Violences domestiques, une thématique One Health de la WSAVA - Le Point Vétérinaire.fr

Violences domestiques, une thématique One Health de la WSAVA

Anne-Claire Gagnon

| 17.09.2024 à 10:00:00 |
© chameleonseye-Getty Images

Le congrès mondial de la WSAVA a mis en lumière le lien entre violences domestiques et maltraitance animale. Animée par des vétérinaires, cette journée a rappelé le rôle essentiel des praticiens dans le repérage des violences, en insistant sur la nécessité de former les équipes à identifier les signaux de maltraitance, tant chez les animaux que chez les personnes.

Après une gestation de plusieurs années, la WSAVA a tenu une journée entièrement consacrée au lien entre les violences domestiques, le 26 septembre 2023 lors du congrès mondial de la WSAVA à Lisbonne.

La place des vétérinaires auprès des victimes de violences domestiques

Animée par nos consœurs Melinda Merck et Paula Boyden, qui ont été les pionnières aux États-Unis et au Royaume-Uni sur ce sujet, la journée a rassemblé les représentants d’associations sur le lien de nombreux pays. L’un des objectifs du Comité One Health est de mettre à la disposition du plus grand nombre tous les éléments pour former les vétérinaires au repérage des violences domestiques et au lien entre celles-ci. Mike Lappin, président du Comité One Health, a souligné le rôle proactif des vétérinaires et de leurs équipes pour apporter les soins nécessaires aux animaux des femmes victimes de violences. Il a également indiqué qu’il fallait que les équipes vétérinaires travaillent avec les comportementalistes et les toiletteurs, des métiers au contact direct des animaux et de leurs parents.

Des risques accrus de maltraitance animale lors de violences au foyer

Le risque de morsures des chiens est onze fois plus élevé dans un foyer violent. 65% des femmes diffèrent ou renoncent à quitter le foyer violent, pour ne pas abandonner leur animal de compagnie. Ces violences peuvent frapper toutes les catégories socio-professionnelles. Un enfant qui est témoin de violence domestique a trois fois plus de risque d’être l’auteur de violences sur les animaux, et 5 fois plus s’il est victime de pédocriminalité. 75-88% des animaux de compagnie des foyers violents subissent de la maltraitance émotionnelle, sont menacés, terrorisés, physiquement maltraités ou tués (ces derniers n’étant pas toujours vus par les vétérinaires).

Des signes à reconnaître

Les lésions d’accidents sur la voie publique ou lors de coups et blessures sont différentes, avec pour ces derniers beaucoup plus de fractures bilatérales sur les côtes (surtout distales), le crâne, les dents, les vertèbres, des hémorragies sclérales, des lésions sur les griffes pour les chats, etc.

Melinda Merck a insisté sur la préparation psychologique et la nécessité d’avoir un membre de l’équipe vétérinaire formé au lien. L’anamnèse est réalisée en écoute active, sans aucun jugement. Le repérage de maltraitance sur l’animal peut permettre de révéler des maltraitances des personnes âgées, présentes au foyer. Aux Etats-Unis, une femme sur trois et un homme sur quatre subiront des violences domestiques au moins une fois dans leur vie.

Pour lever tout frein économique, Melinda Merck a fait le choix de ne pas prendre d’honoraires pour les radiographies voire les autopsies.

Les animaux les plus à risques sont des chiens, jeunes et mâles, les chats sont plus souvent tués que les chiens. À défaut de voir les bleus sous la fourrure, la mesure des CPK peut permettre d’objectiver la présence d’hématomes récents.

Ne pas abandonner son animal au bourreau

Paula Boyden, présidente du The Links Group, a indiqué la nécessité de se tenir prêt à diagnostiquer un animal maltraité et à proposer de l’aide à une femme victime de violence domestique. Indiquer sur une affiche que l’animal peut être placé en sécurité ici (refuge, fourrière sociale) en cas de nécessité permet de donner une information qui peut l’aider à quitter le domicile conjugal et lui sauver la vie, sans mettre en péril celle de son animal de compagnie.

