Les difficultés que posent l’épidémie actuelle rappellent qu’on ne peut casser les chaînes de transmission d’un virus qu’en devenant capable de traquer sa circulation.
Si le contact tracing qui va être mis en place tentera, grâce à nos données de géolocalisation, de remonter les pistes de contamination, il ne faudra pas oublier, à l’avenir, d’augmenter nos moyens d’investigation zoologique pour détecter plus précocement les porteurs animaux qui en sont potentiellement à la source.
L’art subtil de la filature virale rappelle celui du pistage des chasseurs cueilleurs que l’anthropologue Louis Liebenberg décrit dans The Origin of Science* (2013) comme une activité de formulations d’hypothèses et d’interprétations de signes où la science aurait puisé ses racines. Spécialiste de ce savoir-faire millénaire, le chercheur sud-africain a contribué à le sauvegarder en l’impliquant dans la protection de la faune. Il a pour cela conçu un outil informatique permettant aux bushmen du Kalahari, analphabètes, d’enregistrer leurs observations d’animaux. Nommée CyberTracker, l’application, disponible gratuitement, a depuis largement étendu ses usages. Le projet débuté en 1994 par Liebenberg inclut par ailleurs la formation et la certification de pisteurs à travers le monde. En France, où il n’existe pas encore de pisteurs certifiés, stages et évaluations sont désormais proposés**. Une piste, peut-être, pour nos prochaines vacances hexagonales. Paru en 2013 chez Delachaux, le guide de Lars-Henrik Olsen reste un très bon ouvrage de référence pour une pratique autodidacte de cet art de traduire, de penser, de cohabiter et de voir l’invisible qu’est le pistage.
* L’eBook du livre, en anglais, est téléchargeable gratuitement, ainsi que d’autres ouvrages de l’auteur.
** Ces formations et évaluations sont encadrées par Cybertracker France
Guide Delachaux des traces d’animaux de Lars-Henrik Olsen, éditions Delachaux et Niestlé, 15,5 x 23 cm, 276 pages, 30 €.