La bactérie a été détectée dans l’urine d'un chat ne présentant qu’une bactériurie subclinique. C’est la première fois qu’un cas chez un chat domestique est signalé en Europe.
Un article récemment publié dans Veterinary research rapporte pour la première fois en Europe, un cas de tularémie chez un chat domestique.
Il s’agit d’un chat de 9 ans avec accès à l’extérieur, qui avait été présenté en mars 2019 à l’hôpital universitaire vétérinaire de Bern pour un suivi clinique, lié à la pose d’un SUB (subcutaneous ureteral bypass) 4 ans plus tôt. Le chat était à un stade 3 d’insuffisance rénale chronique (classification IRIS – International renal interest society).
C’est l’analyse urinaire qui a permis de poser le diagnostic, avec une mise en culture qui a révélé au bout de 96 heures la présence de Francisella tularensis, ce qui a été confirmé ensuite par une analyse PCR. A l’examen clinique, le seul élément marquant était une perte de poids de 430 grammes en 3 mois. De plus, l’analyse urinaire effectuée en clinique, avait révélé une hématurie et pyurie.
Une analyse génétique a montré que la souche bactérienne correspondait à la sous-espèce holarctica, qui est décrite en Europe. De plus, cette souche était très proche d’une autre souche isolée le même mois sur un lièvre dans une région géographique voisine.
Pour les auteurs, le chat s’est probablement contaminé par voie orale, via la consommation d’un petit rongeur, une hypothèse confortée par le fait que le chat était décrit comme un chasseur actif. Néanmoins, une transmission vectorielle, via la morsure de tiques, ne peut être exclue.
Pour traitement, le chat a reçu de la doxycycline pendant 3 semaines, suivi quelques semaines plus tard, d’un deuxième traitement similaire pendant une période cette fois-ci de 2 mois du fait d'une positivité persistante à la PCR. Les auteurs estiment que cette persistance pouvait être liée à un portage de matériel bactérien inerte dans le dispositif de SUB.
Une forme inhabituelle
Cette présentation clinique - bactériurie subclinique- est inhabituelle. En effet, la littérature décrit plutôt une maladie systémique avec de la fièvre, de l’apathie, une lymphadénopathie, une spléno-hépatomégalie, et des ulcères de la cavité buccale. Par ailleurs, il n’était pas connu que l’affection pouvait uniquement être associée à une infection du tractus urinaire.
Jusqu’à présent, la grande majorité des cas en Europe concernent des carnivores de la faune sauvage, à savoir une fouine en Suisse en 2012, et un renard roux en 2008 puis un chien viverrin en 2012 en Allemagne. Néanmoins, un cas sur un chien de chasse avait été signalé en 2014 en Norvège, et lui, comme son propriétaire, avaient développé une forme clinique. Les deux avaient été en contact avec un lièvre infecté. Par ailleurs, une étude de 2018 a révélé une séroprévalence de 6% dans la population de chiens de chasse en Autriche, la majorité des animaux étant asymptomatiques. Outre-Atlantique, en Amérique du nord, la maladie avait déjà été détectée de manière sporadique sur des chats. Ceci dit, les auteurs soulignent également que des cas humains de tularémie ont été rapportés à la suite de morsures de chats, suggérant que des cas sur des félins pourraient avoir été non diagnostiqués.
Pour les auteurs, ce défaut de diagnostic peut être lié aux méthodes de laboratoire qui n’incluent de manière standard pas la détection de F. tularensis, mais aussi du fait d’un temps de croissance plus long de la bactérie, par rapport aux autres germes urinaires. Pourtant, pour les auteurs, le portage de ce pathogène dans l’urine « fait prendre un risque considérable » pour les êtres humains en contact, comme le propriétaire ou le personnel des structures vétérinaires. Ils estiment donc qu’il faudrait faire évoluer les outils de laboratoire.
Pour rappel, la tularémie est une maladie zoonotique causée par la bactérie Francisella tularensis, avec deux sous-espèces majoritaires tularensis très virulent et rapportée en Amérique du nord, et holarctica moins virulente, et la seule sous-espèce présente en Europe. Le réservoir de la bactérie est constitué de mammifères sauvages type campagnols, mulots…mais aussi des tiques (Ixodidés). Le lièvre, s’il est souvent impliqué dans la transmission à l’être humain, n’est pas considéré comme un réservoir. Les lièvres et les tiques sont les principaux vecteurs de la maladie chez l’Homme. Les animaux domestiques, comme les chats et chiens, sont des hôtes accidentels.
La maladie est considérée comme un danger sanitaire de deuxième catégorie pour les espèces animales en France.
Pour consulter l’article, cliquez sur ce lien.