Les résultats d'une étude pilotée par le CHENE (Centre d’Hébergement et d’Étude sur la Nature et l’Environnement, Allouville-Bellefosse, Normandie) et le pôle EVAAS de VetAgro Sup (Expertise Vétérinaire et Agronomique Animaux Sauvages) visant à évaluer l'état des populations de hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus) en France, viennent d'être publiés.
"Aucune nouvelle maladie susceptible de représenter un risque pour la conservation de l'espèce hérisson d’Europe n'a pu être mise en évidence", selon les résultats d'une étude menée en 2019 par le pôle EVAAS de VetAgro Sup et trois autres Écoles nationales vétérinaires françaises (ENVT, Oniris et ENVA), le Laboratoire Départemental d’Analyse de Seine Maritime (LDA76), le laboratoire d’anatomopathologie Vet Diagnostics et les laboratoires de biologie médicale, toxicologie et parasitologie de VetAgro Sup.
Une hausse des admissions de hérissons au centre de soinsEn effet, cette espèce sauvage, familière à tous, est régulièrement perçue comme en déclin, générant une préoccupation vis-à-vis de sa conservation. C'est pourquoi, "s’inquiétant d’une augmentation des admissions de hérissons en centre de soins (progressivement à partir de 2012) et de la forte mortalité parmi les animaux admis, le CHENE a obtenu des financements de la région Normandie, du fonds européen FEADER et de la métropole de Rouen pour réaliser une étude de ces admissions et de cette mortalité". Face aux données recueillies au centre de soins entre 2006 et 2021, plusieurs hypothèses d'explication étaient envisagées comme l'augmentation de la fréquence des maladies, une meilleure sensibilisation de la population locale à la protection des animaux ou l'augmentation de l'effectif local de hérisson. C'est pourquoi, dans le cadre de ce projet, les causes de mortalité des 174 hérissons admis et décédés au CHENE ont été étudiées. Ainsi, ils ont fait l’objet d’une analyse histologique (analyse de la structure microscopique des tissus) et d’investigations bactériologique, parasitologique et hématologique. Des recherches toxicologiques ont aussi été entreprises pour détecter la présence de pesticides (insecticides, herbicides, fongicides), de rodenticides anticoagulants (produits conçus pour lutter contre les rongeurs) et de certains métaux lourds (cuivre, cadmium, plomb), et déterminer leur rôle possible dans les maladies et la mortalité.
Des causes de mortalité identifiéesLorsque la cause de la mort a pu être identifiée, elle était le plus souvent liée à une infection bactérienne (Salmonella enteritidis ou Corynebacterium ulcerans par exemple), en particulier chez les animaux jeunes, selon les auteurs de l'étude. En revanche, aucune infection virale n’a été détectée. La deuxième cause de mortalité la plus fréquemment identifiée était les traumatismes, causés par les collisions routières ou les activités agricoles, ainsi que le manque de ressources alimentaires (état de dénutrition avancé). Les analyses toxicologiques ont mis en évidence que les hérissons sont fréquemment exposés à trois contaminants : le cadmium (90 %), le plomb (79 %) et les rodenticides anticoagulants (43 %). Il faut noter qu’aucune exposition aux pesticides n’a été mise en évidence et que le rôle des expositions détectées sur la santé des animaux n’est pas établi car aucune information n’existe sur la toxicité de ces polluants chez le hérisson. Dans cette étude, seuls de rares cas suggèrent qu’une intoxication serait la cause principale de la mort des animaux. De même, les hérissons sont fréquemment infestés par des parasites classiquement décrits chez cette espèce (Crenosoma sp., Capillaria sp.) mais aussi par des parasites plus rares comme la Douve du hérisson (Brachylaemus erinaceus).
Vers une étude plus globale ?Comme le concluent les auteurs de cette étude, la mortalité élevée des animaux, ne semble pas s'expliquer par la présence de nouvelles maladies susceptibles de représenter un risque pour la conservation de l'espèce. Toutefois, selon eux, "ces résultats soulignent la nécessité de disposer de davantage d’informations à l’échelle nationale, voire européenne, en s’intéressant non seulement aux animaux accueillis dans les centres de soins mais aussi à la démographie des populations sauvages". A cet égard, lors de la réunion bilan du projet du 21 juin 2022, le comité scientifique du projet a proposé plusieurs recommandations pour de futurs travaux, comme l'uniformisation de la nomenclature des causes d’admissions et de mortalité dans les centres de soins au niveau national; l'étude approfondie de l’impact des toxiques sur l’immunité des animaux et leur sensibilité aux infections; l'étude des aspects démographiques de l'espèce et enfin l'étude primordiale des aspects sociologiques.