Dossier
Auteur(s) : Sabine Launoy-Carbon
Fonctions : Docteur vétérinaire,
praticienne dans les Vosges.
Ça bouge en dentisterie vétérinaire ! De nouvelles techniques de diagnostic et de soins dentaires se développent pour le chien et le chat.
Discipline en plein essor, la dentisterie associe des compétences spécifiques en médecine et en chirurgie. De plus en plus de vétérinaires suivent des formations pratiques dans le domaine1, leur permettant de réaliser de véritables soins dentaires, de l’extraction chirurgicale à la pose d’implant. Avec ces nouvelles techniques, ils entraînent tout le personnel soignant vers une nouvelle approche des soins buccodentaires. L’ensemble de l’équipe devra aussi utiliser la même terminologie : on ne dit plus “détartrage” mais “soins buccodentaires” ; on n’“arrache” plus les dents, on les “extrait” ; et les caries existent bel et bien chez les carnivores domestiques !
Lors de soins dentaires, il est indispensable que tout le monde parle de la même chose et, surtout, de la même dent. Pour se repérer, la mâchoire est divisée en quatre quadrants, en commençant par la mâchoire supérieure droite (pour l’animal), à qui est attribué le chiffre 100. En regardant l’animal de face, et en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, la mâchoire supérieure gauche est associée au chiffre 200, l’inférieure gauche à 300 et l’inférieure droite à 400. Les dents sont ensuite numérotées à partir de l’incisive centrale : un croc est ainsi toujours la quatrième dent du quadrant (n° 104 pour le croc supérieur droit), et la carnassière la huitième.
La différence entre espèces canine et féline se fait sur le nombre de dents, inférieur chez le chat pour qui il manque les numéros 5 et 10 sur les mâchoires supérieures et les numéros 5, 6, 10 et 11 sur les mâchoires inférieures.
Cette carte dentaire ou “charte” (de l’anglais chart) est un document incontournable en dentisterie. L’auxiliaire y note les lésions observées et les soins effectués. En pratique, un code couleur peut être utilisé pour désigner une carie, une fracture dentaire, une dent absente, une furcation visible (bifurcation des racines), une hyperplasie gingivale, une dent mobile, une dent extraite, une masse, etc. Le mieux est d’utiliser une double charte avant/après la réalisation des soins (figure et photos 1 et 2). Ces documents sont remis au propriétaire après qu’une copie (duplicata couleur ou scan) ait été faite et archivée dans le dossier de l’animal.
Lors de chirurgie dentaire, pouvant être longue, un auxiliaire vétérinaire est dédié à la surveillance anesthésique. Il aura méticuleusement préparé le matériel, anticipera les besoins du vétérinaire et remplira précisément les chartes.
Une consultation avec le vétérinaire qui prendra en charge l’animal est obligatoire avant les soins, afin que le praticien explique ce qu’il va faire. Les soins buccodentaires sont difficiles à estimer sur animal vigile : nombre de lésions sont découvertes après détartrage et radiologie dentaire.
Il est donc compliqué d’établir un devis sur un simple coup de téléphone. Si le client insiste, il convient d’expliquer en détail ce que le devis comprend : une anesthésie générale sous relais gazeux, un détartrage-polissage, un bilan radiologique dentaire, un bilan pré-anesthésique selon l’état général du chien, un nombre (imprécis !) d’extractions dentaires, la gestion de la douleur pré-, per- et postchirurgicale, les médicaments postopératoires, etc.
Le matériel de dentisterie peut paraître compliqué et l’unité dentaire une machine indomptable. Mieux les connaître permettra de participer à une chirurgie dentaire avec plaisir.
Un détartrage – systématiquement terminé par un polissage – est réalisé au préalable de tout, c’est-à-dire avant l’examen avec l’instrumentation manuelle, la radiologie dentaire, la chirurgie dentaire ou les extractions, les techniques de collage, etc.
