La DGAL incite les coopératives à devenir importateurs - La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005

Importations de médicaments. Une note de service maladroite

Actualité

Auteur(s) : Éric Vandaële

Le ministère de l'Agriculture explique et donne son éclairage sur le décret “importations” du 27 mai dernier. Sans le vouloir, il attise l'intérêt des coopératives.

Début juillet, une note de service(1) diffusée par le ministère de l'Agriculture décrit les différentes voies d'importation de médicaments vétérinaires. La Direction générale de l'alimentation (DGAL) y explique et interprète l'important décret “importations” paru le 28 mai dernier(2).

Selon la note de la DGAL, les différences de prix qui existent au sein de l'Union européenne peuvent être à l'origine d'importations parallèles. Toutefois, le décret tel qu'il est publié ouvre aussi aux laboratoires une nouvelle voie d'enregistrement de génériques européens, équivalents à un médicament de référence “princeps” en France. Dans ce cas, ce n'est pas nécessairement l'écart de prix entre deux pays qui justifie l'importation. En effet, les conditions d'autorisation d'importation parallèle n'exigent pas que le médicament importé soit identique à celui de référence en France. Il doit seulement être de la même composition en principes actifs et de la même forme pharmaceutique, être destiné aux mêmes animaux et avoir des effets thérapeutiques identiques (pas nécessairement les mêmes indications). Tout cela permet d'envisager l'importation parallèle de génériques d'un médicament princeps.

L'écart de prix n'est pas le seul moteur de l'importation parallèle de médicaments

Seuls des établissements pharmaceutiques, des laboratoires, des “grossistes”, etc., peuvent être autorisés par l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) à réaliser de telles importations. En revanche, les vétérinaires, les pharmaciens ou les groupements agréés ne le peuvent pas. Mais, curieusement, la DGAL souligne qu'une « coopérative d'éleveurs autorisée comme distributeur en gros de médicaments vétérinaires peut effectuer des importations parallèles »… A deux ou trois exceptions près (Noé Socopharm, par exemple), les coopératives d'éleveurs ne sont pourtant pas des distributeurs en gros de médicaments. Cette petite phrase, sans être erronée, n'est donc ni très réaliste, ni très opportune… sauf si elle veut inciter à la constitution de ce type de groupements d'achats de médicaments par les éleveurs. En recevant cette note de service, des coopératives agricoles ont d'ailleurs envisagé d'importer elles-mêmes, pour le compte de leurs éleveurs adhérents, des médicaments moins chers dans les pays européens. Heureusement, les contraintes des établissements pharmaceutiques sont tellement élevées, et si peu en rapport avec celles d'une coopérative agricole, qu'il est peu probable qu'elles soient nombreuses à décider de se lancer dans ce type d'importations parallèles.

En outre, la DGAL oublie de signaler que les délais très courts d'instruction des demandes d'autorisation d'importation parallèle sont suspendus dès lors que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) fait une demande de complément d'information sur le médicament concerné.

Pour les importations personnelles, la note de service interprète le décret d'origine

Pour les importations personnelles, dites à but thérapeutique (voir tableau), la note de service s'éloigne davantage du texte d'origine, qui est aussi plus complexe et sujet à interprétation. Elle exclut ainsi toute importation personnelle dans un but économique pour ne se concentrer que sur celle qui entre dans le champ de la cascade, quand aucun médicament vétérinaire avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France n'est approprié (y compris “hors AMM”). Elle mentionne, curieusement, la possibilité d'importer dans ce cadre des médicaments autorisés depuis des pays tiers (hors de l'Union européenne). Cela est pourtant contraire aux dispositions européennes sur la cascade qui ne permettent ces importations que pour des médicaments autorisés dans l'un des pays membres(3). L'interprétation de la cascade ouverte par cette note de service permet donc de recourir à un arsenal plus large que ne le prévoit la réglementation communautaire. Toutefois, l'Afssa pourra, dans le cadre de la cascade, refuser l'importation d'un médicament provenant d'un pays tiers.

Pour les animaux de compagnie, l'autorisation d'importation n'est pas nécessaire si leur propriétaire voyage avec eux et quelques médicaments non immunologiques en quantités limitées à trois mois de traitement. Dans les autres cas, la demande d'importation est effectuée soit par le propriétaire pour les médicaments sans prescription, soit par le vétérinaire ou le pharmacien pour ceux sur ordonnance (qui relèvent alors nécessairement de la cascade).

Pour les productions animales, l'autorisation de l'Afssa est toujours nécessaire, présentée par un vétérinaire ou un pharmacien, et doit toujours correspondre à une prescription dans le cadre de la cascade.

La note de la DGAL ne mentionne pas la possibilité pour un établissement pharmaceutique de réaliser des importations à but thérapeutique dans le cadre de la cascade… Le décret, lui, ne s'y oppose pas.

L'administration n'envisage pas de contrôle à la douane ou lors de l'importation

Enfin, la note n'indique comme seuls contrôles et sanctions que ceux qui s'appliquent aux vétérinaires et aux détenteurs d'animaux. Or il est également possible de contrôler la présence de médicaments importés illégalement davantage en amont : au passage des frontières, lors du transport, dans un établissement pharmaceutique ou… une coopérative.

Les sanctions pénales sont de 30 000 € d'amende et/ou deux ans de prison (selon l'article L. 5441-8 du Code de la santé publique principalement). Les sanctions ordinales encourues par les vétérinaires sont disciplinaires et vont jusqu'à la suspension d'exercice. La note rappelle que les directions des services vétérinaires peuvent saisir directement les conseils régionaux de l'Ordre. Les sanctions administratives pour l'éleveur pourraient être, selon la DGAL, la séquestration des animaux, leur abattage et leur destruction (article 234-3 et 234-4 du Code rural).

(1) Note de service DGAL/SDSPS/N2005-8160 du 20/6/2005 parue dans le bulletin officiel du ministère de l'Agriculture.

(2) Décret 2005-558 du 27/5/2005, JO du 28/5/2005 (voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1186 du 11/6/2005 en pages 6 et 8).

(3) Art. 10 et 11 de la directive 2001/82 modifiée par la directive 2004/28.

Le décret “importations” est déjà contesté

En l'absence de dispositions réglementaires permettant les importations parallèles, les ministères de la Santé et de l'Agriculture ont laissé se développer un trafic de médicaments vétérinaires depuis la frontière espagnole. Ce trafic est pourtant illégal vis-à-vis de nombreux autres points du Code de la santé publique. Le décret paru ne semble pas avoir permis de diminuer significativement l'importance de ce trafic entre l'Espagne et la France durant la période estivale. D'autant que ses promoteurs ont choisi d'attaquer la conformité de ce nouveau décret devant le Conseil d'Etat, voire devant les institutions européennes si nécessaire.

Ce décret a déjà fait couler beaucoup d'encre, plusieurs mois, voire plusieurs années avant sa parution. Il en a fait aussi couler beaucoup lors de sa publication. Et il en fera certainement couler encore davantage dans les mois et les années à venir.

É. V.
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