La notion de pré “paradis” a ses limites
Formation continue
ÉQUIDÉS
Auteur(s) : Sophie Paul-Jeanjean
Mettre au vert un cheval de sport est une situation fréquente pour laquelle le praticien est parfois consulté. Si les bienfaits du pré sont rarement mis en doute, les effets délétères ne sont pas toujours bien appréhendés.
Pour mettre au pré un cheval ou développer ses performances, les questions qui se posent sont similaires : l’animal en est-il capable physiquement ? Sait-il et veut-il y aller ? En général, les bénéfices sont positifs sur le comportement du cheval et sur la charge de l’exercice. Mais la notion de pré “paradis” a ses limites : il convient de prendre en compte de nombreux paramètres avant de décider d’y mettre un cheval.
Prairie, pré de fauche, pré, herbage, pâturage, pacage (plus pauvre), paddock : il existe toutes sortes de prés. La population animale qui y vit, la nature du sol, la végétation, les dimensions et les clôtures diffèrent. L’herbage et la prairie se retrouvent plutôt en milieu agricole. Le paddock de 20 m sur 20 m est quant à lui souvent utilisé pour l’élevage comme pour l’entraînement, tout au long de l’année. Il permet un exercice mieux contrôlé.
Quel que soit le type de pré, il convient d’évaluer ses qualités biomécaniques, par exemple à l’aide d’un pénétromètre ou plus simplement d’une canne. L’apparition de l’ostéochondrose a un peu sensibilisé les éleveurs à veiller à la nature du sol, notamment pour les poulains.
En élevage, un herbage de grandes dimensions, plat ou faiblement vallonné, naturellement drainé avec une végétation homogène, est à préférer. Il permet l’adaptation de l’appareil locomoteur en toute sécurité grâce aux qualités d’élasticité et de pénétrabilité du sol.
Pour les chevaux à l’entraînement, un paddock de petites dimensions avec un sol en sable, facile d’entretien, convient davantage au début.
L’augmentation et la meilleure répartition de l’exercice sont l’un des aspects positifs de la mise au pré. Par rapport au box, le temps consacré à la prise alimentaire est augmenté. Le fait de brouter induit une flexion de l’encolure, une ventroflexion de l’axe vertébral dans sa portion thoracique moyenne, mais les abdominaux et les psoas restent inactifs : le dos se “défait”. Les postures sont variables d’un cheval à l’autre, mais souvent identiques chez un même individu. Il est important de les observer. Les poulains peuvent notamment développer certaines déformations, comme le pied bot.
Les déplacements correspondent à un exercice contrôlé profitable pour le cheval sain. Mais les animaux qui présentent des douleurs d’origine orthopédique prennent des attitudes antalgiques qui semblent normaliser la locomotion, alors qu’ils ne font que s’adapter en limitant la fonction d’une articulation douloureuse. Le pré devient plutôt “blanchisseur” que guérisseur !
Des temps d’exercices incontrôlés plus ou moins longs et intenses permettent à l’observateur averti de juger des allures naturelles du cheval. Les effets de la mise au pré sont aussi liés à l’environnement : le sol irrégulier développe la proprioception, mais l’articulation du boulet peut en souffrir.
Les effets métaboliques de la mise au pré sont aussi à prendre en compte : surcharge pondérale, altération de la pousse de la paroi du sabot, risque de fourbure. La flore de certains pâturages peut en outre être responsable de troubles graves tels que harper, myopathie atypique, etc.
Le pâturage conditionne l’élevage. Les chevaux qui ne peuvent en bénéficier présentent des troubles de la croissance, de socialisation et d’adaptation de l’appareil locomoteur à la vitesse. Le pré est souvent utilisé comme habitat principal pour les chevaux de loisirs et d’endurance et comme habitat régulier pour les chevaux de sport (grâce à l’utilisation de couvertures de pré). C’est également un bon moyen de décompression après certaines périodes de compétition (par exemple après la qualification chez les jeunes trotteurs).
