Peste porcine africaine : un article de synthèse rappelle les difficultés de gestion de la maladie - Le Point Vétérinaire.fr

Peste porcine africaine : un article de synthèse rappelle les difficultés de gestion de la maladie

Tanit Halfon | 07.09.2020 à 17:58:58 |
porcs
© iStock-narvikk

Un article récemment publié dans la revue INRAE Productions Animales, revient sur les connaissances acquises sur le virus de la peste porcine africaine et sa dynamique de propagation. Il souligne notamment que « l’obtention d’un vaccin efficace et sécurisée ne semble pas atteignable sur du court terme. »

Que sait-on du virus de la peste porcine africaine (PPA) ? Un article, publié au mois d’août dans la revue INRAE Productions Animales, par deux chercheurs de l’Anses*, fait le point sur la maladie virale et ses perspectives de contrôle.

Un virus résistant

Un premier point d’importance est la complexité de la structure virale, et la résistance qui y est associée. Ce virus à ADN double-brin, de la famille des Asfarviridae, est ainsi composé de 3 "couches" externes : une membrane lipidique interne, puis une capside icosahédrique, et enfin une 2ième membrane lipidique externe. Côté résistance, elle est particulièrement marquée lorsque le virus se trouve « protégé » dans un milieu organique riche en protéines (viande, sang) : la survie peut être de plusieurs mois au congélateur ou jusqu’à 300 jours dans du jambon sec. Il présente aussi une grande résistance aux désinfections et à la chaleur, notamment si le nettoyage préalable n’a pas été fait correctement (élimination de la matière organique). Au final, il pourra être inactivé à 70°C pendant 30 minutes ou 56°C pendant 70 minutes.

Une clinique variable

Plusieurs formes cliniques sont possibles, suivant le degré de virulence des souches virales. On distingue ainsi des formes aiguës ou hyper-aiguës pouvant entrainer jusqu’à 100% de mortalité. La forme subaiguë induit une mortalité oscillant entre 30 et 70%. Dans les deux cas, les signes cliniques apparaissent généralement entre 4 et 5 jours post-infection. Enfin, il existe une forme chronique caractérisée par une faible mortalité et l’absence de lésions vasculaires. Parmi les signes cliniques décrits pour cette forme, on trouve les retards de croissance, les oedèmes des articulations et les ulcères dermiques.

En Europe, ces souches virales appartiennent à deux génotypes : le génotype I qui circule en Sardaigne, et le génotype II qui circule sur le continent. Pour comparaison, en Afrique, sont décrits 24 génotypes.

Une contagiosité modérée

Le virus de la PPA reste moins contagieux que celui de la peste porcine classique. Ainsi, à l’échelle d’une unité épidémiologique, la mortalité de départ apparaît faible, indépendamment du taux élevé de létalité. Pour illustrer le propos, les auteurs prennent l’exemple d’un élevage en Lettonie de 5000 porcs : « dans les premières semaines suivant l'infection, la mortalité liée à la peste porcine africaine n'a pas dépassé la mortalité habituelle et il a fallu plus d'un mois avant de soupçonner la présence de la maladie. » Dans le cas où les porcs présentent des signes cliniques (et donc des charges virales élevées dans toutes les sécrétions corporelles), ne sont pas euthanasiés et évoluent dans un environnement avec des « contacts étroits et fréquents avec d’autres porcs », la maladie apparaît comme très contagieuse. En cas de détection précoce et mise en place des mesures de lutte, la contagiosité sera faible.

Deux cycles épidémiologiques

Si des incursions en Europe avaient eu lieu dans le passé (en France, en 1964, 1967 et 1974), le retour de la maladie sur le continent remonte à 2007 avec une arrivée en Géorgie. Par la suite, il a été montré que la progression du virus depuis le Caucase vers la partie européenne de la Russie était majoritairement liée à des facteurs humains. Ainsi, entre 2008 et 2012, 73% des transmissions du virus au porc domestique avaient été liées à un facteur humain (transport d’animaux non contrôlés, distribution d’eaux grasse ou déchets de cuisine). Le contact avec des sangliers contaminés n’expliquait que 1,4% des transmissions.

En 2014, le virus arrive dans l’Union européenne avec des foyers surtout dans la faune sauvage en Lettonie, Lituanie, Pologne et Estonie. Mais à la différence de la Russie où était observée une transmission entre élevages, la diffusion du virus a été surtout liée à une pression d’infection importante au sein du compartiment sauvage et à des mesures insuffisantes de biosécurité.

Au final, deux cycles épidémiologiques coexistent, dominent dans certains pays, et participent à l’extension de la maladie sur le continent européen : le cycle domestique (infection des porcs d’élevage via d’autres porcs ou de la viande de porc contaminée), et le cycle  incluant le sanglier (transmission directe entre sangliers, ou indirecte via les cadavres de sangliers).

A noter qu’en Europe, les études ont montré que les espèces de tiques molles présentes ne sont pas compétentes pour la souche virale (comme cela est observé en Afrique), même constat pour les tiques dures. Par ailleurs, des doutes persistent sur une implication possible d’arthropodes piqueurs (Tabanidés, Stomox) en tant que vecteurs mécaniques mais les preuves manquent pour conforter cette hypothèse.

Une vaccination complexe

A ce jour, il n’existe pas de vaccin, et selon les auteurs, « plusieurs années seront probablement encore nécessaire avant d’obtenir un vaccin commercialisable », en raison  d’un manque de connaissance sur les mécanismes de la réponse immunitaire, et sur le génome viral. Par exemple, les gènes de virulence n’ont pas tous encore été identifiés. Par ailleurs, si à ce jour, les souches virales atténuées permettent d’induire une meilleure protection, elles se cultivent sur cellules primaires (et pas des lignées cellulaires propres à la production de vaccin), rendant impossible d’envisager à ce stade une production industrielle. De plus, les essais avec les souches atténuées n’ont pas encore abouti à des résultats satisfaisants puis il peut être observé des inflammations et oedèmes au niveau articulaire, impactant négativement la croissance des porcs, ou un pouvoir protecteur insuffisant.

En conclusion, les auteurs soulignent que le risque d’introduction en France existe toujours, « à tout instant », et « dans une zone qu’il est difficile de prévoir compte-tenu du caractère aléatoire de l’introduction à l’instar de ce qui s’st passé en Belgique. » La vigilance est donc de mise.

Pour consulter l’article, cliquez sur ce lien.

* Nicolas Rose, responsable de l’unité épidémiologie santé et bien-être, Marie-Frédérique Le Potier, responsable du laboratoire national de référence, au laboratoire Anses de Ploufragan.

Tanit Halfon
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