Variole du singe : un risque faible de constitution d’un réservoir animal hors d’Afrique  - Le Point Vétérinaire.fr

Variole du singe : un risque faible de constitution d’un réservoir animal hors d’Afrique 

Tanit Halfon

| 14.06.2022 à 17:18:00 |
© iStock-IainTall

Le risque de contamination d’un animal hors zone d’endémie, et donc in fine d’un potentiel réservoir animal, apparaît très faible, a-t-il été montré lors de la dernière séance de l’Académie vétérinaire de France. Malgré tout, le principe de précaution devrait rester de mise.

Les animaux hors d’Afrique peuvent-ils être concernés par la flambée de Monkeypox actuelle ? Cette question complexe a été traitée lors de la dernière séance de l’Académie vétérinaire de France du 9 juin 2022, par Nadia Haddad, professeure en maladies réglementées, zoonoses et épidémiologie à l’école nationale vétérinaire d’Alfort, et complétée par une publication parue dans la foulée dans la dernière revue de l’Académie. Et la réponse est un enjeu de taille puisqu’il s’agit d’appréhender le risque que des animaux puissent contribuer à des chaînes de transmission hors zones d’endémie africaine (hôtes de liaison). Voire qu’il puisse s’établir des nouveaux réservoirs animaux hors d’Afrique, contribuant à une installation durable de la maladie sur de nouveaux territoires.

Plusieurs espèces animales sensibles

Pour y répondre, la conférencière a listé dans un premier temps, les espèces animales sensibles au virus. A ce jour, il y a encore beaucoup d’incertitudes sur les réservoirs animaux majoritaires en Afrique. Selon les données du terrain, plusieurs espèces animales sont incriminées, notamment des petits mammifères, rongeurs (cricétome des savanes, gerboise, rat commun à nez roux, loir africain) et plus particulièrement les écureuils (famille des Sciuridés – écureuils africains). Les primates non humains sont considérés comme des hôtes accidentels, comme l’être humain. D’autres espèces animales ont aussi montré leur sensibilité et/ou réceptivité en conditions de laboratoire, comme l’écureuil roux, le lapin, le chien de prairie*. Les NAC les plus répandus comme le rat, la souris, le hamster et le cobaye n’ont montré ni sensibilité ni réceptivité, au moins pour les individus adultes. Toutefois, les rongeurs sont incriminés dans le portage et/ou la transmission du virus Cowpox (dont le rat brun NAC) qui est aussi zoonotique et multi-hôtes : le Monkeypox aurait divergé d’un ancêtre commun proche de ce virus.

Aucun cas de contamination de chats et chiens n’a été rapporté en zones d’endémie ; de plus, une enquête de séroprévalence de terrain dans une zone d’endémie dans les années 1980 sur une soixantaine de chats, n’avait pas révélé de séroconversion. Même chose pour les animaux de production, avec la même enquête de terrain qui a aussi inclus une centaine de moutons et chèvres. Notons toutefois que l’espèce féline est aussi connue pour être sensible au virus Cowpox.

Un risque globalement faible

Au final, en tenant compte de ces données, et des possibilités d’interactions avec l’humain, le risque d’infections animales, et de constitution d’un réservoir, apparaît globalement très faible. Une vigilance est toutefois de mise pour les écureuils.

Cela n’empêche pas de prendre des mesures de précaution pour éviter toute éventualité de contamination de l’humain à l’animal, a détaillé la conférencière dans la publication, dans une démarche « One Health » :

- isolement des malades humains pendant 3 semaines, et proscrire toute interactions avec des écureuils ;

- pas de contacts entre des malades et des rongeur synanthropes ou leurs sécrétions ;

- éloigner les animaux de compagnie, notamment les chats et les rongeurs, des malades pendant 3 semaines au moins après le début de la symptomatologie ;

- pour les professionnels exposés aux animaux, porter des gants, masques lors de manipulation d’animaux de détenteurs malades, avec des précautions supplémentaires pour les opérations de nettoyage-désinfection.

La publication évoque aussi le cas, hypothétique, d’un animal domestique qui serait infecté : les précautions d’hygiène sont valables, et l’animal doit être isolé, avec déclaration aux autorités compétentes.

L’aspect « One Health » est encore moins à négliger en zones d’endémie, ou des actions de recherche doivent être menées pour mieux caractériser les réservoirs animaux, et donc adapter la prévention des contaminations.

* Sur le terrain, le chien de prairie a été à l’origine d’une quarantaine de contamination humaine aux Etats-Unis en 2003. Ces animaux avaient été vendus en animalerie, et contaminés via d’autres espèces animales infectés importées d’Afrique (Ghana).

Tanit Halfon

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