En juillet dernier, un arrêté a nommé pour cinq ans les membres du Comité national de réflexion éthique sur l'expérimentation animale. Nicolas Dudoignon, vice-président en charge de la protection animale au GIRCOR*, y est le représentant titulaire de la profession vétérinaire. Dans ce contexte, il revient sur le rôle du vétérinaire dans les laboratoires de recherche.
> Quelles sont les fonctions du vétérinaire en laboratoire de recherche ?
Tout établissement qui a recours à la recherche animale a l’obligation de contractualiser un vétérinaire qui suit l’état de santé des animaux, donne des conseils sur leurs soins et garantit leur bien-être. Généralement, il pratique l’anesthésie, la chirurgie, les soins, forme le personnel à certains gestes, etc. En tant que membre de comité d'éthique, il donne un avis sur les projets de recherche dans le cadre de l’évaluation éthique préalable à l’autorisation de projet. Au sein du laboratoire, il se prononce aussi sur le sort d’un animal après la procédure, c’est-à-dire sur son éligibilité à une adoption ou son utilisation dans une autre étude. Enfin, il peut être responsable de la pharmacie de l’établissement, évoluer sur un poste de responsable d’animalerie ou devenir chercheur.
> Le vétérinaire peut-il faire cesser une recherche en cas de problème ?
La réglementation en place n’autorise que des projets dont les points limites anticipés sont précisés à l’avance. Ce sont les signes cliniques et comportementaux qu’un animal peut présenter si son état de santé se dégrade et à partir desquels une intervention est requise. Les animaux sont observés chaque jour, ou plus, selon le protocole. Le vétérinaire peut former le personnel à détecter ces signes. Si un point limite est atteint, le vétérinaire et le responsable du projet définissent ensemble l’attitude à adopter. Une bonne communication et un sens du compromis sont nécessaires pour protéger l’animal tout en préservant l’objectif scientifique.
> Le Comité national de réflexion éthique sur l'expérimentation animale (CNREAA) a-t-il permis de faire évoluer le rôle de la profession vétérinaire en laboratoire ?
Oui, dans un premier temps, en donnant une place à la représentation des vétérinaires dans sa composition, et ceci, dès sa création en 2006, avant que les vétérinaires n’aient une place officielle dans les comités d’éthique de terrain (Art. R. 214-118 du code rural et de la pêche maritime suite au Décret** 2013-118 du 1er février 2013). Au-delà de la présence d’un représentant du « secteur vétérinaire », le CNREEA compte parmi ses membres d’autres vétérinaires, désignés par les associations professionnelles ou les organismes représentatifs des secteurs public et privé de la recherche. De plus, dans les recommandations qu’il émet, le Comité tient compte de l’avis des vétérinaires du domaine. A titre d’exemple, lorsqu’il a été question de proposer un protocole raffiné de prise en charge de l’analgésie et d’autres considérations relatives au bien-être des animaux pour la production d’anticorps monoclonaux par ascite chez la souris, j’ai consulté mes consœurs et confrères sur le choix des meilleures pratiques. Ceci, au même titre qu’un(e) vétérinaire intervient dans les discussions des comités d’éthique de terrain pour proposer les pratiques les plus respectueuses du comportement et de la santé, plus généralement du bien-être, des espèces animales utilisées à des fins scientifiques.
> Vous avez été nommé cette année représentant titulaire de la profession vétérinaire pour le Comité. Quel sera votre rôle?
Les représentants de notre profession sont choisis selon leur expérience et leur implication dans les comités d’éthiques. En ce qui me concerne, je m’intéresse particulièrement à la place des vétérinaires en laboratoire de recherche. Je milite pour une formation minimale, non requise actuellement en France, pour occuper un rôle de « vétérinaire désigné », voire une spécialisation*** qui peut être obtenue par validation des acquis de l’expérience. Le praticien doit pouvoir intégrer son métier à cet environnement particulier, pour les aspects éthiques, réglementaires, scientifiques ou pour les espèces ou pathologies peu connues du non spécialiste. Je souhaite également que le CNREEA donne aux comités d’éthiques des laboratoires des recommandations adaptées à l’évolution des pratiques expérimentales, et soit considéré, tous comme les comités d’éthiques de terrain, comme un guide qui délivre des conseils et non impose des contraintes.
* GIRCOR : Groupe Interprofessionnel de Réflexion et de Communication sur la Recherche.
** Le décret du 1er février 2013 a imposé la présence d’un comité d’éthique et d’un vétérinaire par laboratoire. Chaque comité d’éthique est en charge d’élaborer un règlement intérieur et remet un rapport annuel d’activité au CNREEA.
*** Il existe un Certificat d’études approfondies vétérinaires et un Diplôme d’études spécialisées vétérinaires de médecine des animaux de laboratoire, qui peuvent être obtenus par validation des acquis de l’expérience (http://www.envt.fr/ceavdesv-smal).
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Le CNREEA en bref :
- Créé par décret en 2005.
- En charge d’élaborer, de publier et d’actualiser une charte nationale portant sur l’éthique de l’expérimentation animale, et d’adresser des recommandations pour améliorer le bien-être des animaux utilisés à des fins scientifiques.
- Charte publiée en 2008 et révisée en 2014 après la parution du décret du 1er février 2013. Ce décret impose notamment la présence d’un comité d’éthique et d’un vétérinaire par laboratoire. Chaque comité d’éthique élabore un règlement intérieur et remet un rapport annuel d’activité au CNREEA.
- Elabore des guides de bonnes pratiques pour les comités d’éthiques des laboratoires.
- Composition : un président et 14 membres.
- Premiers membres nommés par décret le 7 juillet 2006. Président : André Parodi, professeur à l’école nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA).
- Renouvellement en 2019. Président : Pierre Mormède, directeur de recherche émérite de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) et membre de l’Académie vétérinaire de France ; représentants de la profession vétérinaire : Nicolas Dudoignon, titulaire, et Jean-Pierre Desfontis, professeur à Oniris, suppléant.