Il est notamment mis en lumière l’impact majeur de l’épizootie 2021-2022. 40 recommandations sont préconisées, avec des mesures de court et de long terme.
La Commission des affaires économiques s’est penchée sur les crises successives d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), sur proposition du groupe Ecologiste. Cela a abouti à un rapport très dense, d’environ 160 pages, qui vient d’être rendu public sur le site de l’Assemblée. Les députés Philippe Bolo (Maine-et-Loire, MoDem et Indépendants) et Charles Fournier (Indre-et-Loire, Ecologie – NUPES) en sont les deux rapporteurs. En plus des habituelles auditions, les députés ont aussi effectué quatre déplacements sur le terrain (Deux-Sèvres, Vendée, Indre-et-Loire, Maine-et-Loire) au cours desquels ils ont pu échanger avec de très nombreuses autres personnes.
« Des défaillances importantes » de gestion de criseCe rapport tire le bilan des épizooties successives d’IAHP, avec un focus particulier à partir de 2021, année à partir de laquelle les crises ont pris une tournure inédite par leur ampleur en France et dans le monde : comme il est souligné, le nombre de foyers domestiques est passé de 82 en 2016-2017, à 492 en 2020-2021 puis à 1378 en 2021-2022, ce qui est un record historique. De plus, les crises s’allongent dans la durée avec un « tournant » depuis le premier trimestre 2022 dans la dynamique de circulation virale « laissant craindre que l’influenza aviaire ne devienne endémique ».
En face de cette dynamique virale, le bilan fait de la gestion des crises est sévère : il est constaté que ni les politiques sanitaires ni les mobilisations très fortes des parties prenantes n’ont permis de contrôler l’épizootie, avec des « défaillances importantes », en particulier « sur les conditions de mise à mort et de traitement des cadavres ». Pour la mise à mort en particulier, les méthodes employées ont pu être très controversées du point de vue du bien-être animal et pour la biosécurité. A ce sujet, un témoignage dans le rapport est particulièrement glaçant avec un éleveur qui doit prendre la responsabilité de couper la ventilation de ses bâtiments d’élevage pour asphyxier ses animaux, les services de l’Etat étant débordés pour gérer le foyer rapidement.
A tout cela s’ajoute un bilan financier assez catastrophique : pour la période 2021-2022, les pertes économiques sont estimées à 1,1 milliard d’euros environ (=montant des indemnisations sanitaires et économiques).
40 recommandationsAu-delà du bilan, ce rapport parlementaire liste 40 recommandations, avec des mesures de court terme pour améliorer la prévention et la gestion de crise, et surtout des mesures de long terme pour arriver à des filières « résilientes et durables ». Parmi les mesures de court terme, les députés posent ouvertement la question de la pertinence de la mise à l’abri pour les éleveurs plein air. Notamment, il est indiqué que face « aux controverses et incertitudes actuelles », il apparaît un « besoin fondamental d’accroître les recherches pour objectiver le rôle des élevages plein air en matière de diffusion du virus ». Plusieurs recommandations concernent les méthodes de mise à mort et de gestion des cadavres. La vaccination est aussi abordée : dans ce cadre, est mis en lumière le fait qu’elle doit être fait par un vétérinaire, « ce qui paraît très délicat en l’état du maillage vétérinaire dans de nombreux départements ». Dans ce contexte, les rapporteurs recommandent que si les conditions ne sont pas réunies pour vacciner de manière optimale, il faudra autoriser d’autres acteurs que les vétérinaires à le faire.
Quel élevage pour demain?Enfin, le plus grand nombre de recommandations concerne les actions à mettre en œuvre sur le long terme, la question de fond posée étant le modèle souhaitable pour l’élevage de demain. Dans ce cadre, les rapporteurs prennent position pour un modèle de production « différent du modèle intensif », ce dernier étant associé à « des risques importants en matière de biosécurité et contredit les aspirations citoyennes pour une agriculture plus durable et ancrée dans les territoires. » Pour eux, les modèles autarciques apparaissent comme particulièrement pertinent, « car limitant les mouvements d’animaux et de personnes » (et donc les risques de diffusion virale), et « il répond également aux attentes citoyennes en matière de circuit court et du respect du bien-être animal. » La question de la densité d’oiseaux est aussi soulevée.
Les députés ne font pas l’impasse du « One Health » : cette démarche « doit guider l’ensemble des politiques publiques conduites en matière de santé animale », écrivent-ils.
Face à toute cette complexité et ces enjeux d’avenir pour la souveraineté alimentaire, les députés proposent en dernière recommandation d’organiser des journées d’études, avec le ministre, « pour favoriser le dialogue et la recherche de solutions collectives ».
Pour aller plus loin, la vidéo de la présentation finale du rapport d’information aux membres de la Commission des affaires économiques est visible sur le site de l’Assemblée nationale.
Plus d'informations dans un prochain numéro.