En outre, la compagnie des autres chevaux socialise les individus, ce qui peut être intéressant pour des animaux qui présentent des troubles comportementaux.
Certaines règles de désentraînement contrôlé doivent être suivies avant la mise au vert pour éviter les accidents de pré. En outre, il est souhaitable d’envisager un examen clinique général et orthopédique trois semaines après. Certains chevaux dorsalgiques, souffrant d’arthropathie métacarpophalangienne ou de tendinite proximale du suspenseur du boulet, voient en effet leur état s’aggraver pendant cette période.
La mise au pré est parfois envisagée comme traitement pour les chevaux poussifs et les juments qui présentent des troubles ovariens, par exemple.
Lors de longue convalescence de l’appareil locomoteur, la mise au pré immédiate est dangereuse. Il est nécessaire de respecter au préalable une phase de repos et de réhabilitation au box (mobilisations passives, exercice contrôlé, période de paddock) dont la durée diffère selon les affections (voir tableau).
En période périopératoire, la mise au pré est également à soupeser. Elle est souvent déconseillée avant certaines interventions chirurgicales, car elle peut occasionner une instabilité articulaire, la libération de fragments ostéochondraux ou une hémorragie intratendineuse. Après l’opération, il convient d’attendre que le cheval soit remis au travail à un certain niveau. Une remise au pré trop précoce après une ostéochondrose peut, par exemple, entraîner la réapparition de vessigons.
En revanche, la mise au pâturage convient bien à la retraite des chevaux. Un examen médical général de santé est toutefois conseillé après trois semaines pour vérifier que tout se passe bien. Par la suite, les douleurs dentaires, le parasitisme, l’avitaminose et les cardiopathies sont à surveiller. Durant la retraite, les troubles locomoteurs ne s’expriment pas forcément par des boiteries évidentes. Les animaux mettant en place des mécanismes compensateurs, ils souffrent souvent d’arthropathies chroniques qui, en fin d’évolution, se traduisent par des difficultés à suivre le troupeau, à se coucher, à se relever et à se rouler.
Francis Desbrosse, praticien à la clinique équine La Brosse, Saint-Lambert-des-Bois (Yvelines), membre du conseil d’administration et responsable des commissions de l’Association vétérinaire équine française (Avef).
D’après la conférence « Pâturage et appareil locomoteur du cheval : bienfaits et méfaits de la mise au pré, tour d’horizon » présentée lors du congrès annuel de l’Avef à Montpellier (2003) et actualisée.
Pour les jeunes chevaux (deux ans pour les chevaux de course, trois ans pour les chevaux de sport), la mise au pré permet l’adaptation du système locomoteur : d’abord l’appareil tendineux et ligamentaire, puis le squelette.
La qualité des produits des haras dépend ainsi de l’adéquation entre la génétique et l’utilisation des herbages.
Pour les chevaux adultes maintenus à l’entraînement et mis au pré de façon intermittente, il existe certaines contraintes, notamment au niveau de la ferrure.
En général, les fers orthopédiques sont peu compatibles avec la mise au paddock en raison des risques de déferrage et de blessure. Il convient d’équiper le cheval de différentes protections (cloches, guêtres, etc.) et de lui apprendre à sortir de façon régulière.
Les modalités de mise au pré d’un cheval de sport arrêté temporairement sont aussi particulières. Le cheval n’est plus entraîné. L’apport énergétique est diminué de moitié. Une à trois séances de désaturation sont requises en quinze jours, afin de réaliser une protection contre les accidents métaboliques.
Néanmoins, le cheval conserve sa puissance de travail environ trois semaines, alors qu’il perd plus rapidement sa proprioception. Cette période est alors sujette à l’accident biomécanique.
Les poneys et les chevaux obèses sont à garder au box au printemps ou à l’automne, en raison des risques de fourbure.
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