Neuf troupeaux bovins sur dix sont ou ont été infestés par Fasciola hepatica - La Semaine Vétérinaire n° 1194 du 17/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1194 du 17/09/2005

Affection parasitaire des bovins

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

L’Observatoire de la grande douve a révélé les premiers résultats de son enquête. « Une intolérance réfléchie » est la seule attitude à adopter vis-à-vis du parasite, selon les experts.

L’année 2005 serait-elle celle de la grande douve ? En effet, les enquêtes nationales sur le parasite se multiplient(1). Elles ont le même but : sensibiliser les praticiens et les éleveurs à Fasciola hepatica, dont l’incidence dans les élevages est peut-être sous-estimée depuis plusieurs années. Or la grande douve n’est pas un parasite du passé. Sa répartition sur le territoire national est large. Pour le prouver, le laboratoire Novartis Santé animale a lancé une enquête nationale randomisée chez les vaches laitières et allaitantes, via son Observatoire de la grande douve (OGD), en 2004. Les premiers résultats ont été présentés lors d’une conférence, le 21 juillet dernier.

« Mesurer, sensibiliser, mobiliser », sont les trois actions clés de l’OGD. Il s’agit de mesurer avec une précision significative la prévalence actuelle de Fasciola hepatica, de sensibiliser les vétérinaires et les éleveurs à une analyse de risque face à ce parasite et de mobiliser les acteurs concernés autour d’actions de prévention raisonnées suffisamment simples pour être appliquées. Le comité d’experts de l’observatoire comprend quatre membres (voir ci-dessous).

Dans 90 % des élevages bovins testés, des gîtes à limnées existent ou ont existé

Les chiffres annoncés par les experts de l’OGD sont édifiants. Ainsi, plus de 90 % des exploitations testées sont ou ont été infestées par le parasite. Par ailleurs, dans 20 % des élevages, l’infestation est forte et la situation doit être considérée comme grave.

Le taux annoncé sous-entend que dans 90 % des élevages bovins testés, des gîtes à limnées existent ou ont existé. Le professeur Alain Chauvin, qui a déjà réalisé des études de prévalence plus localisées, n’est pas vraiment surpris par ce chiffre : « Nous pouvons observer des zones à risque particulièrement limitées, comme une mare dans une pâture de nuit de vaches laitières. » L’enquête révèle également que plus de la moitié des animaux présentent un taux d’anticorps élevé (supérieur à 50) dans 59 % des troupeaux (soit soixante-dix-huit). Par ailleurs, dans 63 % des élevages (soit quatre-vingt-trois), au moins un animal a un taux d’anticorps proche du témoin positif (plus de 80).

Ces résultats sont fondés sur la réalisation d’analyses sérologiques de sérums individuels et sur des coproscopies.

Un réseau de trente-deux vétérinaires sélectionnés dans quinze départements répartis dans les principales régions d’élevage a participé à l’étude. Chaque praticien a sélectionné dans sa clientèle une préliste de vingt élevages laitiers ou allaitants suspectés ou non d’être infestés par la grande douve. Six élevages ont été tirés au sort et, parmi eux, cinq ont été choisis pour l’enquête selon les disponibilités des éleveurs et les facilités de contention. Au lieu des cent cinquante effectifs envisagés au départ, cent trente-deux seulement ont été inclus dans l’essai. Vingt et un vétérinaires ont suivi le procotole à la lettre et ont réalisé des prélèvements au sein de cinq troupeaux. Deux en ont effectué quatre et quatre n’ont pu en faire que trois. Pour compléter les zones déficitaires, un praticien a effectué six prélèvements et un autre sept.

Au cours des six premières semaines de cette année, au sein de chaque effectif, dix génisses en gestation ou ayant vêlé depuis peu ont été choisies pour subir des prélèvements. Au total, mille deux cent soixante et une génisses ou jeunes vaches ont fait l’objet de prélèvements pour la réalisation d’analyses sérologiques et coproscopiques. Les matières fécales ont été adressées à l’école de Toulouse et les échantillons sanguins à celle de Nantes.

