La Cour des Comptes a rendu son rapport sur la situation actuelle des soutiens publics aux éleveurs de bovins français le 22 mai 2023. Selon les observations faites pour la période 2015 à 2022, il semblerait que le modèle économique des exploitations d’élevage bovin français soit "fragile".
"Bien que ce soit l'activité agricole la plus subventionnée en France, l'élevage bovin français apparaît pour autant, fragile et sa viabilité reste dépendante du niveau élevé d’aides publiques" indiquent les conclusions du rapport portant sur les soutiens publics aux éleveurs de bovins de la Cour des Comptes publié le 22 mai 2023. La juridiction financière s'est interressée à l’élevage bovin français, composante significative de l’agriculture française, pour la période allant de 2015 à 2022, afin "d'inventorier et de chiffrer les soutiens publics apportés à l’élevage bovin et à d'en évaluer les résultats". Ainsi, selon les rapporteurs, on dénombrait en 2020, 91 123 exploitations spécialisées en élevage de bovins (lait, viande et mixte) sur 32,7 % de la surface agricole utile. De plus, comme l'indique le rapport, les aides financières à l'élevage, comme la politique agricole commune (PAC) et la politique française, visent non seulement à "soutenir la production et à assurer un niveau de vie équitable aux exploitants pour garantir la sécurité des approvisionnements à des prix raisonnables, mais aussi à garantir la gestion durable des ressources naturelles, la préservation du climat et un développement territorial équilibré".
L’activité agricole la plus soutenueSuite à son travail d'analyse, la Cour des comptes a révélé qu'avec 4,3 Md€ d’aides publiques versées aux exploitations spécialisées en élevage bovin par an, il s'agit de "l’activité agricole la plus subventionnée en France". Ainsi, en moyenne, une exploitation d’élevage de bovins lait a perçu en 2020 un total de 36 000 € d’aides de la PAC et une exploitation d’élevage de bovins viande, 50 300 €. Par ailleurs selon les rapporteurs, outre la PAC, les éleveurs bénéficient également d’aides à l’investissement, de plans d’urgence en cas de crise, ainsi que d’aides sociales et fiscales. Selon le rapport d'analyse, ce montant d’aides publiques a permis de maintenir une forte capacité de production en France, aussi bien en lait qu’en viande bovine. Toutefois, les rapporteurs indiquent que "le modèle économique des exploitations d’élevage apparaît fragile car sa viabilité reste dépendante du niveau élevé d’aides publiques". En effet, sans les aides, le ministère chargé de l’agriculture estime que 90 % des exploitations allaitantes et 40 % des exploitations laitières auraient un résultat courant avant impôt négatif. En élevage allaitant, le rapport indique que "les causes de cette piètre performance économique tiennent non seulement aux faiblesses du modèle économique des exploitations, mais aussi à la difficile adaptation de la production aux évolutions de la consommation, ainsi qu’aux fragilités et au manque de structuration de la filière" et le même constat est fait pour la filière bovins lait, pourtant davantage structurée. Ces résultats moyens des exploitations masquent néanmoins une grande diversité de situations (exploitations rentables ou non, technicité et les choix de gestion des exploitants).
Une nécessaire mise en cohérence avec les objectifs environnementauxComme le rappelle également le rapport, la politique en faveur de l’élevage ne peut cependant pas se résumer aux objectifs de production alimentaire et de soutien au revenu des éleveurs car, même si le bilan de l’élevage bovin pour le climat est défavorable, les activités des éleveurs rendent d’autres services sociétaux et environnementaux de première importance (valorisation de terres non arables, maintien des paysages ruraux ...). Pour que la France puisse respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de méthane (souscrits dans l’accord international Global Methane Pledge), "une réduction importante du cheptel reste toutefois nécessaire" selon les rapporteurs. C'est pourquoi, à partir de ces observations, la Cour des Comptes conclue que la politique de soutien à l’élevage bovin doit être clarifiée et mise en œuvre en construisant un système d’aides plus individualisées, conciliant les paramètres de performance économique et de performance socio-environnementale. Ainsi, "les exploitations qui satisfont déjà à ces exigences pourraient être confortées et, les exploitations produisant des externalités positives mais peu performantes économiquement ou celles, à l’inverse, viables économiquement mais produisant peu d’externalités, pourraient être mieux accompagnées pour tendre vers un modèle d’élevage performant et durable. Enfin, les exploitations en difficulté sur tous les plans pourraient être accompagnées dans une nécessaire reconversion". De plus, selon le rapport, comme "il existe sur de nombreux points (engraissement, développement des races mixtes, enjeux climatiques, opportunités sur les énergies renouvelables, etc.) des problématiques communes aux filières lait et viande, il importe pour réussir au mieux la transition à venir de l’élevage bovin, de renforcer la collaboration entre ces deux filières".