Un rapport sur la lutte contre l’importation illégale de produits carnés et d’espèces protégées - Le Point Vétérinaire.fr

Un rapport sur la lutte contre l’importation illégale de produits carnés et d’espèces protégées

Tanit Halfon

| 12.06.2024 à 13:39:00 |
© iStock-onurdongel

Les agents des Douanes font face à un trafic qui ne semble pas diminuer en volume. Parmi les recommandations faites pour le limiter, il apparaît nécessaire de renforcer le travail en interministériel.

La protection sanitaire aux frontières mobilise plusieurs équipes de l’Etat dont le service des Douanes qui est aux premières loges pour restreindre l’importation illégale de produits carnés et d’animaux vivants.  Dans un contexte où les saisies sont en hausse, a été lancée une mission interministérielle * sur le sujet, dont les conclusions ont récemment été rendues publiques. La mission ne s’est pas penchée sur l’importation illégale d’animaux vivants eu égard des données « trop faibles ». Ceci dit, pour ce point, elle estime que l’enjeu n’est pas tant le risque sanitaire, mais « la préservation de la biodiversité et la maltraitance d’animaux déplacés de leurs milieux naturels pour une carrière de NAC (nouveaux animaux de compagnie) ».

Plusieurs enjeux

Selon le rapport, « la France, via les aéroports parisiens, serait un point d’entrée majeur ».  S’il est difficile d’estimer l’ampleur du trafic, les saisies de produits d’origine animale (viande, produits à base de lait, poissons, œufs…) faites par la douane restent stables en volume. Parmi les produits, la viande de brousse fait l’objet d’un focus particulier, du fait de « risques sanitaires réels », quand bien même les auteurs soulignent que « le risque principal de contamination survient dans le pays d’origine, au moment de la mise à mort, du transport et de la découpe du gibier ». De plus, « les modes de préparation et de consommation de la viande de brousse avec une cuisson prolongée et certains traitements de conservation (viande fumée ou boucanée) réduisent le risque de contamination par ingestion et expliquent peut-être qu’il n’y ait pas eu à ce jour de cas répertorié d’épidémie en Europe ayant pour origine la viande de brousse ». Ceci dit, « les agents pathogènes peuvent persister dans les tissus plusieurs jours ». Plusieurs pays d’Afrique sont associés à l’entrée illégale de viande de brousse. 

Au-delà de l’enjeu de santé publique, s’ajoutent des enjeux économiques et sociaux, en lien avec le risque d’épizootie, et des enjeux de conservation d’espèces. Pour le premier, les auteurs rappellent que l’épizootie de peste porcine africaine en 1980 à Haïti, était liée aux eaux grasses contaminées avec des restes de repas de compagnies aériennes, ce qui a provoqué l’éradication de tout le cheptel porcin du pays (entre 1,5 et 2 millions d’animaux).

Six recommandations

Pour les auteurs du rapport, « idéalement, c’est au niveau européen, voire international que cette question devrait être traitée (…) Toutefois, le temps long exigé pour des négociations à ces niveaux a conduit la mission à privilégier une réflexion à l’échelle nationale ». Dans ce cadre, six recommandations sont faites, avec des mesures « les plus opérationnelles et rapides dans leur exécution, tout en envisageant des actions de plus long terme ». Ces mesures se veulent faciles à mettre en œuvre, étant donné que c’est loin d’être la première fois que le sujet fait l’objet d’analyses et de recommandations, mais « qui n’ont été que peu ou pas mises en œuvre ».

Parmi les mesures, il est question d’inciter les compagnies aériennes à adhérer à une charte pour leur politique tarifaire des bagages, qui est actuellement incitative pour un 2e bagage, d’autant que le prix est largement compensé par la revente de produits interdits. Une mesure pour faciliter l’action des agents de douane est aussi mise en avant, dont l’aménagement de locaux adaptés pour la fouille de bagages qui se fait actuellement devant tous les autres passagers. Ce manque d’aménagement adapté pénalise aussi les suites, étant donné que les contrôles peuvent perturber le flux de passager. En pratique, les agents ont alors tendance généralement à seulement saisir les produits illégaux sans poursuites judiciaires ni pénalité financière. Une action de recherche serait aussi à mener pour mieux caractériser le trafic de viande de brousse d’un point de vue socio-économique, mais aussi sanitaire. Actuellement, en effet, les données sont peu nombreuses notamment en ce qui concerne le niveau de risque sanitaire. Un plan de communication est aussi détaillé dans l’objectif de responsabiliser le passager avant l’embarquement. Enfin, entre autres mesures, depuis 2023, avait été créé un groupe de travail interministériel sur le sujet des importations illégales. Pour les auteurs du rapport, cette mesure est une première étape à saluer mais il faudrait encore aller plus loin et nommant un délégué interministériel qui animerait ce groupe, et que ce dernier devienne une instance de « concertation, coopération et suivi d’une feuille de route interministérielle et du plan d’action 2022-2027 de l’Union européenne contre le trafic d’espèces sauvages ».

* Analyse faite par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), la Direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI) et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD).

Tanit Halfon

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