Il vise à objectiver les mesures efficaces de prévention qui seraient à mettre en oeuvre sur le territoire. La sensibilisation et l'information des apiculteurs y occupe une place centrale.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de rendre publique un nouvel avis sur la gestion du petit coléoptère des ruches, ou Aethina tumida, sur l’île de La Réunion. Ce n’est pas le premier avis que l’Agence rend sur le sujet. Depuis la découverte du premier foyer sur l’île en juillet 2022, l’Agence avait été sollicité plusieurs fois à propos des mesures de lutte à mettre en place. Au départ, la stratégie visée était celle de l’éradication, la Réunion étant jusqu’alors indemne. Mais cela a finalement évolué vers l’option du « vivre avec » dans la zone de Saint-Philippe, sous la pression des organisations professionnelles apicoles.
Dans ce contexte, l’objectif du nouvel avis, en date du 28 décembre 2023, est d’ « identifier les méthodes et proposer des stratégies de prévention actualisées vis-à-vis du petit coléoptère des ruches, sur la base d’une revue bibliographique. »
Surveillance et bonnes pratiques apicolesPremier axe de prévention : la surveillance. L’Agence recommande de s’appuyer sur un réseau de ruchers sentinelles, qui est l’option « la meilleure et la plus économique, à placer à des endroits stratégiques du territoire. Cela peut être les lieux d’importation comme les ports, mais aussi les sites où avaient été détectés des foyers. S’ajoute aussi la surveillance des ruchers, avec l’inspection visuelle qui est identifiée comme la méthode de choix à ce jour. Mais cela pourrait évoluer avec des nouveaux outils de détection comme l’analyse par PCR de matrices (miel, débris de ruche, écouvillons), qui doivent encore être validés. En cas de détection, il faudrait en passer par l’établissement de zones de protection.
Deuxième axe de prévention : la gestion de l’état de santé des colonies. En effet, comme l’indique l’Agence, « une des règles les plus importantes pour prévenir l’impact d’A. tumida est d’avoir des colonies fortes et en bonne santé ». Dans cette optique, plusieurs recommandations de bonnes pratiques apicoles sont faites, incluant aussi des mesures de biosécurité pour les mielleries. Par ailleurs, il est possible d’utiliser des pièges pour gérer le niveau d’infestation, afin de contrôler les conséquences de son impact sur les colonies. Ces pièges, toutefois, restent encore à améliorer, tant pour l’efficacité de surveillance (attractivité) que pour la gestion du coléoptère dans les ruches touchées. Ce qui est certain, par contre, est que des pièges avec des lingettes en microfibres synthétiques sont à proscrire, du fait des résidus de microplastiques qu’ils laissent dans les ruches pouvant impacter la santé des abeilles tout comme la qualité du miel.
Adapter les mesures aux spécificités de l'apiculture réunionnaiseL’Agence rappelle aussi que les produits insecticides sont interdits. Enfin, il faudra bien respecter les protocoles d’assainissement des matériel et matrices apicole afin d’éviter toute diffusion du coléoptère.
Dernier axe de prévention : le contrôle des échanges pour éviter l’introduction dans d’autres territoires français encore indemnes. Cela passe d’une part par une sensibilisation des professionnels au risque de diffusion lié au transport, et le cadre réglementaire le régissant. Mais aussi par des mesures plus opérationnelles comme la recherche de colonies d’abeilles dans les containers et les bateaux au départ de La Réunion, la mise en place de dispositif de vigilance autour des zones d’importation de marchandises au niveau international et aux frontières (par exemple des ruchers sentinelles), et enfin l’interdiction d’importer de la cire d’abeille issue de territoires infestés.
De manière générale, il ressort deux éléments particulièrement saillants : d’une part, la formation et sensibilisation des apiculteurs, à la Réunion, mais aussi dans les autres territoires français indemnes. D’autre part, l’adaptation des stratégies de lutte aux réalités des pratiques de l’apiculture réunionnaise (conduite d’élevage, sous-espèce d’abeilles, climat…).
Des travaux de recherche seraient à poursuivre pour améliorer tous ces points. Dans cette optique, l’Agence recommandent de poursuivre les travaux d’analyses phylogéniques pour « mieux comprendre l’origine des cas d’introduction, et ainsi de mettre en place des mesures de prévention ciblées sur ces risques. ». De plus, de faire des études sur la dispersion du coléoptère (modélisation, études génétiques) pour « mieux raisonner les stratégies de gestion en cas d’introduction. Ces travaux nécessitent une bonne connaissance de la biologie d’A. tumida, des caractéristiques de l’apiculture au niveau local (emplacements des ruchers et zones de transhumance notamment) et du réservoir sauvage local, qui restera néanmoins difficile à maîtriser. »