Selon une enquête britannique, dans laquelle 48 % des vétérinaires avaient constaté des maltraitances animales, « le diagnostic de maltraitance physique (blessure non accidentelle) est un exercice intellectuel et émotionnel difficile », témoignent-ils. Ajoutant : « c'est l'un des sujets les plus difficiles du travail clinique, qui nécessite du temps, de l'expérience et de l'énergie émotionnelle».

Une fois par an, The Links Group se rend dans les écoles vétérinaires britanniques. L’association a également conçu un webinaire pour les professionnels de santé en les incitant à contacter un vétérinaire, lors de doute sur l’état de bien-être de l’animal d’un de leur patient.

Psychologues et APA largement sensibilisés au lien

Mauro Paulino, psychologue portugais, a souligné que la cruauté animale doit être un sujet en protection infantile. Pour lui, le vétérinaire doit pleinement jouer son rôle, même si psychologiquement ce n’est pas agréable, et se tenir prêt à témoigner quand il le faut devant les tribunaux. Il a également souligné le rôle délétère de l’alcoolisme dans la montée des violences domestiques.

Madeline Bernstein, présidente de la SPCA de New York a rappelé que 88% des animaux de compagnie des foyers où les enfants subissaient des violences physiques avaient été eux-mêmes maltraités. Elle a souligné la violence des traumatimes émotionnels, bien supérieure à celle des coups. Pour elle, lorsque la négligence dure (privation de nourriture, par exemple), c’est pire que la cruauté intentionnelle. Elle a aussi partagé des cas, comme cet homme qui, pendant que sa femme était au travail, tua successivement 4 chats, adoptés en refuge. De son expérience, l’animal est une porte d’entrée, qui fait parler les voisins et pousse souvent les femmes à sortir de leur réserve pour oser dire ce que subit leur chien ou leur chat.

Portugal, un pays juridiquement en avance pour les animaux

Depuis 2014, le Portugal s’est doté d’une 6ème catégorie de crimes, avec ceux perpétrés contre les animaux de compagnie, crimes reconnus comme majeurs en 2015. Systématiquement, lors d’identification d’un crime au sein d’un foyer violent, il est demandé si l'agresseur a utilisé la violence contre d'autres membres de la famille, ce qui officiellement reconnaît le lien. En 2017, l’animal est devenu pleinement un être sentient (et plus un bien meuble). La professeure Anabela Moreira (anatomo-pathologie, université vétérinaire de Lisbonne) a réalisé une enquête de perception des violences domestiques et du lien auprès des vétérinaires en 2017. Si 10,5% n’avaient jamais vu de cas de maltraitance animale au cours des 5 dernières années, pour 21,4 % le repérage des violences domestiques concomitantes s’est fait sur le retard à présenter l’animal, les discordances de l’anamnèse et un manque d’empathie. Il s’agissait principalement de chiens. Nos confrères portugais se plaignent (comme tous les praticiens dans le monde) de leur manque de formation professionnelle et de communication entre les agences de santé. Toutes et tous sont conscients que séparer l’animal de l’enfant et sa mère, c’est les priver d’une source de réconfort et de résilience essentielles.

A l’université de Lisbonne, Anabela Moreira a mis en place une unité d’investigation de la violence domestique animale. Au-delà du One Health, elle a proposé de parler d’Une seule violence.

Accueillir femmes et animaux en sécurité

La journée s’est conclue sur la présentation de l’initiative Purple Leash Project aux États-Unis soutenue par Purina. Depuis 2019, ce sont désormais plus de 17 % des foyers pour femmes victimes de violences domestiques qui accueillent également leurs animaux de compagnie. Purple Leash Project s’est fixé un objectif de 25 % en 2025. Purina fournit, en partenariat avec l’Urban Resources Institute, des structures en bois amovibles pour héberger les chiens, à côté des foyers. Les employés de Purina donnent de leur temps pour installer et rénover ces installations, ainsi que les foyers.

L’ensemble des pdf des interventions est disponible sur le site de la WSAVA.

Anne-Claire Gagnon

1 commentaire
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Wedelie le 18-09-2024 à 11:08:46
Je signale depuis longtemps qu'il y a souvent maltraitance humaine à côté d'une maltraitance animale ! Il est temps d'y porter toute son attention.
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