen de ces derniers étaient de 32 par oiseau (entre 0 et 202), pour un poids total moyen de 3 g (entre 0 et 20,61 g). Les auteurs proposent la dénomination « plasticose » pour cette fibrose observée en réponse à l'ingestion de plastique. Cette présence de tissu cicatriciel étendu dans le proventricule, et la restriction qui en résulte de la capacité de l'estomac, peuvent aggraver les conséquences de l'ingestion plastique, et donc affecter sensiblement la digestion ou la croissance des oiseaux. Des études complémentaires sont envisagées afin de rechercher la formation de tissu cicatriciel dans d'autres organes, et d'étudier si elle est principalement causée par des particules de plastique visibles (≥ 1 mm), comme dans ce cas, ou par l'intrusion de microplastiques* dans les tissus.

5 g de plastique ingéré par un humain chaque semaine

Plus de huit millions de tonnes de déchets plastiques se déversent chaque année dans les océans. Le chiffre pourrait monter à 29 millions de tonnes d'ici 2060 si aucune mesure radicale n'est prise, selon l'OCDE. La pollution n'est actuellement que la 4e cause d'érosion de la biodiversité (après la destruction des habitats, la surexploitation des ressources, le changement climatique, et devant les espèces exotiques envahissantes), selon l'IPBES (la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques). C'est peut-être ce qui explique que la recherche sur la pollution plastique aurait 25 ans de retard sur celle du changement climatique. Mais, au final, réduire l'utilisation de plastique à la source, et donc la quantité qui échoue dans les océans, " est la seule réponse ", selon Alexander L. Bond, l'un des auteurs de l'article sur la plasticose.

C'est une réponse non seulement pour la faune marine, mais aussi pour l'homme : un individu ingère en moyenne jusqu'à 5 g de plastique chaque semaine, soit le poids d'une carte de crédit. Cela reste cependant bien loin des 2,5 à 43 kg quotidiens de microplastiques ingérés par une baleine.

* Les catégories classiquement admises sont les macroplastiques (> 5 mm), les microplastiques (entre 1 μm et 5 mm) et les nanoplastiques (< 1 μm).

Fabrice Jaffré

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