L’allergie aux poils de chats - Ma revue n° 103 du 13/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 103 du 13/01/2017

DOSSIER

Auteur(s) : PAR  ÉLODIE GOFFART DOCTEUR VÉTÉRINAIRE, PRATICIENNE DANS L’ESSONNE.  

L’allergie au chat est une maladie fréquente chez l’homme, difficile à traiter et dont la prévention la plus efficace est l’éviction des allergènes, donc la suppression des contacts avec les félins. Elle se manifeste par des signes cliniques de gravité variable, pas forcément avec le premier chat.

Qu’elle concerne le praticien, l’auxiliaire ou un client, le problème de l’allergie au chat est souvent soulevé dans les cliniques vétérinaires. Véritable maladie professionnelle dramatique pour le personnel soignant, elle se révèle problématique quand elle touche un client et que la question de l’abandon de l’animal est posée. Environ 25 % de la population française serait concernée par l’allergie aux chats, de manière plus ou moins grave, loin devant celle aux chiens ou aux chevaux.

Une réaction au deuxième contact

Pour développer une allergie, le sujet doit avoir été exposé au moins deux fois à la substance ou particule en cause (l’allergène). Au cours de la première exposition, il se sensibilise à l’allergène. Pendant cette phase, il ne présente aucun symptôme. Mais son organisme fabrique des anticorps de type immunoglobuline E (IgE) qui vont se fixer sur les mastocytes (famille de cellules appartenant aux globules blancs) et rester en attente jusqu’au prochain contact avec l’allergène.

Au deuxième contact avec le même allergène, le sujet allergique manifeste des symptômes qui font suite à la dégranulation des mastocytes et à la libération d’histamine (médiateur chimique dans la réponse allergique). Un même allergène peut entraîner des symptômes différents chez deux individus, mais également lors de deux épisodes chez une même personne.

Des chats plus allergisants que d’autres

Contrairement à l’idée reçue, l’allergie dite “au chat” n’est pas une allergie à ses poils ! Ce sont des protéines sécrétées par les glandes salivaires et sudoripares de l’animal qui sont responsables de la réaction d’hypersensibilité (dite de type I ou immédiate). Huit glycoprotéines ont été identifiées. Celle qui présente le potentiel allergisant le plus élevé est appelée Fel d1.

Tous les chats ne présentent pas le même taux d’allergène, qui serait produite en quantité plus importante par les mâles que par les femelles. Certaines personnes pourront donc avoir eu un chat pendant longtemps sans manifester de troubles majeurs, mais en présenter, à leur grande surprise, lors de l’accueil à la maison d’un nouveau chat, en plus ou après le décès du premier.

De la conjonctivite au choc anaphylactique

Les organes cibles de la réaction allergique sont essentiellement le système respiratoire (nez, poumons), les yeux et, dans une moindre mesure, la peau, ce qui explique les principaux symptômes rencontrés dans l’allergie aux chats : conjonctivite, rhinite, asthme, urticaire, etc.

La conjonctivite allergique est une inflammation de la conjonctive de l’œil. Elle peut être la seule manifestation de l’allergie ou s’accompagner d’autres symptômes comme la rhinite allergique. Les signes les plus courants sont un œil rouge, un épiphora (écoulement oculaire), un œdème conjonctival et un prurit au niveau des paupières.

La rhinite allergique est une inflammation de la muqueuse nasale. Lorsque l’allergène entre en contact avec les muqueuses du nez et des voies respiratoires, le système immunitaire déclenche une réaction inflammatoire, une vasodilatation et l’augmentation des sécrétions qui vont conduire à l’apparition des symptômes de la rhinite allergique : éternuements, obstruction (impression de “nez bouché”) et écoulement nasaux, démangeaisons.

L’asthme est une affection respiratoire chronique caractérisée par une bronchoconstriction. Il entraîne, chez le sujet atteint, des difficultés à respirer. Il se crée une inflammation chronique, ainsi qu’une hyperréactivité des voies respiratoires. Les principaux symptômes sont des sifflements, un essoufflement, une sensation d’oppression thoracique et de la toux.

L’urticaire désigne une réaction inflammatoire de la peau qui se manifeste par des plaques rouges et du prurit, souvent intense. Les lésions cutanées ressemblent à des piqûres d’ortie, d’où le nom d’urticaire.

Il est tout à fait possible qu’une allergie au chat se manifeste par plusieurs symptômes en même temps : rhinite + conjonctivite + asthme + urticaire !

