DOSSIER
Auteur(s) : ÉLODIE GOFFART
Fonctions : Docteur vétérinaire, praticienne dans l’Essonne
RÉFÉRER UN CAS EST DEVENU COURANT. IL EST IMPORTANT DE RESPECTER CERTAINES RÈGLES POUR L’EFFICACITÉ DE LA PRISE EN CHARGE DE L’ANIMAL ET UNE SATISFACTION COMPLÈTE DU PROPRIÉTAIRE, DU VÉTÉRINAIRE RÉFÉRENT ET DU SPÉCIALISTE. L’ASV EST EN PREMIÈRE LIGNE DU PROCESSUS, À L’INTERFACE DES DIFFÉRENTS INTERVENANTS.
La démographie vétérinaire évolue depuis 20 ans. Il existe quatre catégories d’établissements de soins vétérinaires en 2015 : le cabinet vétérinaire, qui exerce des soins médicaux essentiellement, le cabinet vétérinaire médico-chirurgical, qui peut pratiquer des chirurgies simples, la clinique vétérinaire, qui doit disposer de matériels pour des analyses sanguines et de moyens d’imagerie, le centre hospitalier vétérinaire (CHV), le plus complet des établissements, ouvert 24h/24 et le centre de vétérinaires spécialistes. Au 31 décembre 2019 sont recensés environ 8000 établissements de soins vétérinaires en France. 57 % d’entre eux sont des cliniques, 43 % des cabinets, et il existe 11 CHV. La tendance est au regroupement des vétérinaires depuis 4 ans : ils travaillent de moins en moins seuls (36 % seulement) et se regroupent en cliniques de plus en plus importantes : 20 % à 2, 30 % à 3 et 14 % à plus de 5.
La spécialisation progresse également. De nombreux vétérinaires acquièrent chaque année un diplôme qualifiant : Diplôme Universitaire (DU), Diplôme d’Ecole (DE), Diplôme Inter-Ecole (DIE), Certificat d’Etudes Supérieures (CES), Certificat d’Etudes Approfondies Vétérinaires (CEAV)… De nombreux domaines sont concernés. Les plus représentés sont l’ophtalmologie, la dermatologie, l’orthopédie, la diététique (photo 1). Pour se prévaloir du titre de spécialiste officiellement reconnu par l’Ordre des vétérinaires, un praticien doit être titulaire d’un Diplôme d’Etudes Spécialisées Vétérinaires (DESV) ou d’un diplôme de Collège Européen (EC) dans les nombreuses disciplines existantes : médecine interne, chirurgie, dermatologie, oncologie, neurologie, dentisterie, imagerie, etc. La somme des connaissances vétérinaires actuelles et cette spécialisation grandissante change la manière d’exercer la médecine et la chirurgie des animaux de compagnie. Les compétences du vétérinaire restent multiples et sont à la fois la particularité et l’intérêt du métier : le vétérinaire est un médecin capable de réaliser des examens d’imagerie classiques (radiographie, échographie), des examens biologiques (analyses de sang) et d’hospitaliser un animal dont l’état le nécessite. Il est également chirurgien, apte à réaliser des opérations de convenance ainsi que des chirurgies des tissus mous et des réparations osseuses.
Cependant, les propriétaires sont de plus en plus demandeurs de soins de très haute qualité pour leurs animaux. Cette tendance s’est même encore accentuée depuis le confinement. Quand leur petit compagnon est malade, ils souhaitent, comme pour eux-mêmes, consulter une personne particulièrement compétente dans le domaine voire spécialisée. Le vétérinaire traitant peut alors les orienter vers un confrère plus équipé, à même de prendre en charge médicalement ou chirurgicalement le cas concerné. L’ASV est alors la personne à l’interface des différents intervenants : le vétérinaire traitant (référent), le vétérinaire spécialisé et le propriétaire.
Lorsque la décision de référer un cas est prise, il est important de bien préparer l’arrivée de l’animal dans l’autre structure. C’est souvent l’ASV qui prend le rendez-vous dans la structure de référés. Le motif de consultation doit alors être très précis : consultation spécialisée dans un domaine (consultation d’ophtalmologie par exemple), examen complémentaire seul (échographie, IRM, scanner) ou prise en charge globale (consultation, hospitalisation, examens complémentaires, traitement). Les CHV proposent généralement des feuilles de référé très complètes, à remplir par le vétérinaire traitant (photo 2) : cette étape peut paraître rébarbative et chronophage, mais elle est indispensable.
