Un cas d’importation illégale d’un chaton agite la Belgique - Le Point Vétérinaire.fr

Un cas d’importation illégale d’un chaton agite la Belgique

Tanit Halfon | 25.05.2020 à 15:52:14 |
chaton
© iStock-LisaValder

L’animal a été adopté par une étudiante belge dans un bar à chats à Cuzco. Les autorités sanitaires belges demandent son euthanasie, « étant donné l’historique incertain du chat, le fait que le Pérou soit un pays à haut risque pour la rage, et que, pour ce chat, aucune preuve formelle d’une protection contre la rage n’a pu être présentée. »

Depuis quelques semaines, en Belgique, un chaton est au centre des toutes les attentions. Rapatrié illégalement début avril du Pérou, dans le contexte de crise Covid-19, par une jeune étudiante belge, Séléna Ali, en stage à Cuzco, il fait l’objet quelques semaines plus tard, d’une demande d’euthanasie par l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca). Ce qu’a contesté catégoriquement sa propriétaire qui, depuis, cache l’animal, et a reçu le soutien de milliers de citoyens, de l’association de protection animale Gaia, et de Ben Weyts, le ministre flamand en charge du bien-être animal.

Un rapatriement dans l’urgence

La décision d’euthanasie est motivée par plusieurs points.

Tout d’abord, si le chaton a bien été vacciné contre la rage par sa nouvelle propriétaire, le titrage anti-rabique, lui, n’a pas été réalisé. En cas d’importation d’un carnivore domestique d’un pays tiers au sein de l’Union européenne, un titrage sérique des anticorps antirabiques doit, en effet, se faire au moins 3 mois avant importation d’un animal, et un mois après vaccination rage, un délai impossible à tenir dans le cadre de ce rapatriement en urgence, la vaccination rage ayant été pratiquée fin mars.

Au-delà de la réglementation, l’animal a été adopté dans un « bar à chats » local, et son historique n’est pas connu. Et comme l’avait indiqué l’Afsca dans un communiqué, « ces dernières années, le Pérou a connu une augmentation du nombre de cas de rage dans différentes régions du pays. Rien que pour la région de Cuzco, d'où est originaire l'animal, la presse locale a fait état, en août 2019, de 5 cas de rage. »

Ce contexte, associé aux inconnues sur l’historique et le statut sanitaire du chat, a amené l’Agence à demander une euthanasie.

Une propriétaire informée

En outre, selon l’Afsca, la propriétaire avait bien été informée du risque encouru pour l’animal, ainsi que pour les personnes en contact, en cas d’importation de l’animal. Plusieurs solutions alternatives lui avaient alors été proposées, toutes ignorées par l’étudiante selon l’Agence : faire garder le chat temporairement par un ami, par le bar à chats…le temps que le délai des 3 mois soient écoulés. « Pour l’AFSCA aussi, l’euthanasie des animaux doit toujours être la dernière option. C'est pour cela que la propriétaire a été clairement informée avant son départ que le chat n'était pas autorisé à être importé en Belgique. Elle a elle-même pris la responsabilité de le faire, tout en étant consciente des conséquences, a ainsi déclaré Philippe Houdart, responsable de la prévention et de la sensibilisation et vétérinaire à l’Afsca, dans un communiqué. Nous sommes ici absolument convaincus qu'il existe un réel danger que cet animal développe la rage et qu’il pourrait y avoir des victimes. Dans les circonstances actuelles, l’euthanasie est la seule option pour nous, même si nous le regrettons. »

Un soutien vétérinaire

Pour la propriétaire, cette décision n’est pas acceptable d’autant qu’elle affirme qu’elle avait reçu une autorisation de l’ambassade de Belgique au Pérou, pour voyager avec son chaton, ce que contredisant les communiqués de l’Afsca à ce sujet. Parole contre parole donc, dans cette affaire, qui a pris une tournure médiatique. Plusieurs articles de presse grand public parlent ainsi de l’affaire du chat, et la propriétaire a déjà récolté quelques 57 000 soutiens dans une pétition en ligne, sans compter le soutien des associations de protection animale comme Gaia. Cette dernière indique d’ailleurs sur son site qu’un titrage sérique avait été effectué peu après l’arrivée de l’animal en Belgique, par le laboratoire national de référence pour la rage (Sciensano Bruxelles). Sollicité par nos soins pour avoir plus détails, l’association Gaia nous a transmis des documents qu’elle a l’intention de diffuser demain via communiqué de presse, parmi lesquels deux lettres de vétérinaires belges. La première est d’un vétérinaire ayant examiné le chat le 19 mai, sur demande d’Anthony Godfroid, avocat de longue date de l’association Gaia, lequel a été engagé par la propriétaire du chaton. Le vétérinaire, ancien responsable du département de diagnostic des maladies virales des carnivores domestiques (laboratoire LAMA), déclare que l’examen clinique du chat est normal. De plus, il précise la teneur des documents qu’il a pu consulter : le chaton a été vacciné contre la rage le 24 mars au Pérou (Nobivac) après l’âge de 4 mois, le chat a été contrôlé par un vétérinaire à l’arrivée en Belgique le 28 avril, qui a effectué une prise de sang pour titrage antirabique. Le résultat est supérieur à 10UI/ml (seuil réglementaire 0,5). Sa conclusion est que près de deux mois et demi après son arrivée, le risque « d’être porteur de la rage est infime - voire inexistant ». Une conclusion confortée par une 2ième lettre, cette fois-ci de l’ancien responsable de l’Unité rage à Sciensano qui affirme que si le chat avait été contaminé avant son acquisition, « il serait fort probablement déjà mort des suites de la rage, avec ou sans vaccination. » Il ajoute : « la décision d’euthanasie l’animal m’apparaît trop radicale et démesurée. »

Une procédure judiciaire en cours

L’affaire est devenue politique aussi, et le ministre flamand en charge du Bien-être animal, Ben Weyts, a estimé que l’euthanasie n’était pas nécessaire et même illégale, citant la législation européenne qui dit qu’avant d’envisager l’euthanasie, il faut d’abord essayer de renvoyer l’animal dans son pays d’origine puis, si impossible, le placer en quarantaine. Il a été rappelé aussitôt à l’ordre par le ministre fédéral Denis Ducarme, soulignant que le Conseil d’Etat, sollicité par l’avocat Anthony Godfroid, avait donné raison à l’Afsca dans sa prise de décision d’euthanasie. Contexte covid-19 oblige, un renvoi de l’animal au Pérou était impossible, une quarantaine non plus, la Belgique ne disposant pas d’établissements agréés de quarantaine. Cette affaire est encore allée plus loin puisque l’Afsca a désormais entamé une procédure en justice au tribunal d’Anvers. La propriétaire encourt une amende de 5000 euros par heure, tant que le chaton n’est pas remis aux autorités sanitaires. Le verdict sera rendu le 29 mai. Mais un nouveau rebondissement pourrait avoir lieu puisqu’avec l’assouplissement des mesures de confinement, l’Afsca nous a indiqué de nouveau contacter ses homologues du Pérou, pour discuter d’un éventuel renvoi de l’animal. Une réponse est attendue d’ici une semaine. En attendant, le chat, lui, est toujours introuvable.

Ceci étant-dit, cette affaire aurait pu ne jamais voir le jour. En effet, c’est via les médias que l’Afsca a appris l’existence du chaton. La jeune étudiante y est particulièrement active car candidate à l’élection de miss Belgique, et elle avait ainsi parlé de son jeune animal dans une interview. En outre, à son arrivée en Belgique, elle n’avait eu à subir aucun contrôle de la part des Douanes.

Tanit Halfon
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