Dans les cas graves, l’allergie peut entraîner un choc anaphylactique. L’individu atteint présente une chute de la pression artérielle et une accélération du rythme cardiaque, qui peut aller jusqu’au décès par arrêt circulatoire ou asphyxie à la suite d’un spasme bronchique. Le choc anaphylactique se traduit par une perte de connaissance pouvant évoluer en coma. Les symptômes de cette forte réaction allergique sont des signes cutanés (urticaire, prurit, œdème du visage, des yeux, des lèvres), respiratoires (toux, dyspnée), digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhée) et généraux (malaise, fatigue intense, sueurs, pâleur, sensation d’oppression ou d’angoisse, frissons).

Diagnostic médical

La suspicion d’allergie au chat est émise en fonction des symptômes décrits et de la proximité d’un félin dans l’environnement. Néanmoins, un diagnostic de certitude doit être établi. Deux techniques sont possibles : le dosage d’IgE ou le diagnostic par tests cutanés.

La réalisation de tests cutanés est simple grâce aux extraits allergéniques commercialisés en France. L’allergologue dépose sur la peau du patient une goutte d’allergène et lit le résultat 15 minutes plus tard. Si la personne est allergique, une rougeur et/ou un œdème sont présents. La mesure de l’induration et de la papule permet de quantifier l’allergie au chat de 1 (faible) à 5 (importante). Réaliser le dosage des IgE sériques spécifiques est primordial pour confirmer la positivité des tests cutanés. Une forte positivité est le plus souvent corrélée avec l’importance des signes cliniques.

Traitement au long cours

La grande majorité (environ 80 %) des personnes à qui le médecin diagnostique une allergie au chat refusent de se séparer de leur animal. Il est donc nécessaire pour eux d’instaurer un traitement efficace. Ce dernier comprend généralement l’administration d’antihistaminiques locaux (sprays nasaux) ou par voie générale (comprimés) et/ou de corticoïdes locaux (pommade ophtalmique, spray nasal), inhalés ou en comprimés. Cette thérapeutique est suivie au long cours, car l’allergie ne diminue malheureusement pas avec le temps.

Cependant, ces traitements ne sont pas sans effets secondaires à court et surtout à long terme : somnolence pouvant être préjudiciable pour les conducteurs, fragilisation de la muqueuse nasale, épistaxis, etc. Le médecin conseille donc généralement l’éviction de l’allergène, c’est-à-dire de se débarrasser du chat !

Il existe une autre forme de traitement : la désensibilisation. Mais cette méthode fait l’objet de controverses. Son efficacité est discutée et son coût comme son caractère contraignant la rendent complexe. La désensibilisation repose sur une immunothérapie spécifique, qui vise à induire un état de tolérance de l’organisme vis-à-vis de l’allergène en le soumettant à des doses croissantes de celui-ci. Le traitement peut se faire par injections sous-cutanées, réalisées par une infirmière ou un médecin, ou par voie sublinguale par le patient lui-même (comprimés ou gouttes à mettre sous la langue). Le traitement doit être suivi pendant de nombreuses années, 3 à 5 ans en moyenne, sans garantie d’efficacité. En outre, la désensibilisation n’est pas indiquée chez les personnes polysensibilisées (c’est-à-dire allergiques à plus de trois allergènes), chez les patients atteints de troubles de l’immunité (cancer, maladie auto-immune, etc.) et chez les personnes traitées par certains médicaments comme les β-bloquants.

Réduire l’exposition au risque

Il est possible de mettre en place des mesures de prophylaxie pour éviter les symptômes de l’allergie au chat, en réduisant l’exposition aux allergènes. Ainsi, l’accès de l’animal à la chambre de la personne allergique, que ce soit en sa présence ou en son absence, doit être prohibé ! Le ménage doit y être fait régulièrement avec un aspirateur à sac et un filtre efficace contre les particules allergéniques (par exemple, un filtre HEPA, acronyme pour High efficiency particulate air). Il est nécessaire d’aérer quotidiennement la chambre. Attention, enfin, à ne pas y ramener de vêtements plein de poils !

Certaines autres mesures, telles que la mise en place d’un humidificateur d’air, la castration du chat, un lavage et un shampouinage régulier de son pelage, n’ont pas prouvé leur efficacité. C’est pourquoi tous les allergologues ne les proposent pas. Il reste possible de les conseiller, car tout ce qui contribue à faire baisser le taux d’allergènes dans la maison est intéressant. Les tapis et moquettes sont proscrits : ils retiennent les poils et les allergènes. Un brossage quotidien du chat est recommandé – à faire à l’extérieur du domicile, si possible ! – afin d’éliminer les poils morts. Les vêtements doivent être brossés avec un rouleau adhésif qui retient les poils. Il est important de changer la litière tous les jours.