Un résultat positif suite à une coproscopie indique que le niveau de risque est élevé

Pourquoi avoir réalisé des coproscopies, dont la sensibilité est faible, parallèlement aux analyses sérologiques ? « Elles permettent d’élargir le débat à d’autres parasites », explique Philippe Dorchies, l’un des experts de l’OGD. Par ailleurs, un résultat positif signe une infestation de l’animal par au moins vingt douves adultes dans les canaux biliaires. Il s’agit d’un facteur de gravité immédiat. Une seule coproscopie positive dans un cheptel indique que l’infestation est active et que les parasites adultes disséminent des œufs dans leur environnement. Dans l’étude, tel est le cas pour quarante et un bovins appartenant à vingt-six troupeaux sur les cent trente et un testés. Le nombre d’œufs par gramme varie de sept à cinquante. Les examens coprologiques sont réalisés selon la méthode de Mac Master modifiée par Raynaud, utilisant l’iodomercurate de potassium de densité 1,44 comme liquide dense. La coproscopie est complémentaire de la sérologie. Cette dernière met en évidence un contact avec le parasite dans le lot soumis au prélèvement, sans le dater. La méthode sérologique utilisée est l’Elisa. Le seuil de positivité (taux d’anticorps supérieur à 30) a été étalonné sur quatre cents sérums négatifs pour avoir une spécificité de 99 %. La sérologie se positive deux à trois semaines après l’infestation. Le taux d’anticorps reste supérieur à 30 tout au long de l’infestation. Deux à six mois sont nécessaires après un traitement fasciolocide efficace pour que le taux d’anticorps devienne inférieur au seuil de positivité.

La réalisation d’une enquête épidémiologique poussée est indispensable

La réalisation d’examens sérologiques et/ou coprologiques ne suffit pas. Une analyse de risque doit être effectuée en complément. Elle consiste à identifier les gîtes à limnées (berges basses, bords de mare, écoulements de petites sources) et les animaux qui ont séjourné à proximité. Cela permet de préciser les lots d’animaux pour lesquels le risque d’infestation est le plus important.

La démarche proposée par les experts est de réaliser des analyses sérologiques et coproscopiques au moins une fois par an, de préférence au début de l’hiver. Cela doit être associé à une enquête sur les pâturages pour identifier les zones à risque. Le but est de définir un plan d’action formalisé et rentable avec l’éleveur, alliant la chimiothérapie et la mise en place de mesures agronomiques préventives. « Sur le terrain, les outils diagnostiques sont sous-exploités, souligne Gérard Bosquet, expert de l’OGD. Par ailleurs, les mesures médicales ne sont pas appliquées de façon pertinente. La prescription est trop souvent liée à une enquête épidémiologique sommaire. Nous n’allons pas assez loin dans notre travail de prescription. » Pourtant, « aucune tolérance vis-à-vis du parasite n’est acceptable », estiment les experts. Fasciola hepatica a comme cible principale le parenchyme hépatique lors de sa migration, ainsi que les canaux biliaires. La parasitose est à l’origine de déviations métaboliques qui ont un impact sur la fécondité, les maladies néonatales, la production laitière, la croissance et la qualité de la viande à l’abattoir. Il s’agit par ailleurs d’une zoonose.

  • (1) Les résultats d’une enquête du laboratoire Janssen ont été présentés lors d’une conférence, le 18/5/2005 (La Semaine Vétérinaire, n° 1185, p. 38).

MEMBRES DU COMITE D’EXPERTS DE L’OBSERVATOIRE DE LA GRANDE DOUVE

Interprétation d’une sérologie positive

Les sérologies ont été effectuées par une méthode Elisa utilisant comme antigènes des produits d’excrétion-sécrétion de Fasciola hepatica élaborés selon un protocole standardisé.

La sérologie permet de montrer le contact avec Fasciola hepatica sans préjuger de la population de parasites que pourra héberger le bovin. Plusieurs éventualités sont à considérer lorsque l’animal est séropositif et présente un résultat négatif à la coproscopie :

- l’animal est infesté depuis peu. Les grandes douves sont en migration dans l’organisme et n’ont pas encore atteint les canaux biliaires : l’infestation date de moins de douze semaines ;

- l’animal est infesté depuis plus de douze semaines, mais le nombre de parasites est trop faible pour que les œufs soient détectés dans les matières fécales. Les parasites peuvent être encore vivants ou morts après avoir été éliminés à la suite de la réaction immunitaire ou par un traitement antiparasitaire dans un laps de temps de moins de six mois avant l’examen sérologique ;

- l’animal a été infesté par un nombre de métacercaires trop faible pour permettre l’installation d’une population d’adultes dans les canaux biliaires. Il présente des anticorps, signes de la mise en place de la réponse immunitaire.

Mais cette dernière, associée aux mécanismes de défense non spécifiques, peut avoir occasionné l’élimination des parasites ingérés lors de leur migration avant leur arrivée dans les voies biliaires.

J.-P. G.
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