L’anamnèse (historique médical général) est très importante. Elle est généralement bien connue de l’équipe vétérinaire traitante qui suit l’animal depuis plusieurs années. Le recueil des commémoratifs, c’est-à-dire le déroulement de la maladie en cours, doit également être correctement renseigné. Les hypothèses diagnostiques envisagées, les examens complémentaires déjà effectués, ainsi que les traitements entrepris seront détaillés afin d’éviter des frais inutiles liés à leur répétition.
Les conditions de la future visite doivent être expliquées au propriétaire : l’animal doit-il être à jeun ? Les traitements en cours doivent-ils être continués ou arrêtés ? Les propriétaires sont généralement inquiets à l’idée de se rendre dans une clinique inconnue parfois éloignée de leur domicile, où le vétérinaire ne les connaît pas. Le rôle de l’équipe soignante habituelle est de rassurer, de donner confiance dans le fait qu’envoyer leur animal dans une autre clinique augmente ses chances de guérison et de faire comprendre que le relais sera pris efficacement ensuite. Lorsque tous les documents sont prêts et que tout a été expliqué au propriétaire, l’animal peut partir dans la structure de référés.
Certaines cliniques ou CHV ont l’habitude de recevoir des cas référés, puisque c’est leur cœur de métier. Les procédures sont alors formatées et bien rodées. Cependant, d’autres structures peuvent également être amenées à accueillir des cas référés, plus occasionnellement, parce que l’un des praticiens est spécialisé dans un domaine ou dans une catégorie d’espèces (NAC par exemple, photos 3 et 4).
Lorsque l’ASV note le rendez-vous, il est important de bien spécifier le motif de consultation et le vétérinaire qui doit recevoir l’animal. Il est très déplaisant et décevant pour le propriétaire qui arrive, parfois de loin, de ne pas voir la personne qu’il espérait. La durée nécessaire à cette visite doit être bien calculée. Les cas référés sont généralement complexes et nécessitent du temps. Il faut le prévoir, sinon l’ensemble des rendez-vous suivants sera retardé.
Quand l’animal arrive, il faut lui créer un dossier classique, mais en notant les coordonnées complètes du vétérinaire qui a envoyé l’animal et qui devra recevoir un compte-rendu. L’ensemble des documents qui accompagnent l’animal (dossier médical, résultats d’examens, ordonnances) doit être répertorié. Parfois, les informations sont envoyées par email avant la consultation. Il est alors important de les archiver. Si possible, l’ASV apportera les documents avant l’animal au vétérinaire qui pourra alors prendre connaissance des informations avant de voir le cas.
Lorsque la consultation est terminée, un compte-rendu complet et détaillé est rédigé. Il propose généralement les différentes hypothèses diagnostiques, les options thérapeutiques les suites à donner : rendez-vous de suivi, résultats d’analyse en attente, etc.
Ce compte-rendu est envoyé au propriétaire et au vétérinaire référent. Il doit aussi être ajouté dans le dossier médical de l’animal. Parfois, il sera utile que le praticien contacte le vétérinaire qui a référé le cas afin d’en discuter directement, du traitement requis, de son coût, de l’espérance de vie. Ces échanges entre confrères et consœurs sont très importants. Ils permettent au vétérinaire sollicité d’être sûr que ses recommandations seront suivies et que le client en sera satisfait. Quant au vétérinaire référent, il sera prêt à répondre aux questions du propriétaire.
Il est essentiel que toute l’équipe de la clinique, vétérinaires et ASV, soit informée des cas qui ont été référés ailleurs. Quand un vétérinaire appelle, il doit pouvoir parler immédiatement à son confrère sans intermédiaire. Il ne faut pas oublier que le spécialiste a deux clients : le vétérinaire qui lui envoie l’animal ainsi que le propriétaire. Si le référent n’est pas satisfait de la prise en charge de son client, il n’enverra plus de cas. Une confiance réciproque est fondamentale. L’évolution de la médecine vétérinaire, la spécialisation croissante des praticiens et le souhait des propriétaires d’offrir les meilleurs soins à leurs animaux change la manière dont ceux-ci sont pris en charge, à la fois dans leur clinique habituelle et dans les centres spécialisés ou les CHV. Il est important que les ASV qui font le lien entre les intervenants soient efficaces dans la gestion des ressources documentaires (dossier médical, résultats d’analyse) et facilitent la communication téléphonique et électronique entre structures référentes et de référés. En outre, l’auxilliaire connaît bien les propriétaires et les animaux, et est à même d’expliquer les procédures, de rassurer le client quand c’est nécessaire, de coordonner le parcours de soins pour une meilleure efficacité thérapeutique globale. Cet accompagnement au quotidien participe à l’attachement des clients à leur clinique vétérinaire ainsi qu’à leur fidélité à long terme.
