LES VÉTÉRINAIRES VEULENT RESTER ACTEURS DE LEUR FORMATION - La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005

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Auteur(s) : Marine Neveux

L'Union européenne va dans le sens d'une recommandationde formation continue tout au long de l'exercice.Les confrères ont déjà l'habitude de se former. Néanmoins,ils préfèrent que la profession se prenne en main pour éviterde subir d'éventuelles contraintes réglementaires.La formation continue est aussi au banc d'essai dans le cadre du mandat sanitaire.

Etre tenu de se former, c'est bien beau, mais qui sera chargé de nous l'imposer ? », s'interroge notre confrère Jean-Claude Jestin, praticien à Paimpol (Côtes-d'Armor). Que la formation continue devienne obligatoire est en effet une perspective qui suscite l'intérêt des confrères, mais aussi leur inquiétude. « En premier lieu, notre profession n'a jamais attendu après qui que ce soit pour se former avec ardeur et passion. Ensuite, qui a vu quelqu'un faire de bon cœur quelque chose par obligation ? », poursuit Jean-Claude Jestin.

Selon un sondage réalisé sur le site Planete-vet.com () 57,5 % des confrères sont favorables à la formation continue obligatoire. Toutefois, des interrogations se font jour sur ses modalités d'application. Faut-il penser à un agrément ? Qui l'attribuera ? Y aura-t-il un contrôle et selon quelles méthodes ? Comment ne pas être juge et partie ?

Se tenir au courant des données récentes de la science, les praticiens y sont déjà rodés dans leur exercice quotidien. « Je suis personnellement favorable à la formation continue obligatoire, car elle remplace cette épée de Damoclès que constituent les données éclairées de la science devenues inatteignables », témoigne un confrère. « C'est un rempart intéressant contre les éventuels doutes des clients », poursuit une consœur exerçant à Paris. « Les congrès sont un lieu d'échanges inestimables, tant sur le plan technique qu'humain », estime un autre praticien.

La réflexion sur la formation continueest amorcée dans les pays européens

La réflexion sur l'obligation de formation continue est également menée à l'échelle européenne. Si les principales questions sont posées au sein de l'Union, les réponses demeurent encore embryonnaires et nationales. Par exemple, la Hongrie et la Slovénie ont adopté un système de renouvellement du droit d'exercice lié à la preuve de formation continue. Les confrères anglais, de leur côté, ont opté pour une carte (voir interview ci-contre), etc.

Dans ce contexte, plusieurs praticiens estiment qu'il faut « se prendre en main » et organiser la formation au sein de la profession afin que l'obligation ne soit pas une décision éventuellement prise un jour par des instances qui méconnaissent les réalités de terrain.

La démarche de formation au long cours suppose une évaluation

« Il est impossible d'exercer pendant toute une carrière sans formation, reconnaît Claude Laugier, responsable de la commission formation au Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL). Le contrôle des connaissances et l'évaluation des compétences sont des notions qui existent dans de nombreux corps de métiers, c'est une démarche qui s'inscrit dans un souci de respect de l'usager. » La formation continue va dans le sens plus large de la qualité, mais aussi du respect de certaines règles législatives. Les laboratoires sont déjà soumis à des normes, des certifications, etc. « Pour la radioprotection, par exemple, la profession a dûs'organiser pour répondre à des contraintes réglementaires. Formavéto a, dans ce cadre, été obligé de mettre en place un contrôle des connaissances validant et les formateurs sont obligatoirement agréés. »

Pour envisager la mise au point de la formation au long cours, Claude Laugier estime qu'il faut « identifier une demande de la part des praticiens, puis évaluer si c'est dans le champ de compétence de l'organisme de formation et, enfin, si c'est réalisable d'un point de vue logistique, en jouant la carte de la proximité pour rendre la formation facilement accessible aux confrères ».

« Pour être objectif, le seul fait de s'inscrire à une formation est-il suffisant ? », s'interroge un confrère. « La dernière sanction, c'est le client, explique Claude Laugier. La réflexion est en cours en France. Il existe un début de pointage, mais il n'a pas de valeur quantitative reconnue. » En outre, « pour mettre en place une estimation qualitative, il faut que la démarche intègre toutes les étapes : évaluation du formateur, de l'organisme, du type de formation (pratique ou théorique, e-learning, etc.). Pour quantifier les formations, un cahier des charges répertoriant des critères objectifs est alors nécessaire », précise Claude Laugier.

Des associations attribuent déjà des points ou des crédits d'heures

Au niveau hexagonal, le Conseil national vétérinaire de la formation continue et complémentaire (CNVFCC), présidé par Christian Rondeau, suit ce dossier. En outre, l'Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), l'Association vétérinaire équine française (Avef) et la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) ont déjà testé des grilles d'évaluation de leurs formations par les participants.

