MÉDECINE ÉQUINE
PRATIQUE MIXTE
Auteur(s) : PIERRE LEVEILLARD
Dans cet article, nous continuons la ronde des saisons du cheval au pré et des précautions qu’il convient de prendre pour que cette solution d’entretien des chevaux reste économique et sûre, malgré tout.
Le vétérinaire et son équipe répondent aux questions des clients parfois peu avertis. Après l’automne1, nous abordons les spécificités saisonnières liées au printemps.
Non, il faut le faire venir tout de suite car il est probable que le poney manifeste les premiers signes d’une fourbure.
La cause est bien connue et résulte d’une suralimentation. Les propriétaires ne réalisent pas que la pousse de l’herbe est brutale et intense et que le poney consomme une grande quantité journalière d’herbe nouvelle en plus de sa ration d’hiver qui est maintenue. Cela peut doubler voire tripler les apports, notamment glucidiques, et conduire à la fourbure.
C’est une affection grave avec des troubles vasculaires qui doit être traitée dès les premiers symptômes, en urgence. Certains poneys présentent des récidives tous les ans et d’autres, ou les mêmes, des complications parfois graves (abcès, chute et déformation du sabot) qui les handicapent lourdement et peuvent conduire à la nécessité d’euthanasie tant la douleur est intense.
En effet, le risque est important puisqu’il est déjà bien grassouillet… Il faut absolument limiter sa consommation d’herbe. Pour cela, il existe trois solutions.
1 - Le garder enfermé au box et le sortir une heure par jour, mais ce n’est pas une très bonne solution car le but initial est d’avoir un cheval au pré et, de plus, il va se gaver d’herbe en très peu de temps, ce qui risque de provoquer des coliques (les poneys ne sont pas raisonnables sur le plan alimentaire). On peut envisager de fractionner les sorties, mais cela complique la gestion du temps.
2 - L’équiper d’une muselière qui va le gêner dans la préhension de l’herbe et limiter sa consommation. Il faut bien la régler et l’entretenir et, surtout, éviter que le poney ne s’en débarrasse car une seule journée sans muselière et le risque augmente exponentiellement.
3 - Développer la technique dite du « fil avant ». Le poney est cantonné dans une petite surface par un fil électrifié qui l’empêche de consommer plus que ce que l’on lui attribue quotidiennement en avançant le fil. C’est la meilleure méthode, d’autant plus qu’elle permet de différencier poneys et chevaux selon la hauteur du fil avant qui permet aux chevaux de manger par-dessus sans autoriser le poney qui ne bénéficie que des restes ! (photo 1)
Nous l’avons déjà expliqué, la présence de résidus d’herbe sur certaines portions n’est pas le gage d’une quantité suffisante. Il ne faut pas sous-estimer l’apport en herbe fraîche au printemps, mais il ne faut pas non plus la surestimer. La consommation d’arbustes est un signe d’alerte mais la meilleure sécurité consiste à offrir du foin en permanence et en libre-service. Si les chevaux ont assez d’herbe fraîche ils ne toucheront pas le foin, s’ils ont épuisé les réserves consommables, ils l’attaqueront. Il faudra alors les changer de parcelle. Rappelons que certaines écorces sont dramatiquement toxiques (robinier faux acacia, par exemple) et que les chevaux les consomment surtout lorsque les arbres sont tombés (suite aux tempêtes et orages de printemps).
Faucher les refus est utile pour la prairie que l’on nettoie de ses mauvaises herbes et permet d’étaler les crottins, ce qui est favorable à la stérilisation par le soleil. En revanche, récolter ces résidus est une mauvaise idée : le foin sera de médiocre qualité et très contaminé, même si les conditions de séchage ne sont pas favorables au développement des parasites.
Il peut s’avérer plus rentable d’acheter du foin (apport en minéraux différents du foin de l’élevage et complémentaire) et, surtout, le rendement en valeur nutritive de l’herbe fraîche et du foin est largement en faveur du pâturage direct. D’autant plus que dans les régions chaudes, le séchage du foin compromet souvent la repousse de l’herbe d’automne puisqu’elle a grillé sous le foin au séchage.
Le traitement des chevaux est parfois nécessaire, mais plutôt avec des répulsifs que des insecticides. En revanche, le traitement des crottins est totalement inutile, et même contre-productif puisque certains insectes (bousiers) les détruisent activement et favorisent leur compostage accéléré.
L’idéal est le ramassage des crottins par des procédés mécaniques, la mise en fumier et la réutilisation des composts stérilisés après quelques mois comme engrais, mais ce n’est pas toujours faisable et c’est coûteux en matériel et en main d’œuvre.
Pour les chevaux, il ne faut pas négliger les moyens mécaniques de protection (masques, ventilateurs et queues des congénères, qu’il ne faut pas couper trop courte).
En effet, certaines fleurs et/ou plantes sont toxiques pour les chevaux. Dans la très grande majorité des cas, si le cheval n’est pas affamé, il ne consommera pas les plantes ou fleurs toxiques (bouton d’or, millepertuis, colchiques, etc.). Il est très adroit et ne se trompe pas ; lorsqu’il saisit ses aliments, avec ses lèvres, il repousse les non consommables.
Malgré tout, quelques cas d’intoxication par des fleurs et/ou des plantes sont décrits. L’une des plus redoutables est la Porcelle enracinée (Hypochaeris radicata) : cette fleur résiste très bien à la chaleur et à la sécheresse de fin de printemps. Elle a envahi beaucoup de prairies dans le sud de la France où elle pousse toute l’année (photo 2). Seules les fleurs sont toxiques, et heureusement, la majorité des chevaux ne les mange pas. Seuls certains rares chevaux y prennent goût et finissent par en absorber de grandes quantités, ce qui conduit à la manifestation du « harper australien », qui se traduit par un mouvement saccadé et hypermétrique des jarrets en flexion et, parfois, des complications plus graves de dysphagie (photo 3). D’autres plantes seraient incriminées à un moindre degré, comme le pissenlit, qui pousse tout au début du printemps, la Porcelle des sables ou la mauve.
L’éradication de la plante est totalement impossible car elle est présente partout, il faut donc retirer le cheval du pré car cette habitude vicieuse ne disparaît pas chez les rares chevaux qui en sont atteints. La disparition des symptômes après sevrage peut être très retardée (plusieurs mois).
1. Voir supplément ASV n° 137, pages 10-12.
Le printemps, avec la pousse rapide de l’herbe, est surtout marqué par des affections liées à la suralimentation, et ceci sur les chevaux type poneys et/ou en état d’engraissement excessif.
Les températures moyennes et les pluies souvent généreuses sont bien supportées, car les chevaux ont encore leur poil long d’hiver qui les protège parfaitement.
La faculté de discernement du cheval est grande, et il faut connaître les quelques toxiques susceptibles de provoquer des troubles graves, selon les régions.
Un apport en libre-service de foin et d’eau est l’une des conditions primordiales de sécurité du cheval au pré.
La qualité des clôtures est aussi un élément essentiel de sécurité au printemps, car l’appétence de l’herbe nouvelle est considérable chez les chevaux et beaucoup cherchent à s’échapper chez le voisin, ou « l’herbe est toujours plus belle ».