Les chirurgies dentaires se déroulent idéalement dans une salle dédiée aux interventions dites “sales”. Elles nécessitent un équipement spécifique : une instrumentation rotative. Deux types d’unités dentaires existent (électrique ou pneumatique), selon l’énergie utilisée pour la rotation des instruments. Ces appareils sont souvent composés d’un moteur, d’un détartreur ultrasonique et d’un compresseur.
Il conviendra de faire très attention à ces machines, car l’instrumentation rotative tourne à très grande vitesse (afin de couper des dents). Pour des raisons de sécurité, il est impératif que le personnel soignant utilise les contre-angles avec les fraises montées seulement si elles reposent sur leur socle.
Pour que l’ensemble du matériel dentaire ne devienne pas un ennemi, la mise en route se déroule selon une procédure particulière (encadré). Il est également conseillé de mettre des étiquettes sur chaque fonction de l’appareil (détartreur, micromoteur, etc.).
Le détartrage est suivi d’un examen minutieux de la cavité buccale. Des instruments manuels de dentisterie sont utilisés à cet effet. Ils constituent la première boîte de chirurgie dentaire : sonde parodontale (en forme de faucille graduée, qui permet de mesurer la profondeur des poches), sonde dentaire pointue (pour examiner les fractures dentaires, les carries) et diverses curettes pour retirer un tartre tenace.
Une seconde boîte contient les instruments d’extraction (élévateurs, luxateurs, daviers), de formes et de tailles correspondant aux habitudes du praticien.
Une troisième boîte est dédiée aux sutures des tissus mous, si des extractions chirurgicales sont réalisées (photo 3).
Chez le chien comme chez le chat, l’usage du pas-d’âne est déconseillé, car il provoque trop de tension sur l’articulation temporo-mandibulaire de l’animal. Une autre boîte, spéciale nouveaux animaux de compagnie (NAC), contenant des instruments adaptés à leur bouche longue et étroite, un pas-d’âne spécial, une rape manuelle à dent, etc., complète le petit matériel dédié aux soins de dentisterie.
Un pot de formol, pour une éventuelle histologie, doit être à portée de main. Et il convient de préparer de nombreuses compresses non stériles. Le détartrage et la chirurgie dentaire provoquent beaucoup d’humidité et de saignements dans la bouche. Il est ainsi utile de réaliser un “pack pharyngé” pour éviter que ces liquides inondent le pharynx (photo 4), mais en veillant absolument à ne pas le laisser en place une fois l’intervention terminée. Le pack pharyngé est réalisé en jumelant deux compresses avec des restes de fils pour que l’opérateur n’ait plus qu’à tirer dessus en fin de chirurgie. Il est judicieux de les préparer dix par dix, pour toujours disposer d’un stock suffisant durant les soins (photo 5).
Enfin, les règles de nettoyage et de décontamination habituelles s’appliqueront à tous les instruments (dont les inserts, fraises, clés, pièces à main, contre-angles, etc.) avant la stérilisation. En effet, les contaminations virales, herpèsvirus, virus de l’immunodéficience féline (FIV) ou encore leucose féline (FeLV), constituent un risque permanent en dentisterie féline. Les locaux doivent aussi bénéficier d’une décontamination de surface.
En dentisterie, l’examen d’imagerie de choix est la radiologie : dentaire ou rétroalvéolaire (directement dans la bouche). Les principes de radioprotection s’y appliquent : optimisation, justification, limitation. Si la clinique est équipée en radiologie numérique, il convient de créer la fiche du client et de préciser l’espèce concernée sur le logiciel de développement. Ainsi, la charte sera directement reliée au cliché pris. Le nombre d’images à réaliser est fonction de l’espèce animale et des conclusions de l’examen manuel (à la sonde) postdétartrage.
La radiologie dentaire permet de détecter des lésions importantes et non visibles cliniquement (42 % des cas chez le chat et 28 % chez le chien). Des lésions péri-apicales (pulpite), par exemple, se développent à la suite du comportement masticatoire de l’animal (balle de tennis) : la dent est morte, mais c’est invisible à l’œil nu. De même, 70 % des chats âgés souffrent de résorptions dentaires multiples, révélées à la radiographie.
