Les relations homme - animal au cours de l’évolution - Le Point Vétérinaire.fr

Les relations homme - animal au cours de l’évolution

Jean-Paul Delhom | 20.12.2019 à 09:00:00 |
conférence sur les Relations homme-animal au cours de l’évolution
© D.R.

Le groupe Pasteur Mutualité a organisé 11 décembre 2019 une conférence sur les Relations homme-animal au cours de l’évolution, approche « One Health », avec l’intervention de Pascal Picq, paléoanthropologue et maître de conférences au Collège de France.

La classification de Carl Von Linné en 1758 est profondément anthropocentrique. L’émergence des théories évolutionnistes vont mettre à mal cette suprématie.

La médecine évolutionniste
Le physicien Erasmus Darwin, grand-père du naturaliste Charles Darwin, est le premier vers 1760 à proposer une classification systématique des maladies et à s’intéresser à la transformation des espèces. Au cours des deux derniers siècles, l'humanité a accumulé les progrès culturels, scientifiques et techniques mais la médecine et l’évolution cohabitent assez peu. Dans leur livre, « Pourquoi tombons-nous malades ? », paru en 1994, Randolph Nesse et Georges Williams montrent que les maladies humaines répondent à deux types d’explications : la première liée au fonctionnement de l’organisme, la deuxième à l’évolution (Pourquoi attrapons nous certaines maladies et pas d’autres ?). La médecine évolutionniste permet de mieux comprendre les maladies, leurs origines et leurs histoires. Cette connaissance du pourquoi, c’est la coévolution : un « bricolage génétique » qui a provoqué un choc lors de la découverte de la présence d’ADN Néanderthaliens et Dénisoviens dans notre patrimoine génétique. Pendant des millions d’années la lignée humaine s’est adaptée à tous les milieux. Depuis 10000 ans les agriculteurs ont sélectionné des variétés végétales, domestiqué des espèces animales dans différentes parties du monde. Ce choix culturel de nos ancêtres a entrainé un changement dans notre génome. Au Proche Orient, la confrontation des gènes due au contact avec les animaux (chiens, canards etc.) a vu apparaitre les maladies infantiles. Notre mode de vie a eu une conséquence sur la sélection de nos gènes : dans le Nord, les peuples éleveurs venant d’Ukraine, buvant du lait, donnent une population moins sujette à l’intolérance lactée. La  disparition massive des Amérindiens lors des invasions européennes est essentiellement due au choc immunologique (pas de coévolution avec certains germes). Mais aussi, la proximité d’hommes (écotourisme) avec des chimpanzés augmente les risques de poliomyélite et menace l’espèce. Nous vivons sur des adaptations du passé, ce qui a fait notre succès, mais ne suffit pas pour s’adapter au monde que nous bouleversons.
Aujourd’hui nous savons que l’environnement modifie certaines maladies (approche One Health). La présence animale ralentit l’évolution de certaines maladies neurologiques dégénératives (Intérêt des animaux chez les personnes âgées). Dans les expérimentations, le bien-être animal est indispensable pour la fiabilité des résultats. Il faut nous dégager du complexe de supériorité que nous entretenons avec les animaux et reconnaitre l’existence de multiples intelligences.

Dans une approche One Health, il faut aussi considérer le rapport Homme / Machine. En 2007 Steve Job disait : « I’m going to change the world » mais il n’a jamais dit comment. Grâce à l’informatique et l’intelligence artificielle, l’humanité est entrée dans un monde où l’on peut trouver des solutions « dont on ne connait pas les problèmes ». C’est un mode Darwinien. Si ces nouveautés ne sont pas retenues ce n’est pas grave, si elles le sont, tout peut changer. L’inquiétude par rapport aux robots vient d’un héritage qui focalise sa pensée sur le risque d’un dépassement, voire d’une domination de l’Homme par une machine échappant à son créateur et évoluant par elle-même. C’est le propos par exemple de 2001, l’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick) sorti en 1968, la même année que La Planète des singes (Franklin Schaffner). Dans ces deux œuvres, il est question de la chute de l’humanité. A quand un film où les machines s’allient aux animaux ?

Adaptations et maladaptations
Le corps humain est une mosaïque où se mêlent les adaptations mais aussi les maladaptations (obésité, maladie de Crohn des Néanderthaliens). Désormais cette plasticité est confrontée à la pollution, la perte d’activité physique, les allergies (par concentrations extrêmes de certaines espèces végétales). L’évolution ce n’est pas que le passé, mais la descendance avec modification. Nous continuons donc à coévoluer avec les autres organismes vivants notamment les plus infimes (microbiote).
Du sevrage en passant par les choix alimentaires, les individus distincts par leurs gènes construisent des réponses différentes aux maladies avec des sensibilités variables : c’est la coévolution. Avec les innovations techniques et culturelles, une autre coévolution agit en modifiant l’expression des gènes, de la morphologie et de la physiologie. « La médecine évolutionniste nous enseigne qu'il vaut mieux coévoluer avec des maladies que l'on sait soigner que de les éradiquer au risque d'en favoriser d'autres. »

Prix de thèses vétérinaires 2019 
Cette soirée a été l'occasion de remettre 4 prix de thèses vétérinaires 2019 en partenariat avec GPM Vétérinaires et le Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL). Les lauréats ont reçu chacun un chèque de 1 500 €. Il s’agit de :

« Etude de l’efficacité du gel thermoréversible  sur la prévention des ulcères cornéens chez les lapins de compagnie » par Marie Mélin. Après une étude rétrospective de la prévalence des ulcères cornéens périopératoires chez le lapin (21% après chirurgie), une étude a montré l’efficacité du gel.

« Echographie transabdominale des petites espèces d’équidés » par Noémie Paille. Cette thèse présentée par Tanguy Hermange permet d’établir une banque de données normales et met en évidence les différences significatives des aires de projection échographiques entre les petits équidés et le cheval.

« Le rôle crucial des effets membranaires du récepteur aux œstrogènes Er alpha dans la fonction ovarienne et la fertilité » par Lucile Sautier. Cette étude, réalisée avec des souris transgéniques, démontre les deux principales voies d’action des œstrogènes.

• « Le chien comme modèle des carcinomes épidermoïdes de la cavité orale de l’homme non fumeur et non buveur » présenté par Edouard Winckel. Cette thèse montre que le chien n’est pas un modèle pertinent pour des essais thérapeutiques  précliniques de la maladie humaine, cependant, elle permet une avancée majeure pour caractériser cette maladie chez le chien (épidémiologie, localisation, rapport différenciation et agressivité, caractérisation des infiltrats lymphoïdes et monocytaires).

Jean-Paul Delhom
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