Ces mesures sont applicables en cas d’allergie peu grave chez des particuliers. Bien entendu, il n’est pas possible pour un vétérinaire ou un ASV de les appliquer dans le cadre de leur travail. Une allergie sévère pourra donc amener la médecine du travail à déclarer la personne inapte à son poste pour raisons de santé. Et l’employeur sera alors contraint de la licencier pour inaptitude. Cette exclusion d’un métier choisi et aimé est généralement vécue comme une catastrophe. Les personnes concernées par ces allergies peuvent être désespérées par la situation, n’ayant « rien envie de faire d’autre ». Cependant, l’obstination peut mettre en danger jusqu’à leur vie, et elles n’ont guère d’autre choix que de changer d’orientation professionnelle. L’allergie au chat est relativement fréquente chez les vétérinaires et les ASV, en lien avec une exposition prolongée aux allergènes dans le cadre du travail, comme chez les fleuristes l’allergie au pollen, chez les coiffeurs celle aux produits de coiffage et chez les professeurs les réactions à l’encre ou à la craie.

Des races hypoallergéniques

Une fois l’origine de l’allergie au chat identifiée, il a été tenté d’y remédier. Pour cela, deux stratégies sont suivies : trouver des races sécrétant le moins possible de protéine Fel d1, ou modifier le génome félin afin qu’il ne produise plus du tout d’allergène.

Il est démontré que le sibérien sécrète peu de protéines dans la salive. Cependant, il est inexact de prétendre cette race anallergique ! Elle est au mieux hypoallergénique. En effet, la quantité de Fel d1 présente dans la salive de ces chats dépend des individus. Il est estimé que seuls 50 % d’entre eux présentent un taux faible, et moins de 15 % un taux compatible avec une cohabitation avec une personne allergique. De plus, il existe d’autres allergènes auxquels certains patients sont malheureusement sensibles également. Régler le problème de la protéine Fel d1 ne suffira pas à résoudre celui de leurs réactions allergiques aux chats.

Le cornish rex, le devon rex, le balinais et le korat, eux, sécrètent peu de protéine Fel d1 et possèdent peu de sous-poil. En outre, celui-ci ne tombe pas ; il est donc moins sujet à la dispersion de la protéine allergisante.

Le sphinx est un chat nu, sans poils. Il produit peu de protéine et, de plus, se toilette peu, ce qui en fait un chat relativement adapté aux personnes allergiques.

Mais si la question de la race est posée à l’équipe vétérinaire, il est nécessaire d’expliquer que la possession d’un chat quel qu’il soit est déconseillée aux personnes allergiques. La publicité autour des races dites hypoallergéniques les incite à tenter d’adopter un chat quand même. Or, l’allergie peut s’aggraver au contact quotidien de l’animal, dont l’avenir dans la famille deviendra alors problématique. Éventuellement, avant d’adopter le chat, il peut être suggéré de rechercher une solution alternative (donner l’animal à des amis) si le garder se révèle impossible.

Sélection ou modification génétique

La société américaine Lifestyle Pets (Allerca) commercialise depuis 2006 des animaux (chiens et chats) dits « 100 % hypoallergéniques », « de manière scientifiquement prouvée », à un prix variant entre 6 950 et 26 950 $ (24 000 €). Pour les obtenir, l’entreprise a recherché des mutations naturelles mais rares dans le gène codant pour Fel d1. Elle a ensuite sélectionné les individus mutés puis, de la même façon que sont créées de nouvelles races sur des critères esthétiques, a fait se reproduire des lignées de chats produisant une version modifiée de la protéine Fel d1. Cependant, en raison d’un risque d’allergie possible vis-à-vis d’allergènes mineurs, l’efficacité de ces animaux n’est pas absolue. Ils sont vendus stérilisés, « échangeables ou remboursables » et « garantis pendant un an ».

Une autre piste de recherche a pour but de produire un chat génétiquement modifié qui ne sécrète plus du tout de protéine Fel d1. Elle n’a pas encore abouti, et le délai sera probablement long avant que de tels animaux soient proposés à l’achat, à un tarif certainement très élevé. Par ailleurs, cette stratégie conduit à la mise au point d’animaux hypoallergéniques pour un seul allergène, ce qui les rend inefficaces pour le grand nombre de patients sensibles à plusieurs allergènes. Un autre inconvénient est la mauvaise image de la modification génétique dans l’opinion publique. Au vu de l’accueil que le consommateur réserve au maïs transgénique, qu’en sera-t-il du chat transgénique ?

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