Sur demande des ministères de l’Agriculture et de la Santé, l’Agence a évalué les risques panzootiques et pandémiques liés aux virus influenza en élevage porcin. Plusieurs leviers ont été identifiés pour mieux contrôler ces risques. Parmi eux, a été rappelée l'importance de la vaccination des professionnels des élevages contre la grippe saisonnière, pour réduire tout possibilité de réassortiment viral en cas de co-infections du porc.
En novembre 2021, les ministères de l'Agriculture et de la Santé ont sollicité l'expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur les risques sanitaires liés aux virus influenza dans les élevages porcins de France continentale (Corse inclus). Les conclusions de cette saisine, viennent d’être rendues publiques.
Plusieurs questions avaient été posées : évaluer le risque d’introduction des virus influenza dans la population porcine ; évaluer les facteurs favorisant leur persistance ; évaluer le risque d’émergence d’un virus influenza porcin ayant un caractère zoonotique, panzootique et/ou pandémique marqué ; évaluer le risque de transmission de virus influenza porcins à l’humain ; et enfin formuler des recommandations pour la détection précoce de souches problématiques pour les santés animale et humaine.
Combiner biosécurité et mesures structurellesSelon les experts, ce sont les porcs vivants qui sont « la source de plus forte probabilité » pour l’introduction des virus porcins en élevage. La diffusion étant rendue ensuite possible via les mouvements d’animaux entre élevages et territoires géographiques. Face à ces constats, limiter l’introduction virale implique tout d’abord d’appliquer les mesures de biosécurité, notamment la quarantaine des porcs nouvellement introduit. Les experts estiment aussi qu’une mesure de dépistage avant mouvement pourrait être utile.
Les humains « sont également une source de forte probabilité d’introduction de virus influenza dans les élevages porcins ». Pour l’éviter, les experts soulignent l’importance ici aussi de mesures de biosécurité : éviter que des personnes présentant des signes cliniques de grippe rentrent dans les élevages ; porter un masque en cas de doute ou si l’entourage est infecté ; et aussi se vacciner contre la grippe saisonnière. Cette vaccination des professionnels pouvant être exposés à des virus influenza porcin (et aussi aviaireà avait déjà été évoquée par la Haute autorité de santé en 2022, et inclut officiellement dans la stratégie vaccinale contre la grippe saisonnière. Se vacciner permet d’une part d’éviter de transmettre ses propres virus aux porcs, et en particulier d’éviter alors le phénomène de réassortiment viral en cas de co-infections du porc avec le risque d'émergence d'un virus pandémique.
Le risque de persistance du virus, lui, apparaît lié à plusieurs facteurs, y compris structurels en lien avec les modalités de l’élevage. Ainsi, cela dépend de facteurs virologiques (diversité des souches), immunologiques (protection partielle par l’immunité maternelle), de la conduite d’élevage (intervalle inter-bandes court…) et de la structure des bâtiments (circuits d’air, mouvements d’animaux). « Les moyens de lutte associent donc nécessairement un ensemble de mesures à adapter (….) liées à la conduite d’élevage, à la biosécurité et aux contrôles des flux d’air afin d’empêcher la recirculation des virus ». Dans ce cadre, « parmi les mesures testées, l’externalisation de bandes entières au sevrage a été montrée comme la plus efficace », précisent les experts, mais elle s’avère très complexe à appliquer sur le terrain.
Accentuer la surveillance et la rechercheConcernant le risque zoonotique, les experts rappellent bien que « tous les virus influenza porcin, y compris ceux qui circulent en France, sont des agents pathogènes à potentiel zoonotique, quel que soit leur génotype », les personnes les plus exposées, càd les professionnels, étant les plus à risque d’être contaminées. A ce jour, les cas de transmission à l’humain restent sporadiques et surtout sans éléments suggérant de transmission interhumaine ; en France, le seul détecté date de 2021. Toutefois, « il est possible que des cas ne soient pas détectés en raison d’une insuffisance de la surveillance à l’interface animal/être humain ». De fait, les experts recommandent de renforcer la surveillance événementielle chez le porc et l’humain. Le réseau Résavip est particulièrement mis en avant. La surveillance active serait également à renforcer tant chez le porc que l’humain : il serait notamment question d’envisager des enquêtes sérologiques chez les populations de porcs et les populations professionnellement exposée aux porcs. De plus, les experts recommandent d’impliquer les laboratoires de diagnostic vétérinaire car « ils sont équipés de façon à pouvoir travailler sur des grandes quantités de prélèvements, ce qui n’est pas le cas en médecine humaine ». L’Agence estime aussi intéressant d’étendre à la grippe porcine le protocole SAGA (Surveillance Active de la Grippe Aviaire), qui vise à détecter précocement des cas de transmission de l’animal à l’humain. Les experts évoquent également la nécessité de définir des seuils d’alerte pour l’émergence et/ou la transmission sur le territoire de virus influenza porcin à potentiel épidémique/pandémique. Enfin, il apparaît central d'encourager la recherche.