TÉMOIGNAGE
NOÉLIE TRACHET
ASV dans le Loiret
Notre structure reçoit des cas référés de cardiologie. Le client me téléphone, adressé par son vétérinaire traitant qui a détecté une anomalie à l’auscultation et souhaite une échocardiographie. J’ouvre alors un dossier avec ses coordonnées complètes, celles de l’animal et du vétérinaire référent, puis je programme un rendez-vous d’environ une heure avec notre spécialiste, en précisant au client de venir avec le compte-rendu du dernier examen. Afin que le rendez-vous soit respecté, j’envoie un mail de rappel 48 heures avant. J’accueille le client et je complète son dossier avec les numéros d’identification et de passeport de l’animal. Le vétérinaire spécialisé adressera ensuite son compte-rendu au propriétaire et au vétérinaire référent, qui s’occupera du suivi médical en fonction du diagnostic. Il m’arrive aussi de référer des animaux en état de paralysie vers une structure vétérinaire équipée d’un scanner ou IRM pour la réalisation de l’examen. Mon rôle est alors de les prévenir et de transmettre la feuille de commémoratifs que j’ai préparée avec le vétérinaire référent, comportant les coordonnées du client et de notre clinique. Je me charge ensuite de récupérer et saisir les résultats reçus par mail, dont j’informe notre vétérinaire. Le référé permet de sécuriser le diagnostic, d’apporter les meilleures solutions et de gagner du temps, si une intervention chirurgicale se révèle nécessaire.
TÉMOIGNAGE
CAMILLE LAUNAY
ASV dans les Bouches-du-Rhône
Aujourd’hui, je suis dans une nouvelle structure qui va développer les référés en échographie, en chirurgie des tissus mous et en orthopédie. Mais j’ai déjà travaillé dans une clinique qui accueillait régulièrement des cas référés, avec deux cas de figure possibles. Si le vétérinaire traitant prend rendez-vous pour son client, c’est le plus simple car il nous transmet l’historique médical de l’animal référé (radiographies, échographies, résultats d’analyses). Si c’est le client qui nous contacte, mon rôle est de le questionner de manière précise, afin de déterminer ce que le vétérinaire traitant a demandé et de bien l’orienter. Lors de sa venue, je récupère et je scanne le contenu de l’historique médical pour l’ajouter au dossier. Je contrôle méticuleusement ses coordonnées ainsi que celles du vétérinaire, car il m’est arrivé de contacter un vétérinaire référent et d’entendre « cette cliente n’est pas enregistrée chez nous » (en fait elle l’était, mais sous son nom marital). J’apprécie les échanges avec les clients référés, il m’arrive parfois de récupérer des informations sur les symptômes de leur animal qu’ils ne signaleront pas toujours au vétérinaire, ne les jugeant pas forcément importantes (diarrhées chroniques, antécédents médicaux, etc.). Si un client satisfait souhaite revenir par la suite, je vais insister pour qu’il retourne chez son vétérinaire traitant, car je dois absolument respecter la déontologie des référés.
TÉMOIGNAGE
CINDY AMBROGIO
ASV dans les Bouches-du-Rhône
Je travaille dans une structure qui fonctionne exclusivement en cas référés. Quand le vétérinaire référent nous appelle, il peut nous faire deux types de demandes : soit un examen « sec », soit une prise en charge totale. Pour un scanner ou une échographie en examen « sec », je fixe un rendez-vous avec l’imagerie qui lui enverra son compte-rendu d’examen, afin qu’il assure le suivi. Mais certains cas, comme la hernie discale, risquent de nécessiter une intervention chirurgicale. Or, si le vétérinaire référent fait d’abord réaliser un scanner « sec » sous anesthésie, puis demande une prise en charge globale, qui devrait commencer par un bilan neurologique, cela complique les choses. Mon rôle consiste donc à bien différencier ces deux types de demande et à proposer, selon le cas, une prise en charge totale dès le départ, car les vétérinaires référents sont à l’écoute de nos conseils. Quand c’est un client en panique qui appelle, mon rôle est de recueillir tous les commémoratifs, de lui donner un rendez-vous et d’informer le vétérinaire traitant. Pour chaque cas, j’établis une fiche client et j’enregistre tous les résultats d’examens antérieurs. Nous portons beaucoup d’attention et d’affection à nos patients référés, comme cette petite chihuahua, suivie durant un an pour un problème de coagulation, avec laquelle nous avons développé un lien très fort, ainsi qu’avec son propriétaire. Les référés sont une expérience collaborative très enrichissante, je ne reviendrai surtout pas en arrière !