L'Afvac a en outre distribué ses premiers points de formation en janvier dernier. « C'est un outil associatif, explique Didier-Noël Carlotti, son président. Il permet à chacun de nos adhérents de quantifier sa formation continue. Pour l'instant, cela ne concerne que les réunions, mais d'autres moyens de se former pourraient être intégrés au système (abonnements, ouvrages, etc.). » En revanche, « envisager d'évaluer la compétence acquise par les participants serait illusoire », estime-t-il. « Nous devons faire confiance aux confrères. Nous évaluons l'information délivrée, mais nous ne sommes pas là pour évaluer le message reçu, conclut-il. La démarche est différente pour le spécialiste. Pour ce dernier, je suis fondamentalement favorable aux systèmes des collèges européens qui réévaluent tous les cinq ans les confrères diplômés. »

L'important est d'offrir des formations riches et diversifiées

Pour Christophe Brard, président de la SNGTV, le but n'est pas « de se précipiter, mais d'être prêts si la formation continue devient obligatoire ». « Nous devons valoriser le travail de formation qui est déjà réalisé par nos confrères, car il est conséquent, poursuit-il. Mieux vaut garder un système libre assez souple et prendre en compte les moyens pédagogiques à venir. En effet, certains praticiens lisent beaucoup, d'autres préféreront par exemple un enseignement en e-learning. Le but n'est pas de forcer tout le monde à assister aux congrès, mais de reconnaître les modalités de formation préférées des confrères. » « L'important est d'avoir une offre de formation assez riche et diversifiée », conclut Christophe Brard.

Le conseil sur la formation continue de l'Avef, dont notre confrère Jean-Marc Betsch assure la coordination et notre confrère Richard Corde la présidence, garantit aussi une meilleure coordination des formations équines. Les premiers “crédits d'heures de formation” sont attribués depuis le début de l'année. Une démarche de qualité est en outre mise en place visant le contenu et l'organisation des formations. Un questionnaire d'évaluation des conférences a ainsi été distribué aux participants lors des journées annuelles à Pau, en octobre dernier. Les crédits heures sont attribués après le retour des questionnaires à l'association.

Les modalités financières associées soulèvent aussi des questions

« Dans quel cadre rigide va-t-on faire entrerla formation continue ? Prendra-t-on en compte le fait que je me forme à mes frais en lisantdes revues, en réalisant des autopsies dansmon arrière-clinique ou en faisant des stages chez des amis spécialisés, voire hors du territoire national ? », s'interroge Jean-Claude Jestin. Le critère économique est parfois évoqué comme un frein à la formation, de même que la difficulté à se faire remplacer pour pouvoir participer à un congrès.

Selon notre consœur Sophie Darrouzet, praticienne à Villebon-sur-Yvette (Essonne), « s'il est en effet indispensable de continuer à se former tout au long de l'activité professionnelle, il est difficile, pour beaucoup d'entre nous, de payer de telles journées de formation. Je travaille à temps partiel, non par choix, mais parce qu'il n'y a que ce type de propositions dans la région où je vis. Je pense que de nombreux confrères et surtout de consœurs, se retrouvent avecdes salaires qui ne leur permet pas d'accéder à la formation. Il reste alors les conférences offertes par les laboratoires, que je ne rate pas. Toutefois, elles demeurent trop ponctuelles pour assurer une bonne remise en question de nos connaissances. Quant aux revues professionnelles, leur coût rend l'abonnement impossible, même s'il reste la possibilité de les lire en vitesse pendant les demi-journées de travail. En résumé, formons-nous, mais donnez-nous les moyens de le faire ! ». Plusieurs enseignements sont déjà pris en charge par le Fonds interprofessionnel de formationdes professionnels libéraux (Fif-PL). En comparaison avec les autres professions, Christophe Brard estime que « les formations vétérinaires sont financièrement peu coûteuses, même si leur organisation nécessite des budgets qui sont non négligeables ».

« Le futur diplômé sera formé à plus d'autonomie pour son apprentissage »

Il convient de se souvenir des raisons pour lesquelles le recours à la formation continue obligatoiredès le début de la vie professionnelle a été proposé. La formation initiale des vétérinaires devientde plus en plus complexe. Notre profession souhaite le maintien d'un diplôme généraliste.Cela est aussi vrai dans nombre de pays étrangers confrontés aux mêmes difficultés.

L'exercice vétérinaire s'est considérablement compliqué par la mise en place de filières qui nécessitent des connaissances complètes et précises pour chacune d'elle.

Il paraît illusoire d'avoir la prétention de donner la totalité des savoirs, des savoir-faire et du savoir-être pour chacune des modalités d'exercice de la profession… à moins d'envisager d'allonger de façon notable la durée des études. Ainsi, les choix qui sont retenus dans la réflexion sur les cursus consistent à donner aux futurs diplômés des connaissances générales et d'autres plus approfondies dans un domaine donné pour leur permettre de disposer des savoirs et savoir-faire indispensables dont ils auront besoin pour débuter une vie professionnelle(c'est le day one skills des Anglo-Saxons). Le corollaire de ce choix réside dans le faitque le futur diplômé sera formé à plus d'autonomie pour son apprentissage, autonomie nécessaire durant sa vie. La profession semble consciente de la nécessité d'instaurerune formation continue. Il lui appartient de définir les modalités de sa mise en œuvre (suivi de réunions professionnelles, présentations de cas cliniques, etc.) avec toutesles parties concernées.

Propos recueillis par M.N
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