Une radiographie rétroalvéolaire est pratiquée en cas de :
– déplacement ou fracture de dent, notamment à la suite d’un accident de la voie publique (photo 6) ;
– déplacement ou fracture de structures osseuses dans la mâchoire ;
– modification de couleur ou de structure de la dent ;
– mobilité dentaire ;
– masse buccale ;
– carie découverte au cours d’un détartrage ;
– extraction de dents : en pré- puis en postopératoire.
Grâce à ces clichés, des lésions vont être découvertes, amenant la réalisation de soins supplémentaires au détartrage.
Le collage consiste à poser une résine qui maintient temporairement les dents après leur remise en place (photo 7). Le matériel nécessaire comprend une seringue air-eau pour le séchage des résines, une lampe à photopolymériser (dont il faut enlever les piles après chaque utilisation) et une série de consommables (dont la péremption est vérifiée, photo 8).
Un collage simple s’effectue en trois étapes, après le détartrage-polissage des dents.
• Mordançage : application d’un gel de mordançage puis rinçage et séchage (sous la seringue air-eau de l’unité dentaire). Le mordançage provoque une porosité de l’émail pour ancrer les résines.
• Pose d’une résine fluide par polymérisation (avec la lampe à photopolymériser). Cette résine servira de colle.
• Pose d’une résine composite fluide, puis séchage. Cette couche de résine maintient les dents entre elles.
L’animal demeure ainsi pendant 15 jours. Il s’alimente en lapant une nourriture semi-liquide. Une anesthésie générale sera nécessaire au retrait de la résine.
D’autres techniques innovantes de dentisterie vétérinaire réservent sans doute de nombreuses surprises pour les années à venir : restauration dentaire, prothèse, orthodontie, etc.
1 Par exemple, le plan modulaire du Groupe d’étude et de recherche en odontostomatologie vétérinaire (Geros) de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac).
• Mise en route du compresseur, vérification de la pression (connaître la pression minimale de fonctionnement du micromoteur).
• Mise en pression de la pompe à eau (changer l’eau régulièrement, utiliser de l’eau déminéralisée avec un désinfectant pour éviter la prolifération des algues et contrôler deux fois par an le filtre).
• Mise en tension de l’appareil.
• Vérification que l’eau et l’air arrivent par la seringue air-eau. Si, à ce stade, il n’y a pas d’air ou d’eau : ne pas aller plus loin et résoudre le problème.
Fonction détartreur
• Préparer les inserts du détartreur, mettre en place l’insert supra-gingival, garder la clé à proximité et s’occuper des autres inserts pour le détartrage et le débridement sous gingival.
• Position détartrage, sortie eau activée : vérification du fonctionnement par activation de la pédale. Régler alors la puissance et l’arrivée d’eau sur socle.
Fonction micromoteur
• Préparer les fraises dans une boîte à part selon les habitudes du vétérinaire. Au moins trois sont utilisées (forage de l’os alvéolaire, séparateur des racines, nettoyage des alvéoles). Préparer le contre-angle de polissage, monté avec une cupule, et sortir la pâte à polir. Le polissage se fera toujours avec le contre-angle bleu (petite vitesse), eau coupée.
• Monter la première fraise sur le contre-angle rouge (grande vitesse).
• Position micromoteur, sens de rotation vers la droite, sortie eau activée : vérification du fonctionnement sur socle (en activant la pédale, la fraise doit tourner à grande vitesse sous un filet d’eau, le contre-angle ne doit ni faire de bruit ni chauffer).
• Se remettre en position détartrage en attente du vétérinaire.
À la fin de la chirurgie
• Extraire tous les instruments à stériliser, éteindre l’unité dentaire, couper le compresseur, vider la pression de la pompe à eau.
• Nettoyer l’unité dentaire avec des lingettes désinfectantes.
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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
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